Éminence grise de la Heritage Foundation: du banditisme au terrorisme, le vrai visage du Polisario, «sanctuarisé» par Alger, idiot utile de l’Iran

Des miliciens du Polisario lors d'un rassemblement à Tindouf, en territoire algérien.

Des miliciens du Polisario lors d'un rassemblement à Tindouf, en territoire algérien. AFP or licensors

Dans une analyse sans concession, Robert Greenway, directeur du Centre Allison pour la sécurité nationale à la Heritage Foundation, base idéologique de l’administration Trump, et Amine Ghoulidi, chercheur au sein de la même institution, expliquent comment un cocktail explosif mijote pendant que l’Occident regarde ailleurs. Drones iraniens, réseaux russes, trafics sahéliens et menaces terroristes convergent sous la bannière du Polisario, soutenu par Alger. Le front séparatiste se mue en proxy hostile, aux portes de l’Europe. Washington est désormais sommé de choisir entre laisser-faire et reconnaissance d’un danger stratégique.

Le 21/05/2025 à 20h42

Les analyses de prestigieuses plumes représentant des think tanks de premier ordre aux États-Unis se suivent et gagnent en intensité pour alerter contre tous les dangers que représente le Polisario, une bande de mercenaires plus que jamais sans boussole et qui se mue en proxy du terrorisme international. La dernière en date est signée Robert Greenway, directeur du Centre Allison pour la sécurité nationale à la Heritage Foundation, base idéologique de l’administration Trump. L’éminente personnalité est appuyée par Amine Ghoulidi, chercheur invité à l’Institut Shelby Cullom Davis pour la sécurité nationale et la politique étrangère de la même fondation. Amine Ghoulidi poursuit actuellement un doctorat en géopolitique et sécurité à l’École des études de sécurité du King’s College de Londres.

Dans un véritable «wake-up call», extrêmement bien documenté et publié ce mercredi 21 mai dans The Daily Signal, un site web conservateur de référence aux États-Unis, les deux chercheurs sont définitifs. Le Polisario est une organisation terroriste et elle est à considérer comme telle par l’Occident et l’ensemble de la communauté internationale. Sous le titre explicite «Pourquoi les États-Unis doivent affronter le front Polisario, un proxy terroriste», le document n’y va pas par quatre chemins.

Rappelant la promesse faite en avril 2025 par le congressman américain Joe Wilson de proposer une loi classant le front Polisario, soutenu par l’Algérie, comme organisation terroriste, l’analyse souligne que depuis sa rupture du cessez-le-feu de 1991 en 2020, le Polisario a intensifié ses actions armées contre le Maroc, déclarant la région du Sahara occidental zone de guerre.

Le groupe a repris les attaques à la roquette le long du mur marocain de 1.700 kilomètres et proféré des menaces explicites contre les entreprises étrangères, les diplomates et les touristes, notamment lors d’événements en 2024 et 2025.

«Aujourd’hui, les combattants du Polisario utilisent des drones de type iranien, partagent les couloirs désertiques avec les convois logistiques de proxies russes et imposent des taxes sur les routes de contrebande qui alimentent les jihadistes du Sahel. Tout cela se déroule à portée de missile du détroit de Gibraltar, l’un des points de passage maritime les plus stratégiques du monde», lit-on.

Les États-Unis ont déjà ignoré cette menace en 1988 lorsque des missiles du Polisario ont abattu deux avions de l’Agence américaine pour le développement international (USAID), tuant cinq Américains. Les États-Unis n’ont pas répondu par des sanctions. «Aujourd’hui, le projet de loi proposé par Wilson oblige Washington à faire un choix: continuer à fermer les yeux ou reconnaître enfin le front Polisario comme la menace par proxy qu’il est devenu», lit-on encore.

Un sanctuaire algérien, trois piliers de soutien

Les menaces du Polisario reposent sur un sanctuaire algérien et trois piliers interdépendants, expliquent les deux chercheurs: l’assistance militaire iranienne, un réseau d’influence russe croissant, et une économie illicite transsahélienne mature qui recoupe les circuits de financement terroristes.

