Tebboune face à ses impasses algériennes

Mustapha Tossa.

ChroniqueSi la désignation du Polisario comme organisation terroriste venait à se concrétiser, comme le laissent présager plusieurs démarches entreprises aux États-Unis, le régime de Tebboune se retrouverait pris dans un piège aux conséquences lourdes. Une telle qualification, émanant de Washington, aurait un retentissement majeur tant en Europe qu’en Afrique, et risquerait de consacrer l’Algérie comme principal État protecteur d’un groupe terroriste. Une étiquette autrement plus grave que celle de «recycleur d’argent sale» que lui attribue aujourd’hui l’Union européenne.

Le 16/06/2025 à 16h09

S’il fallait résumer la situation politique et diplomatique actuelle de l’Algérie en un seul mot, ce serait: impasse. Le régime est arrivé au terme de sa logique d’hostilité systématique envers le Maroc.

Après cinq décennies d’investissement idéologique et stratégique dans l’aventure séparatiste, le plafond semble atteint.

Résultat? Un isolement profond et une solitude manifeste sur la scène régionale et internationale. En perte de repères sur tous les fronts, le régime d’Alger se replie sur lui-même, contraint de rompre les liens avec son environnement. Le pays a perdu la boussole.

Dernier signal fort de l’isolement croissant du régime algérien: la décision des pays de l’Union européenne d’inscrire l’Algérie d’Abdelmadjid Tebboune sur la liste des États soupçonnés de blanchiment d’argent.

Si elle revêt, en apparence, une dimension purement technique, cette décision n’est pas dénuée de portée politique. Elle révèle une profonde perte de confiance de la part de l’un des plus grands blocs économiques mondiaux (pourtant essentiel au développement régional) à l’égard du régime algérien.

Une défiance lourde de sens, symptomatique de la rupture progressive entre Alger et ses partenaires internationaux.

Les mauvaises langues expliquent qu’une telle décision au niveau de l’Europe n’aurait jamais été possible sans la crise profonde que traversent les relations entre Alger et Paris.

En période de lune de miel entre Français et Algériens, les autorités françaises s’activaient toujours en coulisses pour empêcher de telles décisions.

Aujourd’hui, pour cause de froid diplomatique glacial entre les deux pays, Paris semble avoir levé le pied sur cette protection à l’égard du régime algérien, laissant la nature faire son travail. Une forme d’érosion de la relation entre Alger et l’UE.

Si l’on ajoute à cela le lourd passif du chantage économique exercé par Alger à l’encontre de l’Espagne, les relations entre Bruxelles (épicentre du pouvoir européen) et le régime algérien s’inscrivent désormais dans une méfiance structurelle.

Une défiance qui pourrait, à terme, se traduire par d’autres formes de sanctions, bien au-delà de l’inscription de l’Algérie sur la liste des pays suspectés de blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme.

Ce climat de tension prend une résonance particulière à l’heure où l’Union européenne et l’Algérie entament une phase sensible de renégociation de leur accord d’association.

Une autre impasse, sans doute plus grave encore, se profile pour Alger: celle qui découlerait de la décision attendue de certains pays influents de la communauté internationale d’inscrire le Front Polisario sur la liste des organisations terroristes.

«À l’image des pièces d’un puzzle diplomatique qui trouvent naturellement leur place, les succès du Maroc sur la scène internationale tracent peu à peu les contours d’un rempart stratégique isolant le régime algérien.»

—  Mustapha Tossa

Bras armé de l’armée algérienne, le Polisario constitue un proxy utilisé pour cibler les intérêts marocains, freiner sa dynamique de développement et entretenir un climat d’instabilité régionale.

Ses milices armées, et leurs liens ambigus avec des acteurs comme le régime iranien ou des groupes terroristes opérant au Sahel, commencent à attirer l’attention des instances internationales de lutte contre le terrorisme.

Une évolution susceptible de constituer un tournant décisif dans la perception du Polisario sur la scène internationale, et, par ricochet, dans celle du régime qui en fait un instrument stratégique.

Si la désignation du Polisario comme organisation terroriste venait à se concrétiser (comme le laissent présager plusieurs signaux émanant des États-Unis), le régime de Tebboune se retrouverait pris dans un piège dont il sortirait difficilement indemne.

Une telle qualification, au-delà de son poids symbolique, aurait un effet domino majeur sur les positions européennes et africaines. Elle ferait de l’Algérie, de manière quasi incontestée, l’un des principaux États soupçonnés de soutenir une organisation terroriste. Une accusation autrement plus grave et infamante que celle, déjà préoccupante, de blanchiment d’argent, portée aujourd’hui par l’Union européenne.

C’est dans ce climat de fortes tensions et d’isolement croissant que le régime algérien a récemment essuyé une série de revers diplomatiques, venus accentuer sa solitude sur la scène internationale.

Le Royaume-Uni a affiché un soutien clair à la souveraineté du Maroc sur son Sahara, rapidement rejoint par deux poids lourds de l’Afrique anglophone: le Kenya et le Ghana.

Parallèlement, les nouvelles autorités syriennes ont fermé la représentation des séparatistes à Damas, marquant un désaveu explicite.

Quant à la Chine, membre permanent du Conseil de sécurité, elle a refusé d’accorder une quelconque reconnaissance à la prétendue «république sahraouie», l’excluant de son dialogue stratégique avec les pays de l’Union africaine.

Autant de signaux qui confirment l’érosion continue du soutien international au projet séparatiste porté par Alger.

À l’image des pièces d’un puzzle diplomatique qui trouvent naturellement leur place, les succès du Maroc sur la scène internationale tracent peu à peu les contours d’un rempart stratégique isolant le régime algérien.

Ce dernier se voit ainsi confronté à la mise à nu de ses dérives pyromanes et de ses obsessions pour le désordre. Acculé, il est désormais contraint à des choix aussi inconfortables que cruciaux.

Face à une pression internationale de plus en plus palpable, le régime d’Alger se retrouvera, tôt ou tard, contraint d’opérer un tournant stratégique.

Deux voies s’offrent à lui: persister dans une fuite en avant à travers une politique de la terre brûlée, dictée par la posture pyromane du duo Tebboune-Chengriha, ou amorcer un virage diplomatique majeur, capable de faire entrer le Maghreb dans une nouvelle ère, loin du spectre de la guerre et de l’embrasement généralisé.

Quel que soit le scénario retenu, le régime algérien devra faire face à un défi sécuritaire colossal aux implications tant nationales que régionales: celui du démantèlement progressif des milices armées du Polisario.

Une force qu’il a lui-même gavée, décennie après décennie, d’armes et d’illusions, et qu’il pourrait être contraint de désactiver sous la pression internationale. Une opération hautement délicate, dont la moindre erreur pourrait provoquer de profondes fissures au sein même de l’armée algérienne, pilier absolu du pouvoir à Alger.

Par Mustapha Tossa
Le 16/06/2025 à 16h09