L’Égypte boycotte un exercice militaire en Algérie en raison de la présence du Polisario

الرئيس الجزائري عبد المجيد تبون والرئيس المصري عبد الفتاح السيسي

Les présidents Abdel Fettah al-Sissi d'Égypte et Abdelmadjid Tebboune d'Algérie. DR

Tout indique que l’Égypte est en train de mettre en échec une tentative du chef d’état-major de l’armée algérienne, Said Chengriha, visant à instrumentaliser une structure du Conseil de paix et sécurité de l’Union africaine, en vue de donner une visibilité au Polisario. L’Égypte, mais aussi la Mauritanie, ont rejeté toute participation, aux côtés des milices séparatistes, à des exercices militaires regroupant certains pays membres de la «Capacité régionale de l’Afrique du Nord» (NARC, selon son acronyme en anglais), programmés par l’Algérie du 21 au 27 mai sur son sol.

Le 11/05/2025 à 11h05

Participera ou participera pas? Pour la Mauritanie, sa non-participation est acquise. Non pas parce qu’elle a régulièrement boudé les réunions de la NARC organisées depuis 2023 par l’Algérie en présence d’un représentant du Polisario, mais c’est un journal algérien, porte-voix du pouvoir en place, qui a confirmé que les armées marocaine et mauritanienne ne participent pas à ces exercices, baptisés «Africa peace 3».

Ce même journal a démenti les informations, pourtant concordantes et relayées à grande échelle par de nombreux médias et réseaux sociaux, selon lesquelles Le Caire a refusé de se joindre à ces exercices à cause de la présence de milices du Polisario.

De nombreux analystes et experts militaires, interrogés sur les plateaux de télévisions internationales, n’ont pas écarté l’éventualité de l’éclatement d’une crise entre l’Égypte et l’Algérie suite au refus du Caire de côtoyer les milices du Polisario dans un exercice militaire en Algérie. Même si cet exercice est prétendument organisé sous la houlette du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, l’Égypte ne compte pas déployer certains de ses soldats.

Interrogé par la télévision allemande Dwelle TV news Arabia, le général égyptien à la retraite, Mohamed Abdelouahed, expert dans les affaires africaines de sécurité, justifie clairement les raisons du refus de l’Égypte de participer aux exercices militaires prévus en Algérie. Selon lui, la présence du Polisario est une question «très sensible», qui touche à un principe sacro-saint que l’Égypte a toujours défendu, à savoir le respect de «l’unité territoriale des pays». En d’autres mots, l’atteinte à l’intégrité territoriale du Maroc est une ligne rouge.

Consciente des profondes divergences entre le Maroc et l’Algérie sur le dossier du Sahara, l’Égypte compte bien garder de bonnes relations avec les deux pays, mais refuse de tomber dans le piège que lui tend le régime d’Alger en vue de froisser le Maroc.

L’expert égyptien a accusé le Polisario d’être une source de discorde régionale. L’Union africaine est ainsi appelée à résoudre rapidement la problématique de la présence de ce mouvement séparatiste au sein de la NARC, car il s’agit d’un intrus qui constitue la principale cause des tensions et divisions entre les pays de l’Afrique du Nord en particulier, et ceux du continent africain en général.

L’Égypte est ainsi convaincue que l’efficacité de la NARC est tributaire de l’expulsion du Polisario de cette structure, surtout que les séparatistes ne sont reconnus ni par l’ONU, ni par l’Europe, ni par l’Amérique du Nord, principaux bailleurs de fonds de l’UA, alors que les retraits de reconnaissance de cette entité fantôme se multiplient au sein même de l’Union africaine.

Le refus de l’Égypte de participer à un exercice militaire de la NARC est donc un appel direct lancé à l’Union africaine, qui doit choisir entre la cohésion et le Polisario, un corps étranger, factice, qui subsiste grâce à l’implication financière, militaire et diplomatique du régime d’Alger.

Même en l’absence d’une annonce officielle, il est donc quasi certain que l’Égypte ne participera pas à l’exercice militaire du 21 mai courant, d’autant plus que Le Caire et Alger sont en désaccord sur de nombreux autres dossiers régionaux, comme la Libye ou la Palestine.

L’Égypte chercherait même à prendre en main la gestion de la NARC pour la sortir de sa léthargie actuelle. En février dernier, Le Caire a accueilli une réunion de cette structure, marquée par l’adhésion de la Mauritanie qui assiste pour la première fois à une activité de la NARC alors qu’elle avait boudé auparavant toutes ses réunions organisées à Alger en présence du Polisario.

Lundi dernier, soit le jour même de l’annonce de la non-participation de l’Égypte à l’exercice de la NARC à cause du Polisario, des concertations ont eu lieu entre la Mauritanie et l’Égypte.

L’attaché militaire auprès de l’ambassade d’Égypte en Algérie, le général Mohamed Attia Nasser, s’est rendu à Nouakchott, dans le cadre d’une visite de travail. Il a été reçu par le chef d’état-major adjoint de l’armée mauritanienne, le général Mohamed El Mokhtar Cheikh Menni, et le patron des renseignements militaires, le général El Hacen ould Meguet.

Il faut rappeler que lors de sa création en juillet 2002, l’Union africaine, qui a supplanté l’ex-OUA (Organisation de l’unité africaine), a introduit une nouvelle doctrine en matière de maintien de la paix sur le continent africain. En lieu et place de la non-ingérence et non-intervention d’antan, l’UA est venue avec un ambitieux principe, dit de «non-indifférence», matérialisé par le projet de création d’une Force africaine en attente (FAA), chargée de la prévention, de la gestion et du règlement des différends en Afrique.

Ainsi cinq brigades régionales, comprenant chacune 6.000 militaires, plus de 700 policiers et une composante civile, dont des spécialistes multidisciplinaires, ont été créées et adossées aux cinq Communautés politico-économiques africaines déjà existantes.

Pour l’Afrique du Nord, une Brigade a été difficilement mise sur pied en raison des désaccords sur sa composition, qui devait se limiter aux cinq pays de l’UMA (Union du Maghreb arabe) et l’Égypte. C’est l’algérien Said Djinnit, commissaire du Conseil de paix et sécurité de l’UA jusqu’en 2007, qui a élaboré le protocole de mise en place de la NARC, avant que ses successeurs, deux autres Algériens (Ramtane Lamamra et Smail Chergui), ne remettent les clés de cette structure au régime algérien.

Au bas du document instaurant la NARC, deux secrétaires généraux successifs de l’UMA, les tunisiens Habib Ben Yahia (2006-2016) et Tayeb Baccouche (2016-2024), n’ont jamais accepté d’apposer leur signature sur ce protocole de l’UA relatif à la NARC, contrairement à leurs homologues à la tête des autres organismes régionaux africains. Ils estimaient que le Polisario n’a pas sa place au sein de la NARC, n’étant pas membre de l’UMA.

Par Mohammed Ould Boah
Le 11/05/2025 à 11h05