Le rétropédalage était somme toute attendu et Abdelmadjid Tebboune en avait annoncé la couleur lors de son «traditionnel» verbiage devant la presse algérienne. Mais cette fois, Alger s’est arrangé pour ajouter dans cette crise l’insulte à l’humiliation. Ainsi donc, la tempête, et c’est peu dire, soulevée par l’Algérie contre la France depuis juillet dernier s’achève. La décision a été actée par un communiqué conjoint des présidents français et algérien, publié lundi 31 mars à l’issue d’un entretien téléphonique entre les deux chefs d’État. Tous les points de tension entre les deux pays, et les points de sortie de crise, y sont détaillés. Sauf un: le Sahara occidental, soit le sujet déclencheur de la plus grave crise diplomatique de l’histoire des relations entre les deux États.
Reprise du partenariat sécuritaire et du dialogue stratégique, réinitialisation de la coopération en matière de migration et de justice ainsi que du travail commun sur la mémoire coloniale, relance des échanges économiques et commerciaux, le temps est à l’apaisement entre Paris et Alger. Même la libération de Boualem Sansal, 80 ans et atteint d’un cancer de la prostate, est envisagée en «raison de l’âge et de l’état de santé de l’écrivain».
Jeudi 27 mars, le romancier, en détention depuis novembre 2024, a été condamné à cinq ans de prison ferme pour avoir repris à son compte, dans le média français Frontières, une vérité historique documentée et reconnue par tous les historiens sérieux: le territoire marocain a été amputé à l’est au profit de l’Algérie sous la colonisation française.
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Le tout, sans qu’Alger obtienne la moindre consolation. C’est à peine si Tebboune a arraché un vague appui de la France à la révision de l’accord d’association Union européenne-Algérie. Pour le reste, tout le reste, c’est la France qui obtient gain de cause.
Le grand absent – et que le régime d’Alger aura bien du mal à justifier – c’est le Sahara marocain, devenu subitement un non-sujet dans les rapports entre la France et l’Algérie. Abdelmadjid Tebboune avait balisé le terrain. Samedi 22 mars dernier devant «ses» médias, il avait balayé la question d’un revers de la main aussi brusque qu’étonnant.
Dans un aplaventrisme qui jurait avec les bravades habituelles, le chef de l’État algérien a, en français, affirmé sans sourciller que la reconnaissance par la France de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental ne dérangeait (finalement) pas l’Algérie. «La question dérange l’ONU, pas nous», a-t-il tenté d’éluder.
Au lieu de constituer une sortie honorable à Tebboune, la parade et l’accord qui s’en est suivi ont été doublement humiliants pour un régime qui est monté, dans une énième réaction intempestive, sur ses grands chevaux pour dénoncer l’appui de la France à la marocanité du Sahara.
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Le revirement, opéré par le chef de l’État algérien, est «pire» que celui marqué auparavant vis-à-vis de l’Espagne. Si Alger avait également soulevé un tollé contre Madrid pour son soutien à l’autonomie sous souveraineté marocaine du Sahara, son retour à la raison s’est néanmoins fait graduellement et à une plus petite échelle.
Un non-sujet
Pour la France, l’abcès de fixation qu’était le Sahara atlantique sans ses relations avec les deux grands pays du Maghreb a été crevé, Alger ayant été contraint de l’exclure de ses relations bilatérales avec Paris. C’est une grande nouveauté dans les relations de la France avec les pays du Maghreb et un repère névralgique qui augure d’un changement géopolitique majeur dans cette région. Ce sujet qui constituait dans le passé un marqueur d’équilibre dans les relations de la France avec le Maroc et l’Algérie devient un non-sujet. Cette performance n’aurait pu être possible sans le rapport de force inédit engagé par le gouvernement français avec le régime d’Alger. Ce dernier s’est retiré sans conditions de ce territoire.
Vis-à-vis des chancelleries étrangères qui ont suivi attentivement la crise entre Paris et Alger, le régime algérien donne le signal que le Sahara occidental ne sera plus un sujet de contentieux avec les pays qui reconnaîtront la souveraineté du Maroc sur ce territoire. Même si son hostilité maladive envers le Maroc sera maintenue, voire exacerbée par ses défaites sans appel, sur le plan de ses relations bilatérales avec d’autres pays, tout porte à croire que le régime d’Alger évitera dans l’avenir un remake humiliant des crises vaines avec Madrid et Paris.
Autant dire que l’Algérie a compris la leçon et fait définitivement son deuil du Sahara, du moins comme jauge de ses relations diplomatiques. De quoi laisser augurer une acceptation à son corps défendant par le régime d’Alger d’une dynamique internationale irréversible en faveur de la marocanité du Sahara. Avec le communiqué conjoint du 31 mars, le régime algérien reconnaît son impuissance à faire face à la déferlante internationale en faveur de la souveraineté du Royaume du Maroc sur le Sahara occidental. Il était temps.