Le 1er mai dernier, Mohamed El Amine Belghit, historien officiel et porte-parole de l’institution militaire algérienne, pensait, comme de coutume, plaire à ses commanditaires quand, sur la chaîne émiratie Sky News Arabia, il déclara que «l’amazighité est un projet idéologique sioniste-français par excellence», car les Berbères n’existent, pas puisque ce sont en réalité des Arabes!
Or, n’est-ce pas la ligne suivie par les idéologues du courant «arabo-islamo-conservateur» algérien depuis 1962? Pour ses tenants, la diversité ethnique algérienne doit en effet disparaître ou se fondre dans le nationalisme arabo-musulman. L’islamisation aurait ainsi marqué la fin de l’histoire des Berbères, puisque leur conversion à l’Islam, il y a quatorze siècles, les aurait inscrits de façon irréversible dans l’aire culturelle de l’Islam, donc, selon eux, de l’arabité.
Au moment de l’indépendance, en 1962, Abderrahmane Ben Hamida, ministre algérien de l’Éducation nationale, avait ainsi déclaré que «les Berbères sont une invention des Pères blancs» puisque, selon lui, la conscience culturelle et politique kabyle serait née avec la colonisation française…
Arrivés au pouvoir durant l’été 1962, après un coup d’État qui leur permit d’évincer le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), les «arabo-islamo-conservateurs» supprimèrent donc la chaire de kabyle de l’université d’Alger. Pour eux, la revendication berbère était en effet une conspiration séparatiste dirigée certes contre l’Islam et contre l’arabité. Comme l’amazighité affirmait la double composante du pays, berbère et arabe, le FLN parla donc de dérive «ethnique», «raciste» et «xénophobe» menaçant de détruire l’État. Résultat, les Kabyles et les Chaouis, qui avaient mené la guerre contre la France, se retrouvèrent citoyens d’une Algérie algérienne arabo-musulmane niant leur identité.
Mohamed El Amine Belghit pensait donc être dans la ligne officielle algérienne quand il répondit à la journaliste de Sky News Arabia. D’autant plus que, créature du «Système», il était l’enfant chéri des médias régimistes, ayant «colonnes ouvertes» dans le très officiel El Moudjahid, ainsi que dans toutes les courroies de transmission médiatiques de l’institution militaire. Docile perroquet de l’histoire officielle algérienne, à chaque anniversaire, il répétait le mythe du million de «martyrs» morts au combat contre l’armée française ou celui des 45.000 morts lors de l’insurrection de Sétif en 1945.
Ce propagandiste officiel a donc toujours défendu la thèse de l’inexistence de la berbérité, présentée comme un mythe colonial. Ce fut encore lui qui, missionné par le «Système», dénonça le Hirak comme un complot kabylo-français. C’est donc, et répétons-le, en toute bonne foi qu’il répondit aux questions de la journaliste de Sky News Arabia et c’est avec stupéfaction qu’il apprit qu’il avait commis un grave impair, avant d’aller dormir en prison...
Aujourd’hui, l’État algérien, qui n’a plus aucune légitimité populaire et qui, par ses errances diplomatiques, a réussi à se brouiller avec ses voisins, a considéré, pour des raisons de politique intérieure liées aux féroces luttes de clans qui le paralysent, et selon le communiqué de la justice, que la déclaration de Mohamed El Amine Belghit «constitue une violation, une atteinte à une composante essentielle de l’identité nationale, ainsi qu’une offense flagrante à l’unité nationale»… Mais, plus encore, véritable citadelle assiégée, le «Système» cria au complot étranger. Après s’être brouillé avec le Maroc, avec la France, avec le Mali, avec le Niger, avec le Burkina Faso et avec la quasi-totalité du monde arabe, afin de faire bonne mesure, l’ENTV insulta d’une manière bien peu diplomatique les Émirats arabes unis présentés, et cela, à neuf reprises, comme un «micro-État artificiel».