Le Maghreb à l’heure des grandes clarifications

Mustapha Tossa.

ChroniquePour le régime algérien, la Tunisie est devenue une base sous totale influence. Utilisant la carte de l’aide énergétique et de la sourde menace sécuritaire, Alger ambitionne de l’arrimer définitivement à sa stratégie d’hostilité au Maroc.

Le 21/04/2025 à 15h56

Une question s’impose aujourd’hui avec une grande évidence: comment les pays du Maghreb pourront-ils s’acclimater à la nouvelle atmosphère politique produite par les résultats et les perspectives diplomatiques du dernier Conseil de sécurité sur la Sahara marocain, selon lesquels seule l’option de l’autonomie sous souveraineté marocaine est actée? Une chose est certaine: les capitales maghrébines ne peuvent agir comme si de rien n’était et continuer à entretenir leurs positions sans la moindre interaction avec les nouvelles donnes onusiennes dans cette crise régionale.

Sentant le vent du changement souffler, le régime algérien a récemment accentué la pression sur la Tunisie pour l’obliger à reconnaître officiellement la fantomatique «République sahraouie». Sous l’impulsion du président Kaïs Saïed, Tunis s’est ostensiblement rapproché d’Alger depuis qu’elle a brisé sa neutralité positive en accueillant le chef des séparatistes, Brahim Ghali, lors de la fameuse rencontre Afrique-Japon. Une attitude immédiatement perçue par le Maroc comme inamicale, voire hostile. Ce qui explique le gel de relations entre les deux pays.

Pour le régime d’Alger, la Tunisie est devenue une base sous totale influence. Utilisant la carte de l’aide énergétique et de la sourde menace sécuritaire, Alger ambitionne de l’arrimer définitivement à sa stratégie d’hostilité au Maroc. Un projet partiellement réussi, puisqu’il se trouve des Algériens qui décrivent sans complexe la Tunisie comme une Wilaya algérienne, et des Tunisiens qui se font les relais et les avocats zélés de cette mise sous le boisseau de leur pays par Alger.

Avec la Libye, les rapports ne manquent pas de complexité et de clivages. Divisé entre une région Est dirigée de facto par Khalifa Haftar, en rupture assumée avec Alger, et une région Ouest dirigée par Abdelhamid Dbeibah, le pays résiste aux sirènes de la séduction algérienne. Et pour cause, la mise sur orbite d’une solution politique à la crise libyenne, internationalement saluée, a été pensée et produite au Maroc. Rabat s’est imposé comme une puissance médiatrice à l’efficacité reconnue, tandis que le régime algérien cherche à accentuer les divisions et à enrôler la Libye dans son hostilité au Maroc, incarnant par là aux yeux du monde un acteur des tensions et du chaos.

«Aujourd’hui, alors que s’imposent à tous la pertinence et la viabilité de la seule solution de l’autonomie, les pays du Maghreb sont contraints de sortir de leurs zones de confort.»

Pour la Mauritanie, la situation est également complexe. Sous la présidence de Mohamed Ould El Ghazouani, Nouakchott reconnaît dans les faits la «République sahraouie». Mais le pays gère cette reconnaissance, qui a eu lieu à un moment de sa récente histoire, «à l’insu de son plein gré», tel un lourd fardeau. Le pouvoir mauritanien a été pendant de longues années déchiré entre la volonté de maintenir une relation stratégique avec le Maroc, nourrie de projets économiques vitaux pour les deux pays, et la résistance au pouvoir algérien qui cherche à profiter de cette reconnaissance pour approfondir les divergences entre Marocains et Mauritaniens. Sans grand succès, pour le moment, au regard des multiples gestes et démarches hautement politiques qui révèlent la volonté de Rabat et Nouakchott d’assainir définitivement le climat de leur précieuse collaboration, fruit d’un voisinage stratégique et d’une relation chargée d’une histoire commune.

Aujourd’hui, alors que s’imposent à tous la pertinence et la viabilité de la seule solution de l’autonomie, les pays du Maghreb sont contraints de sortir de leurs zones de confort. Un autre monde, avec de nouvelles équations et de nouveaux rapports de forces est en train de s’écrire devant nos yeux. Il impose à ces pays de procéder à une mise à jour de leurs perceptions. Le régime d’Alger pourra-t-il, contre vents et marées, continuer à poursuivre d’irréalisables chimères, au risque d’aggraver son isolement et d’augmenter l’indice de sa dangerosité et sa nocivité pour la communauté internationale? Le régime de Kaïs Saïed qui, sous pression algérienne, a obéré ses relations le Maroc, pourra-t-il indéfiniment faire vivre les Tunisiens dans cet état de dépendance et de perte de souveraineté pour les beaux yeux d’une cause perdue d’avance?

Quant à la Mauritanie, la nouvelle donne politique internationale sur le Sahara lui impose de revoir radicalement sa position et de dénoncer officiellement, et en des termes clairs, sa reconnaissance du Polisario. La Libye de l’Ouest ne sera pas en reste et sera dans l’obligation de freiner ses enthousiasmes pro-algériens. D’ailleurs, cela a déjà commencé à se faire sentir, lorsque cette Libye a refusé de s’enrôler dans un projet d’unité du Maghreb sans le Maroc, voulu par Alger comme une tentative d’isoler le Royaume. Refusée par la Mauritanie et la Libye, l’initiative s’est transformée en un tête-à-tête entre Alger et Tunis, soulignant davantage son inanité et son inefficacité.

Par Mustapha Tossa
Le 21/04/2025 à 15h56