«Le sanctuaire que représente depuis longtemps l’Algérie est un facteur clé. Le bureau dirigeant du Polisario et plusieurs unités de la taille d’une brigade opèrent depuis des camps autour de Tindouf, en territoire algérien, hors de portée des forces marocaines et des observateurs internationaux. Cette zone de repli permet au groupe de stocker des munitions, d’expérimenter de nouveaux systèmes et de cultiver des soutiens extérieurs sans grand risque», relève-t-on.

L’aide militaire et les subventions budgétaires algériennes, couvrant notamment les budgets de lobbying à Washington et les fonds affectés, permettent le fonctionnement administratif et le paiement des salaires. «Sans ce soutien, le groupe armé ne pourrait maintenir une telle infrastructure militaire», tranchent Robert Greenway et Amine Ghoulidi.

Il y a mieux: bien qu’environ 8.000 combattants du Polisario soient actuellement actifs, des évaluations militaires estiment que les camps basés en Algérie pourraient mobiliser jusqu’à 40.000 hommes. Ce vivier humain est à la disposition des commandants du Polisario, et les recruteurs jihadistes l’ont déjà exploré.

Iran: un appui documenté

L’Iran joue également un rôle de plus en plus documenté dans le soutien au Polisario. «Cette affinité remonte au moins à 1980, lorsque des guérilleros du Polisario ont posé devant les caméras internationales avec un portrait de l’ayatollah Khomeiny, marquant ainsi une quête précoce de légitimité révolutionnaire et de patronage iranien», rappelle l’analyse.

Plus récemment, au moins trois formateurs iraniens ont opéré à Tindouf. «Jusqu’à sa mort lors d’une frappe aérienne israélienne en Syrie en novembre, l’un d’eux était sous sanctions américaines pour avoir orchestré le raid de Karbala en 2007 qui tua cinq soldats américains», peut-on encore lire.

De la formation, Téhéran est passé à la fourniture de matériel. En 2022, lors d’une intervention retransmise en direct, le «ministre de l’Intérieur» du Polisario, Omar Mansour, a déclaré que ses combattants étaient «en formation pour assembler et faire fonctionner des drones armés». Treize mois plus tard, des canaux du Polisario sur les réseaux sociaux ont publié des photos de munitions identifiées par des analystes comme étant de type iranien.

Ce même type de munitions est lié à des frappes qui ont tué trois civils à Es-Semara en 2023. Des transcriptions issues du renseignement occidental, citées par le journal allemand WELT, décrivent un appel crypté du 23 octobre 2023, au cours duquel l’envoyé du Polisario, Mustafa Muhammad Lamine al-Kitab, a félicité un agent de liaison du Hezbollah pour l’assaut du 7 octobre mené par le Hamas, promettant que la «résistance... [flamberait] au Sahara occidental» dès l’arrivée de nouveaux financements et technologies.

Pendant ce temps, Moscou s’engage discrètement, mais régulièrement avec le Polisario. «Une photo de 2016 montre le représentant du Polisario à Moscou, Ali Salem Mohamed Fadhel, aux côtés de vétérans des milices séparatistes du Donbass, le vivier initial dans lequel Wagner a recruté nombre de ses premiers combattants pour la Syrie», relate l’analyse.

Banditisme, un «rôle historique» du Polisario

Le rôle historique du Polisario dans l’économie illicite sahélo-saharienne alimente désormais directement les circuits de financement et de recrutement jihadistes. «Les commandants sahraouis déplacent du haschisch vers l’est, de la cocaïne vers le nord, et des armes libyennes vers l’ouest, prélevant au passage des taxes reversées à Al-Qaïda au Maghreb islamique», certifie la recherche.

