En 1830, à la veille de la conquête française, la Régence turque d’Alger était divisée en trois beylik (provinces) soumis à l’autorité théorique du dey d’Alger et dirigés par trois beys. Il s’agissait du beylik de Titteri, dont le chef-lieu était Médéa, du beylik de Constantine et de celui de Mascara qui devint celui d’Oran à partir de 1792, date du départ définitif des Espagnols qui occupaient la ville depuis le XVIe siècle.
En plus de ces trois ensembles, et dépendant directement de l’autorité du dey d’Alger, le Dar es Sultan s’étendait à la Mitidja et jusqu’à l’Atlas blidéen.
Les derniers deys vécurent quasiment enfermés avec leur milice janissaire dans la forteresse de la casbah qui dominait le port d’Alger. Leur administration reposait sur un conseil des principaux responsables militaires et territoriaux qui avait pour nom le divan.
Le corps des janissaires, qui atteignit un maximum de 15.000 hommes pour toute la Régence, était incapable d’y faire respecter l’autorité du dey. Dans les beyliks, l’autorité «centrale» était d’ailleurs plus qu’inégale. Elle était théoriquement représentée par des caïds nommés par l’administration turque qui s’appuyaient sur des tribus ralliées (les Deira ou Makhzen). Parfois, l’autorité était exercée par des kouloughli (métis de Turcs et de femmes indigènes), comme à Tlemcen ou à Mostaganem.
Pour tenter d’administrer leurs beyliks, les beys cherchaient à s’appuyer sur les féodaux locaux qui en profitaient pour renforcer leur puissance. Dans tous les cas, les zones qu’ils contrôlaient étaient bien réduites, car la plupart des tribus berbères sédentaires ainsi que les éleveurs nomades étaient de fait indépendants. Seule la perception de l’impôt était relativement bien assurée au moyen d’un système d’intéressement, consistant à exonérer les tribus qui étaient chargées de les lever et qui leur donnait de plus droit de razzia sur celles qui ne s’y soumettaient pas.
C’était donc un pays divers, morcelé, non unifié et sans aucune infrastructure que l’armée française allait conquérir en quelques années. Ce fut la France qui créa l’Algérie en unifiant l’ancienne régence turque. Ce fut elle qui y traça des routes, y fonda des villes, y construisit des ponts, y draina les marécages, etc. Ce fut également la France qui lui donna ses frontières en amputant largement celles du Maroc, comme je l’ai montré dans de précédentes chroniques.