Boualem Sansal, embastillé pour avoir dit la vérité sur les amputations territoriales subies par le Maroc au profit de l’Algérie

Bernard Lugan.

ChroniqueOui, Boualem Sansal a raison, car, avant la période coloniale, le Maroc était le cœur politique, religieux, économique et commercial de tout l’Ouest saharien. Au sud, le Maroc étendait son rayonnement au-delà du Tagant et contrôlait les pistes du Sahara occidental ainsi que ses principaux centres urbains et caravaniers.

Le 26/11/2024 à 11h00

Que l’on ne s’y trompe pas, c’est pour avoir déclaré le 2 octobre 2024 à un hebdomadaire français que «quand la France a colonisé l’Algérie, toute la partie ouest de l’Algérie faisait partie du Maroc», que le grand écrivain franco-algérien Boualem Sansal a été incarcéré et qu’il risque une très lourde peine de prison.

N’en déplaise à Benjamin Stora, qui estime qu’une telle déclaration «blesse le sentiment national algérien», l’Histoire est l’Histoire… Or, avant d’être colonisée par la France, la Régence turque d’Alger n’existait pas comme État, alors que le Maroc millénaire contrôlait effectivement tout ce qui, aujourd’hui, est devenu l’Ouest algérien… Mais, à Alger, le simple constat de cette réalité historique est passible de la prison à vie.

Oui, Boualem Sansal a raison, car, avant la période coloniale, le Maroc était le cœur politique, religieux, économique et commercial de tout l’Ouest saharien. Au sud, le Maroc étendait son rayonnement au-delà du Tagant et contrôlait les pistes du Sahara occidental ainsi que ses principaux centres urbains et caravaniers. Économiquement, l’ensemble commercial marocain partait des villes du nord du Maroc pour atteindre la vallée du fleuve Sénégal et la région de Tombouctou par les marchés de Goulimim et de Tindouf. Dans cet ensemble, les marchandises circulaient sans entraves douanières. Il s’agissait en effet d’échanges internes pratiqués dans les limites d’un seul et même État, l’État marocain.

À l’est, le Touat, le Tidikelt, le Gourara, Tindouf, Béchar et le Tabelbala, que la France attribua à l’Algérie en 1962, étaient dirigés par des caïds nommés par le sultan du Maroc.

«Il fut demandé au Maroc non seulement d’entériner la perte de ses provinces de l’Est et du Sud, mais encore d’accepter qu’elles fussent offertes à des États qui n’avaient jamais existé par le passé.»

À la suite des partages coloniaux, furent tracées des frontières qui ne tinrent pas compte de ces réalités socio-historiques. Et ce furent ces limites artificielles qui donnèrent naissance aux frontières d’une Algérie née en 1962. Une Algérie algérienne héritière territorialement de l’Algérie française, ce que ses dirigeants refusent d’admettre.

En réalité, le Maroc fut alors démembré et ses droits historiques violés. Tant à l’est, vers l’actuelle Algérie, qu’au sud, d’où étaient pourtant parties les ultimes résistances à la colonisation avec Mâe el Aïnin et El-Hiba.

Lors des indépendances, le Maroc fut alors placé face à une situation intolérable. Il lui fut en effet demandé non seulement d’entériner la perte de ses provinces de l’Est et du Sud, mais encore d’accepter qu’elles fussent offertes à des États qui n’avaient jamais existé par le passé.

Dans un souci de règlement politique régional, le Maroc renonça à ses légitimes revendications territoriales vis-à-vis de l’Algérie, à savoir, entre autres, Tindouf, le Touat, le Gourara, le Tidikelt, Béchar et Tabelbala, mais, en échange, il attendait un soutien de cette dernière dans ses légitimes revendications au sujet du «Sahara espagnol». Les espérances marocaines furent déçues, car l’Algérie devint le principal soutien du Polisario.

Avec l’affaire Boualem Sansal, le «Système» algérien montre qu’il est aux abois. En effet, militairement, les tentatives algériennes via le Polisario ont échoué, et, diplomatiquement, l’avalanche des reconnaissances internationales de la marocanité du Sahara dit occidental a ruiné ses espoirs. Figée sur des postulats obsolètes, la gérontocratie algérienne, au bout de son horloge biologique et politique, n’a désormais plus qu’une dernière arme à sa disposition: les prisons.

Par Bernard Lugan
Le 26/11/2024 à 11h00