Ce schéma inquiète le Centre africain d’études stratégiques, affilié au Département de la Défense américain, qui avertit que ces dynamiques pourraient offrir aux groupes terroristes un nouvel élan pour se redéployer.

L’analyse cite également rapport du Small Arms Survey de 2010 qui a retracé jusqu’au Polisario des caches d’armes découvertes en Mauritanie, tandis qu’une étude du Carnegie Endowment de 2012 a cartographié des convois de cocaïne pilotés par des miliciens du front, qui ont ensuite financé des cellules extrémistes. «Ces routes convergent toujours à Tindouf, aujourd’hui un carrefour désertique où trafiquants, logisticiens du Polisario et courriers terroristes échangent cargaisons et renseignements».

Cette fusion est incarnée par Adnan Abou Walid al-Sahraoui, formé au sein du Polisario avant de fonder «l’État islamique au Grand Sahara». Il a mené des raids meurtriers au Mali et au Niger avant d’être tué par les forces françaises en 2021. Des enlèvements et saisies de drogues antérieurs ont relié les rançons à ces mêmes réseaux sahraouis, révélant comment des factions d’un mouvement séparatiste se sont muées en plaque tournante du financement et du recrutement pour le terrorisme.

Si les deux administrations Trump ont soutenu le plan marocain d’autonomie comme la «seule solution réaliste» pour résoudre la question du Sahara occidental, cette approche diplomatique doit s’accompagner d’une politique de sécurité qui affronte la réalité d’un réseau armé et violent du Polisario désormais connecté aux circuits de proxies iraniens, d’influence russe, et aux réseaux terroristes et de contrebande à l’échelle du Sahel, concluent Robert Greenway et Amine Ghoulid.

L’intelligentsia américaine mobilisée

De pareils appels, il y en a eu plusieurs ces tout derniers mois. On citera, entre bien d’autres, une analyse percutante, intitulée «L’argument stratégique pour désigner le Polisario comme organisation terroriste étrangère» et publié en avril dernier, le think tank Hudson Institute démonte méthodiquement les prétentions du mouvement en révélant sa nature réelle. Il ne s’agit pas d’un légitime mouvement de libération, comme le prétend l’Algérie, mais d’une milice paramilitaire au service d’agendas hostiles à la stabilité régionale.

Dans une analyse publiée lundi 7 avril par The Middle East Forum, un autre influent think tank, Michael Rubin, chercheur spécialisé dans les affaires du Moyen-Orient au sein de l’American Enterprise Institute ne disait pas autre chose. «Il est temps de mettre fin à la fiction selon laquelle le front Polisario représente les Sahraouis et de laisser l’un des derniers vestiges de la guerre froide appartenir définitivement à l’histoire», assène-t-il. Connu pour ses critiques envers la Minurso, ce dernier appelle sans ambages à la fin de sa mission. «La Minurso représente clairement un échec à plusieurs milliards de dollars: cette entité des Nations unies, vieille de 34 ans, n’a toujours pas atteint la première étape de sa mission, à savoir l’organisation d’un référendum».

Mercredi 9 avril, Sarah Zaaimi, chercheuse principale résidente pour l’Afrique du Nord au sein du Centre Rafik Hariri et des programmes Moyen-Orient du célèbre think tank The Atlantic Council, plaidait la même cause. «Comme son nom l’indique, la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental a été initialement créée en 1991 par la résolution 690 du Conseil de sécurité afin de préparer un référendum dans lequel le peuple du Sahara occidental choisirait entre l’indépendance et l’intégration au Maroc. Cependant, la mission n’a pas réussi à remplir son mandat et n’a servi qu’à entretenir un état de paralysie au fil des années. Il est essentiel de préciser que, bien que la Minurso surveille le cessez-le-feu – qui tient toujours depuis près de trente-cinq ans entre le Maroc et les séparatistes du front Polisario -, elle ne constitue en aucun cas une mission de maintien de la paix active», écrit-elle dans une analyse dédiée.

Par Tarik Qattab
Le 21/05/2025 à 20h42