Donald Trump et les droits de douane en Afrique

Bernard Lugan.

ChroniquePar-delà la stupéfaction, le président Trump ne fait en réalité que mettre en place une simple mesure de réciprocité en ne s’en prenant qu’aux pays africains qui, jusque-là, surtaxaient les produits américains. Les nouveaux taux douaniers sont en effet fixés en fonction de ceux jusque-là pratiqués par les pays tiers sur les produits importés des États-Unis.

Le 22/04/2025 à 10h59

Le président Trump vient de mettre un point final à l’African Growth and Opportunity Act (AGOA), ou Loi sur la croissance et les possibilités économiques en Afrique, une loi adoptée par le Congrès américain en mai 2000 et signée par le président Bill Clinton. Elle offrait aux pays d’Afrique sud-saharienne éligibles un accès en franchise de droits de douane au marché américain pour plus de 1.800 produits.

Désormais, cette politique est remplacée par la réciprocité, puisque les pays africains devront faire face à des coûts plus élevés pour accéder au marché américain, établis en proportion des droits de douane que ces pays appliquaient aux produits américains avant l’élection de Donald Trump.

Cette décision du président Trump d’imposer des droits de douane aux pays africains marque un changement total de paradigme, car depuis 1976, la politique africaine des États-Unis reposait sur deux volets:

1- Le GSP (Generalized System of Preference), dispositif restrictif accordant sans réciprocité à tous les pays en développement la possibilité de faire entrer leurs produits sur le marché américain.

2- Le «Trade not Aid» avec l’AGOA, assorti de propositions visant à exempter de droits de douane, mais sous conditions, certaines productions africaines entrant sur le marché américain.

Cette politique fut en son temps combattue par la droite républicaine, dont le sénateur Jesse Helms se fit le porte-parole en déclarant, comme aurait pu le faire aujourd’hui Donald Trump: «Je ne pense pas que la vocation commerciale de notre pays soit de favoriser les économies des pays émergents au détriment des travailleurs américains

La crainte de certains milieux américains était en effet de voir le marché américain, notamment textile, envahi par des produits, principalement asiatiques, ayant simplement transité par l’Afrique, ce qui aurait risqué de pénaliser l’industrie nationale.

Entré en vigueur en 2000, l’AGOA supprimait les droits de douane dans de très nombreux domaines pour 42 pays africains éligibles, accordant même un régime de préférence à certaines importations, notamment textiles et agricoles. L’Afrique du Nord en était en revanche exclue.

«Si les produits de certains pays africains sont aujourd’hui lourdement taxés, c’est parce qu’eux-mêmes taxaient de manière exagérée les produits américains.»

Désormais, avec le président Trump, les produits africains exportés vers les États-Unis subiront des droits de douane au moins égaux à 10%, mais pouvant atteindre 50% pour certains pays.

Par-delà la stupéfaction, le président Trump ne fait en réalité que mettre en place une simple mesure de réciprocité en ne s’en prenant qu’aux pays africains qui, jusque-là, surtaxaient les produits américains. Les nouveaux tarifs douaniers sont en effet fixés en fonction de ceux jusque-là pratiqués par les pays tiers sur les produits importés des États-Unis.

Une décision résumée d’une phrase par Donald Trump lui-même: «Nous subventionnons de nombreux pays et les soutenons dans leurs activités. Pourquoi faisons-nous cela? À quel moment pouvons-nous dire qu’il faut travailler pour soi-même?»

Or, si les produits de certains pays africains sont aujourd’hui lourdement taxés, c’est parce qu’eux-mêmes taxaient d’une manière exagérée les produits américains.

Quelques exemples :

- Le Lesotho, qui taxait les produits américains à 99%, se voit en retour taxé de 50%.

- Maurice, qui taxait les produits américains à 80%, se voit en retour taxée de 40%.

- Le Botswana, qui taxait les produits américains à 74%, se voit en retour taxé de 37%.

- L’Afrique du Sud, qui taxait les produits américains à 60%, se voit taxée en retour de 30%.

- L’Algérie, qui taxait les produits américains à 59%, quand les siens l’étaient seulement de 18%, se voit taxée de 30%.

En revanche, 26 pays africains ne se verront imposer «que» des droits de douane à hauteur de 10%. Il en est ainsi du Maroc, de l’Éthiopie et de l’Égypte. Le Maroc, qui est d’ailleurs le seul pays africain signataire d’un accord de libre-échange avec les États-Unis, et vers lesquels il exporte notamment engrais, composants automobiles et produits agroalimentaires.

Par Bernard Lugan
Le 22/04/2025 à 10h59