Le 13 mars 1591, à Tondibi, sur le Niger, les troupes marocaines l’emportèrent sur celles de l’empire songhay. Vainqueur, le Maroc créa alors le Pachalik du Soudan qui était dirigé par un pacha nommé par le sultan.
N’ayant cependant pas les moyens d’établir son contrôle sur la totalité de l’ancien empire songhay, le corps expéditionnaire marocain qui s’établit à Tombouctou, se limita à contrôler la région jusqu’à Djenné, ainsi que la navigation sur une partie du fleuve Niger au moyen de petites garnisons.
Le dernier renfort de soldats marocains se fit en 1618, durant le règne du sultan saadien Moulay Zidane (1613-1627).
Jusqu’au tout début du 17ème siècle, le Maroc nomma les pachas de Tombouctou. Dans un premier temps, il s’agissait d’envoyés désignés par le sultan et qui, au départ de Tindouf, partaient rejoindre leur poste après une longue et éprouvante traversée du désert.
Puis, à partir de 1618, les pachas furent élus par la troupe marocaine. Cependant, ils ne rompirent pas avec le Maroc puisque, jusqu’à la fin de la dynastie saadienne, les pachas prêtaient allégeance aux sultans et la prière était dite en leur nom. En 1670, ils renouvelèrent cette allégeance, mais à Moulay Rachid (1666-1672), le premier sultan alaouite.
L’aventure des soldats marocains qui avaient conquis l’empire songhay ne prit pas fin après 1618, car les pachas marocains et leurs hommes firent souche à Tombouctou.
Ils y épousèrent en effet des femmes indigènes, notamment songhay, et ils donnèrent naissance à ce que l’on pourrait considérer comme une nouvelle «tribu». Son nom: les Arma, une déformation du mot arabe al-Ruma, ce qui signifie ceux qui utilisent le fusil, l’arquebuse, c’est-à-dire les fusiliers.
«A cette époque, le corps expéditionnaire marocain dans sa totalité était en effet composé de deux divisions, l’une dite de Fès et l’autre dite de Marrakech. En réalité, l’une servait à désigner l’aile droite et l’autre l’aile gauche de l’armée.»
— Bernard Lugan
Les Arma étaient les descendants des combattants qui avaient conquis l’empire songhay et qui avaient été désignés par les tribus guich, c’est-à-dire par les tribus qui devaient le service militaire au sultan marocain, tant berbères qu’arabes.
Sur place, à Tombouctou, leur division sociale et politique fut directement héritée de la campagne militaire de conquête.
À cette époque, le corps expéditionnaire marocain dans sa totalité était en effet composé de deux divisions, l’une dite de Fès et l’autre dite de Marrakech. En réalité, l’une servait à désigner l’aile droite et l’autre l’aile gauche de l’armée.
Une fois la conquête terminée, avec le temps, ces deux ensembles se constituèrent en clans. Afin d’éviter autant que possible les affrontements internes, à partir du moment où le Maroc ne nomma plus les pachas, ces derniers furent désignés en alternance au sein des deux groupes. Mais leur autorité étant fragile, les pachas ne restaient généralement au pouvoir que pendant des périodes relativement courtes.
Peu à peu, ces quelques milliers de soldats marocains fusionnèrent donc avec la population locale et ils formèrent une partie de l’élite dirigeante de la région.
À la fin du 17ème siècle et au début du 18ème, un double phénomène se produisit qui fut d’une part, l’affaiblissement des pachas d’ascendance marocaine, et d’autre part, l’expansion des Touareg Kel Tadmekket et KeI Iwellemmeden.
Ces derniers poussèrent jusqu’à Tombouctou où leur amenokal, leur chef, reçut l’investiture des pachas. Toute la région de la boucle du Niger passa alors sous le contrôle de ces deux confédérations touareg, mais les pachas réussirent tout de même à se maintenir tant bien que mal, en composant avec les envahisseurs.
En 1737, le pacha Ahmed al-Zari voulut secouer l’encombrante tutelle des Touareg et il lança une expédition contre les Kel Tadmekket, mais il fut vaincu.
Les Touareg imposèrent alors un tribut à la ville de Tombouctou où, profitant de l’affaiblissement des Arma, les Kunta commencèrent à prendre une importance de plus en plus grande.
La défaite de 1737 accéléra la rétractation du territoire des Arma qui se limita désormais à la ville de Tombouctou et à ses environs immédiats. Puis, en 1787, le pachalik de Tombouctou devint tributaire des Touareg Kel Iwellemmiden.
En réalité, avec plus ou moins d’autorité selon les moments, les Arma gouvernèrent continuellement Tombouctou jusqu’en 1833. Il y eut cependant une brève interruption de leur pouvoir durant quelques mois, en 1737 quand les Touareg occupèrent la ville.