Sahara: pourquoi le soutien britannique à l’autonomie est décisif dans la résolution du conflit

Le secrétaire d’Etat britannique aux Affaires étrangères, au Commonwealth et au Développement, David Lammy, et le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita.

Le secrétaire d’Etat britannique aux Affaires étrangères, au Commonwealth et au Développement, David Lammy, et le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita.

En silence, mais avec précision chirurgicale, la diplomatie marocaine vient de décrocher une victoire majeure: le Royaume-Uni rompt sa neutralité et rallie, de facto, le camp de la marocanité du Sahara en soutenant l’autonomie comme unique solution au conflit. Une annonce emballée dans la sobriété, servie un dimanche, et qui enterre, sans fracas mais sans appel, les derniers espoirs du séparatisme porté par une Algérie groggy qui s’enterre dans le déni et les faux espoirs.

Le 02/06/2025 à 13h43

Ce samedi-là, la diplomatie marocaine a joué une de ses cartes les plus discrètes, et les plus redoutables. En plein weekend, alors que la plupart des rédactions lèvent le pied, une invitation tombe un samedi 31 mai: rendez-vous le lendemain, dimanche, pour une rencontre «très importante» entre Nasser Bourita et David Lammy, chef de la diplomatie britannique. Une convocation express, presque clandestine, adressée aux médias «qui comptent».

L’invité du jour est de marque, mais sur le papier, rien de très excitant: dialogue stratégique Maroc–Royaume-Uni, huis clos, signatures d’accords juridiques… L’agenda a tout d’un plat sans sel. Sauf que voilà, la diplomatie marocaine ne cuisine jamais sans épices. Et ceux qui suivent de près le style Bourita le savent. Quand le ministère annonce une rencontre «très importante», mieux vaut tendre l’oreille. Car ce qui ne figure pas sur le programme est souvent ce qui pèse le plus lourd. Énergies renouvelables? Absent du menu officiel. Le dossier du Sahara? Idem, du moins officiellement. Mais c’est mal connaître Rabat: ici, on ne sature pas les communiqués de formules pompeuses. On soigne le silence, on calibre chaque mot, et on fait confiance au dénouement pour frapper juste.

La preuve, une déclaration solennelle, nette et précise, du Secrétaire d’État britannique aux Affaires étrangères, du Commonwealth et du Développement, en poste depuis juillet 2024. «Le Royaume-Uni considère la proposition marocaine d’autonomie comme la base la plus crédible, viable et pragmatique pour un règlement durable du différend», a-t-il déclaré lors d’un point de presse conjoint avec son homologue marocain, le même dimanche à Rabat. C’est par ces mots que la diplomatie britannique a rompu des décennies de neutralité, choisissant ainsi de se joindre, et de la plus belle des manières, à toutes les puissances et pays du monde qui soutiennent le plan d’autonomie du Sahara sous souveraineté du Maroc.

Attendue, la nouvelle position britannique s’inscrit dans la suite logique des adhésions massives qu’enregistre la proposition marocaine d’autonomie. Après le soutien américain et français à la souveraineté marocaine sur le Sahara, la position britannique se démarque en étant encore plus évoluée que celle de l’Espagne. D’autant plus que le Royaume-Uni est membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. «Avec les États-Unis, la France, l’Espagne et la Russie, le Royaume-Uni fait également partie des amis du Secrétaire général dans le dossier du Sahara», a précisé Nasser Bourita lors de la conférence de presse.

Né au début des années 1990 sous l’impulsion de James Baker, alors envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU pour le Sahara occidental, ce groupe informel avait pour mission de soutenir le plan onusien visant à organiser un référendum. Mais les mutations profondes du contexte géopolitique et les réalités du terrain ont redéfini les contours de son action. Aujourd’hui, un alignement inédit s’opère autour de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. La France, les États-Unis, l’Espagne et, désormais, le Royaume-Uni l’affirment ouvertement. La Russie, sans le formuler explicitement, l’entérine de facto.

La nouvelle position n’a pas manqué de faire réagir en Grande-Bretagne. «Le Royaume-Uni a enfin compris que l’initiative marocaine sur le Sahara occidental est la seule option crédible sur la table et a rejoint la position de nos alliés américains et de certains Européens», a commenté sur X Liam Fox, député britannique, membre de la Chambre des communes, chambre basse du Parlement britannique, plusieurs fois ministre et candidat à la tête du Parti conservateur, principale formation d’opposition en Grande-Bretagne, qui tiendra son congrès en septembre prochain.

Celui qui n’a cessé de plaider pour une reconnaissance britannique de la marocanité du Sahara et de la nécessité de classer le Polisario comme groupe terroriste, s’en félicite. «Il est maintenant temps de tirer pleinement parti de cette opportunité et d’appeler tous les alliés du Royaume-Uni, y compris nos partenaires du Commonwealth, à se joindre à nous dans cette quête libératrice. C’est un défi de leadership mondial que le Royaume-Uni devrait saisir avec enthousiasme. Les enjeux sont considérables et les opportunités, historiques», écrit-il encore.

