Après le régime des mollahs, le régime de Chengriha?

Mustapha Tossa.

ChroniqueSitôt la guerre entre l’Iran et Israël contenue, sinon achevée, tous les regards vont fatalement se diriger vers l’autre «Iran du Maghreb»: le régime algérien. En voici les raisons.

Le 23/06/2025 à 16h00

Il y a une punchline politique qui fait fureur sur les réseaux sociaux. Selon cette formule, après l’Iran, cette tornade israélo-américaine emporterait également le régime algérien. Un pronostic établi dès le début de cette guerre par des activistes opposants algériens pour qui le régime de Tebboune incarne «l’Iran de l’Afrique du Nord».

À y regarder de plus près, la comparaison n’a rien de fantasque ni d’exagéré. Depuis l’arrivée au pouvoir du président Abdelmadjid Tebboune, le régime algérien s’est progressivement installé au cœur d’un réseau de ruptures diplomatiques et idéologiques qui l’a conduit à un isolement quasi-total. En adoptant une posture hostile, rigide et provocatrice, Alger semble rejouer, à l’échelle nord-africaine, le rôle déstabilisateur que Téhéran incarne depuis des décennies au Moyen-Orient.

Comme le régime des mollahs, Alger a, pour ligne de conduite, une agressivité croissante et une menace permanente à l’égard de son environnement.

Comme l’Iran, le régime d’Alger s’est mis dans une logique de défi à l’égard de la communauté internationale au point de prétendre, à juste titre, au statut de «Rogue State» (État voyou) décroché haut la main et depuis des décennies par Téhéran, et qui lui vaut aujourd’hui cet état de guerre et cette détestation internationale.

Dans la géographie des crises, le régime des mollahs et celui d’Alger présentent des ressemblances. Téhéran cultive des relations ambivalentes, faites à la fois de domination et de tension, avec plusieurs pays du monde arabe.

Au Liban, il s’appuie sur le Hezbollah, véritable bras armé au service de ses intérêts. En Irak, l’influence iranienne s’exerce à travers les brigades populaires, qui lui sont largement acquises. En Syrie, le régime de Bashar al-Assad devait, en grande partie, sa survie au soutien décisif de la République islamique. Quant au Yémen, l’Iran y alimente un front idéologique et militaire à travers les Houthis, qu’il soutient activement, faisant de ce mouvement un relais stratégique, tant sur le plan symbolique que balistique.

Le régime algérien est presque dans la même configuration. Il abrite, finance et nourrit un mouvement séparatiste nommé Polisario dont l’objectif assumé est de provoquer un chaos régional et une partition de son voisin marocain. Il entretient une relation conflictuelle avec son voisinage sahélien après avoir montré une complicité organique avec les organisations terroristes et séparatistes du nord du Mali. Il cultive une relation de domination absolue avec la Tunisie voisine à travers un chantage à l’aide énergétique et économique et est parvenu, ainsi, à faire du régime de Kaïs Saïed son proxy tunisien. Sans parler d’une relation en dents de scie avec la Libye voisine qui menace d’exploser en confrontation militaire à n’importe quel moment.

«Avec Washington, Téhéran et Alger entretiennent une relation de défi. Cela ne date pas d’aujourd’hui, mais dans la perception américaine, le régime algérien fait partie de cet «axe du mal» déjà dénoncé dans le passé pour justifier la doctrine américaine de réécrire une nouvelle géographie politique. »

—  Mustapha Tossa

Avec Washington, Téhéran et Alger entretiennent une relation de défi. Cela ne date pas d’aujourd’hui, mais dans la perception américaine, le régime algérien fait partie de cet «axe du mal» déjà dénoncé dans le passé pour justifier la doctrine américaine de réécrire une nouvelle géographie politique.

Récemment, le régime algérien a été un des rares pays à avoir été menacé publiquement de sanctions internationales pour des postures hostiles aux intérêts américains.

Marco Rubio, alors congressman, avait proposé à Antony Blinken, alors ministre des Affaires étrangères de Joe Biden, de punir le régime algérien pour avoir commis deux erreurs stratégiquement mortelles aux yeux de l’administration américaine: nourrir la machine de guerre russe à travers des contrats d’achats d’armements gigantesques et permettre au groupe paramilitaire russe Wagner de s’installer au Sahel, menaçant directement les intérêts occidentaux dans la région.

Aujourd’hui, Marco Rubio est aux affaires étrangères et le régime algérien est toujours dans son viseur à cause de sa fonction déstabilisatrice de l’ensemble de la région.

Avec le monde arabe, Téhéran et Alger sont sur la même longueur d’onde. Le régime iranien est une menace permanente pour la sécurité des pays du Golfe avec lesquels le régime algérien entretient une relation d’hostilité durable.

Il n’y a qu’à voir la crise chronique avec les Émirats arabes unis ou le royaume d’Arabie saoudite pour constater qu’Alger a fait le choix de soutenir les Iraniens dans leur bras de fer historique avec le reste du monde arabe et d’être volontairement leur rampe de lancement pour leur influence dans la région.

Un autre paramètre qui éclaire ce statut de pays pestiféré gagné par le régime algérien est à trouver dans sa relation avec le voisinage européen. Une crise ouverte avec l’Espagne, une autre, chronique, avec la France, ont définitivement abîmé le lien de confiance indispensable à une relation de bon voisinage.

L’apparente lune de miel que vivent les relations entre Rome et Alger ne doit pas cacher la profonde méfiance qui s’est installée entre Alger et le reste des pays de l’Union européenne.

Ce sont autant de facteurs qui expliquent pour quelles raisons, sitôt la guerre entre l’Iran et Israël contenue, sinon achevée, les regards vont fatalement se diriger vers l’autre «Iran du Maghreb»: le régime algérien.

Malgré les nombreuses spéculations qui circulent sur les réseaux sociaux, une attaque militaire directe «à l’Iranienne» semble exclue, notamment pour des raisons géographiques. Cependant, la situation reste fragile. Un enchaînement de facteurs pourrait se retourner contre le régime algérien. La pression pourrait devenir telle que le pouvoir serait contraint de changer de doctrine politique… ou de s’effondrer.

Par Mustapha Tossa
Le 23/06/2025 à 16h00