Voici quatre semaines que, dans un ordre du jour aux Forces Armées Royales (FAR), à l’occasion de la commémoration de leur création le 14 mai 1956, SM le Roi, Chef Suprême et Chef d’Etat-Major général des Forces Armées Royales, avait mis en exergue la place et le rôle de cette institution nationale. Il a aussi instamment invité à prendre en compte d’autres exigences: la capacité à se projeter dans l’avenir, la poursuite d’un travail continu et le développement d’un système de planification. Dans cette même ligne, le Souverain a annoncé la création d’un Centre Royal des Etudes et Recherches de Défense (CRERD) rattaché au Collège Royal de l’Enseignement Supérieur Militaire. Avec ces deux axes: une approche stratégique des problématiques et enjeux du système de défense et de sécurité; et un cadre offrant «un espace de compétences analytiques, civiles et militaire».
C’est que le fait est là: le durcissement de la compétition stratégique. Les outils de l’architecture de sécurité collective -l’ONU en première instance- sont fortement fragilisés: effets des postures d’intimidation ou des stratégies agressives, «mix» des modes d’actions militaires et non militaires, manipulation de l’information, voire menace nucléaire dite «tactique» à des fins d’intimidation, conséquences de la prolifération technologique ou autre, persistance de la menace terroriste...
Un tableau auquel s’ajoutent enfin d’autres grands défis globaux pouvant générer des déséquilibres importants, tels que les impacts du changement climatique (accès à l’eau, insécurité alimentaire, migrations, démographie, pandémies, etc.). Un constat qui impose au Maroc d’adopter une réponse globale sur la base d’une conception de sa défense nationale et aussi de son autonomie stratégique. Un pivotement à entreprendre et à consolider vers les nouveaux espaces de conflictualité. Un appui aussi du renforcement de la souveraineté.
Le rappel des intérêts nationaux permet de mieux appréhender la nécessité d’une actualisation et d’une conformation des fonctions stratégiques. Quels sont les intérêts du Maroc? La protection du territoire national, la sécurité de l’espace maritime (méditerranéen et sud-atlantique) et saharien, la stabilité du voisinage qui est un facteur de sécurité nationale, la défense de ces intérêts rendue aujourd’hui plus complexe du fait du recours plus systématique à la force et aux logiques d’intimidation. Cette préoccupation repose sur trois piliers: le renforcement de l’autonomie stratégique, la consolidation des partenariats stratégiques et la préservation d’un ordre international stable, fondé sur le respect du droit et le multilatéralisme.
Faut-il souligner que l’autonomie stratégique est la condition sine qua non de la protection de nos intérêts fondamentaux? Les capacités d’appréciation, de décision et d’action autonomes en constituent assurément le cœur. La stratégie de défense en est l′une des composantes majeures. De plus, notre autonomie repose sur le renforcement d’un modèle d’armée crédible, cohérent et équilibré. Les FAR se distinguent à tous égards sur ces registres tant en interne qu’à l’international (professionnalisation, acquis et expérience opérationnelle, modernisation, ressources humaines...). D’autres facteurs viennent en complément: cohésion nationale, sécurisation des approvisionnements, influence régionale, continentale et internationale avec une diplomatie active servie par le leadership personnel moral et politique de SM le Roi.
Dans le monde de 2023, l’on note l’élargissement des fonctions stratégiques. Référence est faite ici à ce que l’on appelle la fonction connaissance-compréhension-anticipation, laquelle doit irriguer l’ensemble des autres fonctions stratégiques. Ainsi, le maintien d’une capacité d’appréciation autonome n’est-elle pas une garantie de la prise de décision souveraine? Elle contribue directement à la compréhension des intentions des compétiteurs, elle est aussi la condition de l’efficacité opérationnelle des forces. Quels domaines recouvrent cette fonction? Le renseignement, la connaissance des théâtres des opérations, la diplomatie, la prospective et anticipation, la maîtrise de l’information. L’effort doit porter sur la compréhension des phénomènes pour permettre l’anticipation et faciliter la réactivité de la décision.
L’autonomie stratégique? Elle se définit, se construit et doit se consolider. Le Maroc s’est engagé dans cette voie durant les deux décennies écoulées. Pas à pas, il se distingue aujourd’hui de tant d’autres pays, voisins ou autres. Le Royaume a une liberté d’action et une capacité autonome d’appréciation et de compréhension complète. Sur la marocanité de son Sahara, des actes en sont l’illustration, telles les tensions avec l’Espagne et l’Allemagne en 2022, ou encore, aujourd’hui, avec la France du président Macron... C’est un partenaire de souveraineté fiable, lucide, à valeur ajoutée et pourvoyeur crédible de paix et de sécurité.