Dans un discours prononcé à Paris le 12 décembre 1912, quelques mois à peine après le début du Protectorat, le général Lyautey déclara: «La pacification du Maroc, restez-en bien convaincus, est une très grosse affaire, à très longue échéance.»
De fait, la résistance armée fut très importante et très longue. Du guerrier marocain, qu’il connaissait bien pour avoir commandé les Goums durant la Campagne d’Italie, le général Augustin Guillaume disait en effet: «II sait sacrifier délibérément ses biens, sa famille et plus facilement encore sa vie. Aucune tribu n’est venue à nous dans un mouvement spontané. Aucune ne s’est soumise sans combattre, et certaines sans avoir épuisé, jusqu’au dernier de leurs moyens de résistance.»
Après 1912, et malgré le déséquilibre des forces, les tribus n’hésitèrent pas à prendre les armes et, dans certaines régions, elles résistèrent jusqu’en 1934. La prise de conscience nationaliste se développa ensuite dans les centres urbains et le combat fut dès lors d’abord politique avant de redevenir militaire dans les années 1950.
La résistance armée commença dès 1912 dans le Sud avec El Hiba qui, depuis Tiznit où son père Ma el Aïnin s’était retiré, souleva le Souss, l’Oued Noun, la vallée du Drâa, le nord du Sahara et une partie de l’actuelle Mauritanie. En 1912, quand le sultan Moulay Hafid abdiqua et que Moulay Youssef fut proclamé à sa place, les tribus sahariennes étaient en plein soulèvement. El Hiba prit alors Marrakech à la tête d’une armée de plusieurs dizaines de milliers d’hommes, essentiellement sahraouis, avant d’être vaincu à la bataille de Sidi Bou Othmane. Il continua cependant de résister jusqu’à sa mort en 1919, puis son frère Merabbi Rebbu prit la relève.
Au même moment, dans la région du Saquia el Hamra, une colonne française venue de l’Adrar prit Smara mais, devant le soulèvement des Rguibat et des Teknas, commandés par Mohammed Laghdaf, un autre fils de Ma el Aïnin, elle se replia vers l’actuelle Mauritanie.
Ce fut dans la région du Moyen Atlas, de l’Atlas central et du Tadla que les résistances furent les plus vives avec l’entrée en guerre des Aït Ndhir, des Beni M’Tir et des Aït Youssi. À la limite des trois régions militaires de Meknès, Fès et Taza, les Français furent confrontés à de rudes adversaires, qu’il s’agisse des Beni Warain, des Marmoucha ou encore des Aït Seghrouchen, avec Moulay Ahmed Seghrouchni auquel succéda son fils Sidi Akka, et qui ne déposeront les armes qu’en 1926.
Dans le Moyen Atlas, le principal chef de la résistance fut Moha ou Hammou ez-Zaïani, qui prit la tête des tribus révoltées. En 1914, il dut quitter Khenifra lors de sa conquête par le général Henrys, mais il reforma ses troupes dans la montagne et organisa le blocus de la ville. En novembre 1914, à El Heri, à quelques kilomètres de Khénifra, il parvint à surprendre et à submerger une colonne française commandée par le colonel René Laverdure qui perdit 33 officiers, 580 soldats morts ou blessés, ainsi que 8 canons et 10 mitrailleuses. Cette victoire fut cependant sans lendemain, car la contre-attaque obligea Moha ou Hammou à se replier à nouveau dans ses montagnes, où il résista jusqu’au 2 juin 1920, date de sa soumission au général Poeymirau.
Mohammed N’Ifrouten combattit quant à lui dans le Tafilalet où, durant l’été de 1918, dans la région de Bou Denib, il attaqua les troupes françaises à la tête de plusieurs milliers d’hommes. Il fut battu à Gaouz, où six cents de ses hommes trouvèrent la mort en une matinée.
Après 1918, la Première Guerre mondiale étant terminée, une déflation s’opéra dans les effectifs de Lyautey, qui concentra alors ses moyens contre la «tache de Taza», «effacée» en 1921. À partir de cette date, les communications avec l’Algérie furent sûres, mais le cœur du Moyen Atlas, notamment les territoires des Marmoucha et des Aït Seghrouchen, résista encore.
Après la reddition de Moha ou Hammou ez-Zaïani en 1920, ce fut le tour de Mohammed el Haraik dans la région d’Ouezzane, puis les Français durent réduire les Djebala qui résistèrent jusqu’en 1922. Mais les résistances n’étaient pas terminées puisque, en 1923, les Djebala reprirent les armes, et qu’en 1924 éclata la Guerre du Rif.