Couverture du 1er mai en France et au Maroc: le grossier «deux poids, deux mesures» de l’agence AFP

Lors des défilés du 1er-Mai 2023 en France et au Maroc.

Le 02/05/2023 à 14h14

VidéoDans son traitement des défilés du 1er mai, l’Agence France Presse (AFP) a délibérément catégorisé les scènes de guérilla urbaine à Paris, Nantes, Lyon et ailleurs dans la rubrique «Société civile et vie associative», tandis que les marches pacifiques organisées au Maroc sont placées sous le générique surréaliste «Guerres et conflits». Factuellement, on marche sur la tête, mais la méthode est éprouvée et repose sur une manipulation décomplexée et des velléités de nuisance prévisibles. Décryptage.

Cette fois, la ficelle est trop grosse. Elle est l’œuvre de l’agence française AFP qui, dès qu’il s’agit du Maroc, déploie une intelligence folle et bien du fiel pour critiquer le Royaume. Quitte à faire passer des défilés aussi ponctuels que pacifiques, en l’occurrence ceux du 1er mai au Maroc, dans la rubrique «Guerres et conflits» de son fil d’actualité. En même temps, les violences inouïes dont les rues françaises ont été le théâtre hier lundi, les affrontements avec les forces de l’ordre dignes de scènes de guérilla urbaine et les saccages des biens d’autrui sont catégorisés dans la rubrique «Société civile et vie associative». On aura beau se frotter les yeux, c’est ainsi que l’agence de presse, dite de référence, en a décidé.

Dans les faits, concernant le Maroc, les militants syndicaux ayant manifesté lors de la Fête internationale des travailleurs ont marché de manière paisible pour protester contre la «détérioration du pouvoir d’achat» et la poussée inflationniste, marquée par l’envolée des prix des denrées alimentaires. De l’aveu même de l’agence française, aucun incident n’a été rapporté au cours de ces rassemblements.

En France, le scénario a été tout autre. De sanglants affrontements ont éclaté dans plusieurs villes, marqués par une forte mobilisation contre la réforme des retraites. Plus de 540 personnes ont été interpellées, dont 305 à Paris, selon un bilan officiel.

Plus de 400 policiers et gendarmes avaient été blessés à travers le pays, dont l’un «grièvement» dans la capitale, après avoir été atteint par un cocktail Molotov, relaie la même AFP.

Des projectiles ont été lancés sur les forces de l’ordre, des abribus, des commerces, des banques, des agences d’assurance et des agences immobilières ont été vandalisées. A Lyon, en particulier, une agence d’Attijariwafa bank a été saccagée.

Des manifestants ont incendié plusieurs voitures. Les forces de l’ordre ont répliqué à grand renfort de lacrymogènes, de grenades défensives et de canons à eau.

De la pure manipulation

Alors que l’ampleur des manifestations, ainsi que des dégâts humains et matériels, est sans aucune mesure, comment se fait-il que l’AFP continue de voir dans les défilés organisés au Maroc des terrains de «conflits» et de «guerres» et dans les affrontements en France l’expression de la «vie associative et société civile»? Des commentateurs sur les chaînes d’information françaises parlent même, ce mardi, de «guerre civile» concernant les affrontements du 1er mai dans leur pays, alors que l’AFP cherche absolument à retrouver un terrain de conflits et d’affrontements sanglants au Maroc.

«Cela participe de la pure manipulation, voulant faire croire que le Maroc est à feu et à sang et catégoriser le pays comme une zone de hautes tensions dans les esprits des lecteurs, alors qu’il n’en est strictement rien», nous explique le politologue Mustapha Sehimi. Pour lui, la démarche fait partie intégrante de la politique éditoriale de l’AFP, pourtant une des principales agences d’information dans le monde, mais qui fait peu de cas des règles déontologiques et du nécessaire équilibre s’agissant du traitement de l’information, dépendamment de qui en est l’objet.

«On le voit bien dès qu’il est question des droits de l’Homme au Maroc de manière générale et forcément lors de manifestations. Il faut préciser qu’un tel procédé n’est pas accidentel, mais délibéré. Autrement, d’aucuns savent que des marches pacifiques prévues dans le cadre du droit et de la loi n’ont rien de militaire pour être catalogués de la sorte», ajoute pour sa part Mohamed Bouden, politologue et président du Centre Atlas d’analyse des indicateurs politiques et institutionnels.

Une hostilité à plusieurs étages

Au même titre que des chaînes et stations radio comme France24 ou RFI, l’AFP est en grande partie financée par l’État français, en l’occurrence le ministère des Affaires étrangères. En dehors des slogans sur l’indépendance, l’agence est donc le porte-voix de la politique de ce pays. Il n’y a d’ailleurs qu’à voir l’écart de traitement des actualités marocaine et algérienne (acharnement sur le Royaume et silence absolu sur le voisin) pour s’en rendre compte.

L’hostilité de l’AFP à l’égard du Maroc est à plusieurs étages. Traversée par des sensibilités de gauche et d’extrême gauche, l’agence est traditionnellement critique à l’égard du Maroc. À cela s’ajoute, actuellement, la présence au pouvoir en France d’une Macronie qui ne cesse de nuire aux relations entre les deux pays et qui mobilise tous ses relais contre les intérêts du Royaume. Il ne faut donc pas s’étonner de voir de nombreux médias, y compris l’agence officielle, se lâcher, et ce, au mépris des règles journalistiques les plus élémentaires. Entre-temps, c’est la France qui a été épinglée, lundi 1er mai, par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies siégeant à Genève. De nombreux États ont en effet dénoncé les violences policières lors d’opérations de maintien de l’ordre. Mais cela, l’AFP préfère ne pas y accorder d’intérêt, diluant ces critiques dans une dépêche aseptisée.

Par Tarik Qattab
Le 02/05/2023 à 14h14