Le naufrage diplomatique annonce-t-il la fin du régime algérien?

Bernard Lugan.

ChroniqueSigne que la fin est proche, les clans militaires se livrent une guerre impitoyable illustrée par les allers-retours dans la prison militaire de Blida de dix généraux-majors, soixante généraux et quatre-vingt-cinq colonels… La chute programmée de ce «Système» à bout de souffle et qui ne tient que par la force est d’autant plus prévisible qu’il s’est politiquement auto-piégé en faisant réélire le président Abdelmadjid Tebboune avec 94,65% des voix… mais avec 85% d’abstentions.

Le 24/06/2025 à 11h00

Ajoutée à la profonde crise politique, économique et sociale, la débâcle de la diplomatie algérienne est peut-être le dernier clou planté dans le cercueil d’un système dont l’agonie dure depuis plusieurs années. Elle illustre non plus la crise, mais le séisme profond qui, tôt ou tard, emportera les héritiers des auteurs du coup d’État de 1962 qui vit l’armée des frontières évincer le GPRA.

Signe que la fin est proche, les clans militaires se livrent une guerre impitoyable illustrée par les allers-retours dans la prison militaire de Blida de dix généraux-majors, soixante généraux et quatre-vingt-cinq colonels… Aujourd’hui, après l’épuration des membres du clan du général Gaïd Salah, ceux du général Chengriha brûlent les étapes de l’enrichissement, car ils n’ignorent pas que nombre de colonels et de généraux attendent impatiemment de pouvoir participer à leur tour au pillage des richesses du pays.

La chute programmée de ce «Système» à bout de souffle et qui ne tient que par la force est d’autant plus prévisible qu’il s’est politiquement auto-piégé en faisant réélire le président Abdelmadjid Tebboune avec 94,65% des voix… mais avec 85% d’abstentions. Dans certaines wilayas, le pourcentage officiel des votants n’a même pas atteint les 5%, et en Kabylie, la participation fut quasiment nulle…

En plus de cela, l’Algérie n’en finit plus de porter le boulet du Polisario. D’autant plus que, conscient que son combat pour la création d’un «État» saharaoui est perdu, le proxy algérien a en effet entrepris de «diversifier» ses activités en se spécialisant dans le trafic de drogue, de médicaments et de pièces de rechange pour les véhicules automobiles. Toléré par l’État qui y trouve son compte, ce trafic qui porte sur des sommes colossales se fait à travers des réseaux spécialisés qui se fournissent essentiellement en Espagne et en France.

«Il est devenu évident pour tous qu’à travers cet artificiel conflit, l’Algérie cherchait le moyen de briser son enclavement continental en tentant de s’ouvrir, via un pseudo-État saharaoui, une fenêtre sur l’océan atlantique»

—  Bernard Lugan

L’évolution du Polisario est la conséquence de l’échec algérien dans la question du Sahara occidental puisque la reconnaissance internationale de sa marocanité est quasiment acquise. D’autant plus qu’il est désormais clair aux yeux du monde que ce conflit artificiel a permis à l’Algérie d’écarter le processus de décolonisation qu’elle aurait dû mener chez elle, en 1962, en rendant au Maroc les territoires marocains directement passés de la colonisation française à la colonisation algérienne, à savoir Béchar, Tindouf, Tabelbala, la Saoura, le Touat, le Gourara et le Tidikelt. Il est également devenu évident pour tous qu’à travers cet artificiel conflit, l’Algérie cherchait le moyen de briser son enclavement continental en tentant de s’ouvrir, via un pseudo-État saharaoui, une fenêtre sur l’océan atlantique.

Régionalement, l’Algérie s’est brouillée avec le Mali et le Niger qui lui reprochent ses liens avec les «séparatistes» touareg.

Encore plus grave pour Alger, ses intérêts se trouvent désormais opposés à ceux de son allié historique, la Russie, pays qui soutient la junte au pouvoir à Bamako, tout en fournissant à l’Algérie la quasi-totalité de son armement. En Libye également, la politique d’Alger se heurte à celle de la Russie. L’Algérie soutient en effet Tripoli contre Moscou qui est aux côtés du maréchal Haftar. Enfin, en emprisonnant Boualem Sansal, l’Algérie a grandement écorné son image internationale, notamment devant le Parlement européen où ses lobbyistes n’ont pas réussi à empêcher un vote à l’unanimité exigeant la libération de l’écrivain.

Le bilan diplomatique algérien est donc désastreux, car, et nous venons de le voir, le pays qui est brouillé avec quatre de ses voisins, à savoir le Maroc, le Mali, le Niger et la Libye a, de plus, perdu le soutien de ses deux derniers alliés, la Syrie d’Assad et le Hezbollah libanais. Et il est en passe de perdre celui du régime iranien qui lutte actuellement pour sa propre survie... Ne lui reste plus que la Tunisie, devenue une quasi «province algérienne».

Par Bernard Lugan
Le 24/06/2025 à 11h00