La Tunisie, une Wilaya algérienne?

Mustapha Tossa.

ChroniqueL’Algérie a placé la Tunisie sous sa coupe et l’a embrigadée dans sa guerre politique contre le Maroc. Résultat: Tunis rejoint le régime algérien dans sa marginalité, perdant son attractivité et son originalité.

Le 12/05/2025 à 16h02

La Tunisie, une Wilaya algérienne? La question ne choque plus personne. Elle est même souvent répétée comme un trophée politique par les propagandistes en chef d’Alger. Les liens entre le régime de Kaïs Saïed et celui de Abdelmadjid Tebboune sont si imbriqués qu’ils ont créé une forme de dépendance et de soumission.

La Tunisie est actuellement presque le seul pays dans le monde arabe complice du régime algérien dans sa politique antagoniste au Maroc, multipliant les actes hostiles, des tentatives de créer un regroupement régional sans le Maroc, avec une stratégie d’isolement et d’encerclement, aux pseudo-manœuvres militaires incluant la participation de la chimérique «république sahraouie», boycottées par l’Égypte et la Mauritanie précisément à cause de la présence du Polisario.

Alger a mis Tunis sous sa coupe et l’a embrigadé dans sa guerre politique contre le Maroc. Sans grand succès. Résultat, la Tunisie rejoint le régime algérien dans sa marginalité et perd de son attractivité et de son originalité.

Car aujourd’hui, il ne fait pas bon vivre en Tunisie. Le pays, qui était dans un passé pas si lointain un havre de relative liberté et d’innovation démocratique, voire cité comme un modèle à suivre, est en train de se transformer en une dictature au visage assumé. La cause? Un appétit de pouvoir sans limites de Kaïs Saïed, un président pourtant démocratiquement élu.

Dans le champ politique tunisien, qui était selon les promoteurs du «Printemps arabe» le berceau et l’étincelle de l’exercice démocratique dans la région, Kaïs Saïed faisait office d’ovni. Venu de nulle part, sans structure partisane pour le soutenir et l’encadrer, il avait réussi à surfer sur le ras-le-bol général pour se faire élire. Démagogie et populisme ont été ses principales recettes pour séduire une opinion avide de changement.

Une fois installé au pouvoir, sa principale obsession fut de s’y maintenir, quitte à se tailler une constitution sur mesure. Depuis, le président élu s’est mué en dictateur confirmé. Il est au centre de toutes les décisions: parlementaires et ministres ne font que de la figuration, et sont régulièrement changés au gré des humeurs présidentielles. Quant aux partis politiques qui le critiquent, ils sont pourchassés sous divers prétextes, notamment des accusations de liens avec «des entreprises terroristes».

«Avec le Maroc, Kaïs Saïed a provoqué une crise diplomatique inédite, en violant la position de neutralité positive que la Tunisie avait historiquement observée dans la question du Sahara.»

Depuis son arrivée au pouvoir, Kaïs Saïed s’est arrangé pour placer la Tunisie dans des conditions extrêmement difficiles. Ses déclarations et ses prises de position sanguines et hasardeuses ont énormément compliqué les relations du pays avec ses partenaires internationaux. La meilleure preuve en est le difficile dialogue qu’entretient Tunis avec les institutions financières internationales qui hésitent à lui accorder les crédits indispensables pour sortir son pays d’une crise économique sans précédent.

Dans la Tunisie de Kaïs Saïed, l’économie est en berne. Le tourisme, une des principales ressources du pays, se dégrade à vue d’œil. Le rêve des jeunes Tunisiens est de quitter le pays, et le périmètre des libérés se réduit comme une peau de chagrin, jusqu’à disparaître totalement. Après avoir été, à un moment donné, perçue par l’opinion internationale comme un des rares espaces démocratiques dans le monde arabe, la Tunisie ressemble aujourd’hui davantage à une prison où la moindre critique du régime est punie de prison, comme le démontrent les arrestations et les procès expéditifs, aux jugements lunaires, de nombreux opposants.

Avec le Maroc, le président tunisien avait volontairement provoqué une crise diplomatique inédite. Violant la position de neutralité positive que la diplomatie tunisienne avait historiquement observée dans la question du Sahara, il s’était permis de recevoir en grande pompe le chef du Polisario lors de la réunion des pays africains avec le Japon. Cette décision, prise sous l’influence d’Abdelmadjid Tebboune, a plongé la Tunisie dans une confusion diplomatique sans précédent.

Le Maroc avait perçu la démarche comme inamicale et Kaïs Saïed ne s’est pas donné la peine de justifier cette nouvelle posture. Pire, quand le régime d’Alger a pris la décision de lancer une nouvelle structure maghrébine, avec l’espoir non camouflé d’isoler le Maroc de son environnement régional, il n’a trouvé comme véritable complice que Kaïs Saïed, dont le pays a abrité cette réunion du complot anti-marocain. La tentative a échoué, mais les stratégies d’alliance ont été clairement définies. Le président tunisien est devenu un anti-marocain presque aussi primaire que le président algérien Abdelmadjid Tebboune .

D’ailleurs, les deux chefs d’État se ressemblent comme des jumeaux dans leur style et leur capacité à susciter quolibets et sarcasmes. Le premier, fâché avec le réel et les chiffres, donne à chacune de ses interventions publiques l’étrange impression de vivre dans un monde parallèle. Le second parle un langage politique tellement bigarré et décalé qu’il est impossible pour son audience de retenir ses fous rires. Les deux hommes ont poussé le ridicule politique et diplomatique jusqu’à des niveaux rarement atteints dans la région, au point de mériter le surnom de «Laurel et Hardy de la politique» en Méditerranée.

Par Mustapha Tossa
Le 12/05/2025 à 16h02