La réaction timorée d’Alger

Que l’on ne s’y trompe pas. Le soutien britannique à la proposition marocaine d’autonomie comme «la base la plus crédible, viable et pragmatique pour un règlement durable du différend» vaut reconnaissance de la marocanité du Sahara. «Les propos de David Lammy équivalent à une reconnaissance de fait par le Royaume-Uni de la souveraineté de Rabat sur le territoire disputé», précise d’emblée l’influent quotidien britannique Financial Times dans un décryptage dédié. «L’endossement du plan marocain intervient alors que le Maroc a renforcé le soutien à sa position ces dernières années», écrit FT, rappelant qu’en 2020, vers la fin de son premier mandat, le président américain Donald Trump a reconnu le Sahara occidental comme faisant partie du Maroc et que la France a soutenu le plan d’autonomie l’an dernier, tandis que l’Espagne l’a approuvé en 2021.

Pour le politologue Mustapha Tossa, la décision aura pour effet immédiat de rejaillir sur beaucoup de pays du Commonwealth, notamment certains pays de l’Afrique anglophone. «Et on sait que dans cette Afrique anglophone, il y a encore des bastions qui sympathisent avec le Polisario, qui reconnaissent la Rasd. Il y a de fortes chances que ces pays-là revoient leur position et reconnaissent la marocanité du Sahara», précise-t-il.

L’autre impact est à prévoir aussi au sein même du Conseil de sécurité. «Quand vous avez trois membres permanents du Conseil de sécurité qui tirent vers une direction, celle de la marocanité du Sahara, cela impactera aussi bien le positionnement chinois que le positionnement russe parce qu’on est à trois contre deux. D’autant qu’on sait que les Russes et les Chinois ne tiennent absolument pas à ce qu’il y ait un sixième État au Maghreb», nous explique Tossa.

En face, l’Algérie, plus isolée que jamais, a brillé par une réaction pusillanime. Dans un véritable manifeste d’incohérence, d’errance et de déliquescence, la diplomatie algérienne nous a gratifiés d’un communiqué où elle a accusé réception de la nouvelle position du Royaume-Uni, affirmant que l’Algérie «regrette» ce choix, tout en s’en prenant au plan d’autonomie qui «n’a jamais eu pour vocation de servir de base de règlement politique à ce conflit. Ses visées ont toujours été d’occuper l’espace pour empêcher toute recherche d’un règlement sérieux, de permettre au Maroc de gagner du temps et d’accoutumer progressivement et graduellement la communauté internationale au fait accompli de l’occupation illégale du Sahara occidental».

Comme pour s’autoconsoler, Alger s’enfonce dans le déni. «Le Royaume-Uni n’a ni évoqué, ni apporté son soutien à la prétendue souveraineté marocaine sur le territoire du Sahara occidental et ne cautionne donc pas l’occupation illégale de ce territoire non autonome au sens de la légalité internationale», lit-on. Ceci, alors que l’autonomie ne va avec nulle autre conséquence que la souveraineté marocaine. Et que, loin d’être un simple geste diplomatique, la position britannique aura des retombées concrètes, notamment économiques. Le Royaume-Uni a confirmé, dans le communiqué conjoint signé dimanche entre Bourita et Lammy que «UK Export Finance peut considérer de soutenir des projets au Sahara», notamment dans le cadre de «l’engagement de UK Export Finance à mobiliser 5 milliards de livres sterling pour soutenir de nouveaux projets économiques à travers le pays». Plus qu’à une reconnaissance politique, nous assistons donc également à un appui sonnant et trébuchant. Le reste appartient au registre du déni, devenu de plus en plus asphyxiant pour le voisin oriental.

Timorée, l’Algérie forme un vœu: qu’en sa qualité de membre permanent du Conseil de sécurité, «le Royaume-Uni continuera de tenir le Maroc comptable de ses responsabilités internationales et qu’il continuera aussi de veiller au respect de la légalité internationale et, en particulier, la doctrine des Nations Unies en matière de décolonisation». On remarquera que nulle allusion n’est faite à un quelconque rappel d’ambassadeur ou à des représailles. Ce qui vaut pour l’Espagne ou encore la France n’a aucune emprise s’agissant des États-Unis ou du Royaume-Uni.

C’est affligeant à souhait mais c’est tout ce dont la diplomatie algérienne est capable aujourd’hui: jouer sur les mots. «L’Algérie essaie de jouer sur une petite différence entre le positionnement britannique et le positionnement français. Elle s’accroche ainsi à un vague espoir. Mais c’est juste de la communication. La position du Royaume-Uni est le dernier clou dans le cercueil de l’approche séparatiste algérienne. Même les Russes ne sont plus leurs alliés. Quant aux Chinois, ils hésiteront avant de soutenir une aventure séparatiste, surtout avec la question taïwanaise en jeu. C’est un échec et mat», conclut l’expert.

Par Tarik Qattab
Le 02/06/2025 à 13h43