Un voisin qui perd ses nerfs

Tahar Ben Jelloun.

Tahar Ben Jelloun.. Le360

ChroniqueCe serait la première fois dans l’histoire de cette région qu’un État déclarera la guerre à un voisin qui tend la main et prêche la paix et la bonne coexistence. Le peuple algérien n’est en rien concerné par la névrose de généraux obsédés par notre pays, sa culture, sa diversité et ses succès. Alors, une guerre pour se défouler? Ce n’est pas sérieux.

Le 18/11/2024 à 11h00


1- On m’a dit qu’à Rabat, la chasse aux gardiens de voitures aurait commencé. Quand il n’y a pas assez de parkings, quand il n’y a pas assez de places pour stationner, on est heureux qu’un gardien se propose de nous garder notre voiture le temps de faire nos courses. On lui donne une pièce de 5 ou 10 dirhams et tout le monde est content.

C’est de l’informel. Mais ça rend service. Les supprimer serait stupide, surtout si rien n’a été fait auparavant pour trouver du travail à ces hommes en gilet jaune et solutionner la question du stationnement.

On m’a aussi dit que les autorités casablancaises font la chasse aux vendeurs ambulants (de fruits, légumes…). Ces charrettes font partie du paysage de la ville marocaine depuis toujours. Il y a certes le marché, avec ses boutiques bien organisées, mais les vendeurs ambulants ne font de mal à personne. Ils vivent comme ils peuvent. Les interdire revient à les jeter à la rue, sans travail, sans rien. Une violence s’en suivra. Récemment, des vols ont eu lieu dans certaines villas cossues des quartiers riches de Casablanca. Le lien a été vite fait par une victime de ce cambriolage. Peut-être. En tout cas, c’est une mauvaise chose que de s’attaquer à ce petit commerce informel avant d’avoir trouvé du travail à ceux qui poussent leur charrette pour subvenir à leurs besoins.

On m’a dit que les cireurs sont au chômage. Tout le monde ou presque chausse des baskets, «incirables». Que sont-ils devenus? Sans doute des vendeurs de fruits et légumes à travers la ville.

2- On m’a dit qu’à la fin octobre de cette année, 14,6 millions de touristes ont visité notre beau pays. C’est bien. Mais, qu’en est-il des retours ?

Je sais que des efforts ont été faits pour améliorer l’accueil et le séjour des visiteurs. Reste un problème qu’on trouve un peu partout dans le pays: le manque de service de qualité. Les serveurs ne sont pas formés. On ne leur apprend pas le métier. C’est une pédagogie. Il faudrait s’inspirer du service dans les hôtels et restaurants d’Asie. Impeccable. Pour cela, il faudrait travailler ce domaine avant d’engager des jeunes gens pour servir dans des hôtels où l’on pratique des prix occidentaux.

Il faudrait une cohérence entre ce que paye le touriste et le niveau du service. Pour cela, il y a la formation et aussi le fait de bien payer le personnel. Pas de mystère. Je connais un bon restaurant-hôtel à Tanger qui a dû fermer durant trois mois, le temps de former son personnel. Là, le service est impeccable.

«Un roman, c’est de la fiction à partir de la réalité environnante. On peut tout imaginer, comme on a le droit de s’inspirer des faits de la vie quotidienne ou de l’histoire récente ou ancienne d’un pays.»

3- Nos amis algériens redoublent de férocité en voyant les images de la visite à Laâyoune et à Dakhla de Christophe Lecourtier, ambassadeur de France au Maroc, accompagné d’une délégation importante dans le domaine économique, industriel et culturel. Ce voyage s’inscrit dans la nouvelle politique du président Macron. Les percées diplomatiques du Maroc rendent hystérique le régime d’Alger. S’il s’aventure à déclencher une guerre contre notre pays, il serait doublement ridicule et criminel.

Ce serait la première fois dans l’histoire de cette région qu’un État déclarera la guerre à un voisin qui tend la main et prêche la paix et la bonne coexistence.

Le peuple algérien n’est en rien concerné par la névrose de généraux obsédés par notre pays, sa culture, sa diversité et ses succès. Alors, une guerre pour se défouler? Ce n’est pas sérieux. Le pire quand il s’agit d’une personne atteinte de troubles mentaux, c’est qu’aucun psychiatre ne peut la guérir. Car cette personne est mille fois persuadée qu’elle a raison et que ce sont les autres qui sont malades. C’est triste.

4- Encore un chiffre qui fait mal, très mal, même si nous sommes loin du terrain de la guerre: d’après les Nations unies, 70% des morts à Gaza sont des femmes et des enfants. Des «terroristes» probablement!

Silence. On tue. Et on n’a même pas le droit de crier, de hurler, d’accuser l’armée israélienne de commettre des horreurs.

5- Qu’est-ce qu’un roman? C’est de la fiction à partir de la réalité environnante. On peut tout imaginer, comme on a le droit de s’inspirer des faits de la vie quotidienne ou de l’histoire récente ou ancienne d’un pays.

Dans «Petites misères de la vie conjugale», Balzac définit ainsi le roman: «Il faut avoir fouillé toute la vie sociale pour être un vrai romancier, vu que le roman est l’histoire privée des nations». Quant à William Faulkner, il écrit dans «Tandis que j’agonise»: «C’est ce qu’on veut dire quand on parle du sein du temps: la douleur et le désespoir des os qui s’ouvrent, la dure gaine qui enserre les entrailles violées des événements».

Je rappelle ces mots magnifiques pour dire tout simplement que Kamel Daoud est un écrivain, un vrai, et que tout ce que cherche en ce moment le régime algérien pour le salir est du ressort de la vengeance. À présent, le monde entier sait ce que l’armée et les islamistes ont commis comme crimes sur le peuple algérien. Le reste n’est qu’agitation due à une grave crise de nerfs.

Par Tahar Ben Jelloun
Le 18/11/2024 à 11h00