Tebboune et son avatar Benbattouch

Mustapha Tossa.

ChroniqueEn recevant en grandes pompes Brahim Ghali, le président algérien Abdelmadjid Tebboune donne corps à la perception qu’il existe deux entités en Algérie, une au nord, le régime d’Alger, et l’autre au sud, la RASD. Et que cette comédie théâtralisée vise à donner l’illusion de l’existence d’une «république sahraouie» dans le sud de l’Algérie.

Le 05/05/2025 à 16h01

Une des plus grandes mascarades politiques et médiatiques que vit actuellement l’Algérie concerne les mises en scène loufoques de rencontres entre le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, et le chef du Polisario, Brahim Ghali, auquel le pseudonyme Benbattouch -utilisé sur un passeport algérien lors de son hospitalisation clandestine en Espagne- colle comme une seconde peau. Au sein des cénacles algériens, la croyance est lourdement établie que si les attentions sont portées aux détails protocolaires de ces rencontres, celles-ci allaient, d’une part, parer de sérieux l’existence fictive d’une «république sahraouie», et d’autre part, incommoder les autorités marocaines, à travers une telle valorisation de leur ennemi séparatiste.

Or, plus le pouvoir algérien s’enfonce dans cette mise en scène, plus il montre à quel point il est en train de vivre dans une réalité virtuelle, totalement déconnectée du monde, et plus il suscite sarcasmes et quolibets de la part des Marocains. Il n’y a qu’à voir la vague de moqueries qui a salué, sur les réseaux sociaux, l’accueil de Benbattouch par Tebboune pour se rendre compte que cet acte, qui se veut inamical à l’égard du Maroc, a en réalité produit l’effet inverse.

L’une des plus partagées est celle qui décrit la photo de Abdelmadjid Tebboune en compagnie de son avatar du Polisario comme une rencontre entre le président de l’Algérie du Nord et celui de l’Algérie du Sud, soulignant que cette comédie théâtralisée vise à donner l’illusion de l’existence d’une «république sahraouie» dans le sud de l’Algérie.

Car la démarche du régime algérien se voulait une réponse vengeresse à Rabat après la réception par le roi Mohammed VI des ministres des Affaires étrangères des trois membres de l’Alliance des pays du Sahel (AES), à savoir le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Au cours de cette rencontre historique, ces États ont officiellement adhéré à l’Initiative atlantique lancée par le Maroc, qui consiste à désenclaver cette région du Sahel en lui offrant une ouverture sur l’Atlantique et en traçant de nouvelles et prometteuses perspectives économiques.

L’adhésion des trois pays à l’initiative royale a sonné le glas pour les projets du régime d’Alger. Elle augure inévitablement une reconnaissance collective par l’AES de la souveraineté du Maroc sur son Sahara, ce qui représenterait un signal fort pour l’exclusion programmée de la «république» fictive des rangs de l’Union africaine.

Le régime d’Alger a senti le danger d’une telle évolution. En recevant en grande pompe le chef des séparatistes, il tente de s’enfermer et d’enfermer son opinion dans une posture autiste. Comme pour signifier que toutes les changements politiques favorables au Maroc dans cette crise n’impacteraient aucunement sa perception et son positionnement.

«Le régime algérien a développé une vocation, devenue le trait distinctif de sa politique: manifester son animosité à l’égard de tous ceux qui exprimeraient la moindre empathie pour le Maroc.»

Or, cette manière d’aller à contre-courant de la dynamique régionale et internationale sur le Sahara marocain participe surtout à emmurer le régime algérien dans sa propre prison mentale et politique. Il est dans une forme d’obligation d’écrire son propre roman national avec un récit appartenant davantage à un monde parallèle et fantasmé qu’au monde réel.

Dans tous les cas, dans cette rivalité imposée entre le Maroc et l’Algérie, les deux pays ont exporté au monde deux images à la symbolique et à la portée radicalement opposées. D’un côté, celle d’un Maroc qui lance des projets structurants pour son voisinage, avec une ambition assumée de développement collectif; un Maroc soucieux de désenclaver des pays du continent et de construire des ponts et des rampes de lancement pour le décollage économique de l’ensemble de la région.

En face, celle d’un régime algérien qui produit tension, division, séparation et chaos. Sa doctrine assumée est d’entraver le processus d’unification et de complémentarité économique du Maghreb en empêchant sa réalisation. D’ailleurs, une réalité politique saute aux yeux: tous les choix du régime d’Alger ont pour fonction de faire avorter les initiatives rassembleuses des pays de la région. Comme s’il était verrouillé sur une seule obsession: faire en sorte que le projet du Grand Maghreb soit éternellement paralysé.

En plus de cette fonction de frein, le régime algérien a développé une autre vocation, devenue le trait distinctif de sa politique: manifester son animosité à l’égard de tous ceux qui exprimeraient la moindre empathie pour le Maroc. Et comme les choix et la stratégie diplomatiques marocains ont réussi à obtenir le soutien de la plupart des acteurs internationaux -américains, européens, arabes et africains, Alger s’est retrouvé dans la posture de celui qui mène la guerre à tout le monde et sur plusieurs fronts. D’ailleurs, cette attitude belliqueuse est source d’inquiétude pour plusieurs pays préoccupés par la paix et la stabilité régionales.

Sans doute, et sans le vouloir, le régime algérien est en train de rejoindre le club des États voyous, dont la raison d’être politique est de se placer en rupture avec la communauté internationale. Ce choix a un prix, qui finira un jour par être exigé.

Par Mustapha Tossa
Le 05/05/2025 à 16h01