Mercredi soir, le ministère algérien des Affaires étrangères a exprimé, dans un communiqué adressé à l’ambassade de France en Algérie, la «ferme condamnation par l’Algérie de la violation de la souveraineté nationale par des personnels diplomatiques, consulaires et de sécurité relevant de l’Etat français qui ont participé à une opération clandestine et illégale d’exfiltration d’une ressortissante algérienne dont la présence physique sur le territoire national est prescrite par la justice algérienne».
«Violation de la souveraineté nationale», l’expression est sévère et supposée être dûment mesurée par la partie qui la prononce, en l’occurrence le ministère algérien des Affaires étrangères. L’expression étonne aussi parce que la militante franco-algérienne Amira Bouraoui n’a pas été aidée par les autorités consulaires françaises pour quitter l’Algérie, mais pour prendre un vol régulier à partir de l’aéroport de Tunis à destination de Lyon. Ainsi l’Algérie considère que le fait qu’une citoyenne franco-algérienne soit aidée par la France pour regagner le territoire français à partir de Tunis constitue une atteinte à sa souveraineté nationale. Ce qui veut dire que le régime d’Alger considère la Tunisie comme une dépendance algérienne.
Cet assujettissement de la souveraineté tunisienne à l’Algérie est confirmé par le quotidien gouvernemental Al Moudjahid du mercredi 8 février qui écrit: «Violation de la souveraineté nationale par des personnels diplomatiques, consulaires et de sécurité relevant de l’Etat français: le Président Tebboune rappelle l’ambassadeur d’Algérie en France».
Ce titre montre, à lui seul, que l’Algérie n’a aucune gêne pour proclamer que la Tunisie est une extension algérienne, du moment que c’est en plein territoire tunisien que tous les faits se sont déroulés, puisque la journaliste Amira Bouraoui a d’abord réussi à fuir au nez et à la barbe des sécuritaires algériens qui la tenaient constamment à l’œil, quitte à entrer illégalement en Tunisie avec un passeport français en bonne et due forme.
Après sa garde à vue durant trois nuits à l’aéroport de Tunis-Carthage, sa comparution, lundi dernier, devant une juge, puis son enlèvement par des policiers en pleine rue, Amira Bouraoui a frôlé l’extradition vers l’Algérie.
A ce stade-là, Kaïs Saïed aurait bien livré immédiatement la journaliste aux autorités algériennes, mais la machine diplomatique française s’est emballée immédiatement pour mettre la pression sur le président tunisien, qui a finalement accepté que la journaliste soit placée sous protection diplomatique française et embarquée vers Lyon le même jour.
Tous les médias français ont d’ailleurs confirmé, depuis lundi dernier, cette intervention décisive du président tunisien en personne qui a ordonné à la police tunisienne de libérer Amira Bouraoui et de la laisser embarquer pour la France, malgré sa convocation par la justice tunisienne pour une audience prévue le 23 février courant.
Ce jeudi encore, le quotidien Le Monde, dans un article relatant la récente résurgence des tensions entre Paris et Alger, a rappelé une nouvelle fois que «grâce à l’assistance diplomatique de Paris, qui a obtenu l’autorisation du président tunisien, Kaïs Saïed, de la laisser quitter le territoire tunisien, la journaliste a pu embarquer sur un vol à destination de Lyon».
Pour faire bonne figure et ne pas provoquer une réaction épidermique du régime d’Alger, Kaïs Saïed a été obligé de limoger son ministre des Affaires étrangères, Othman Jerandi, lui faisant endosser toute la responsabilité du feu vert accordé aux autorités consulaires françaises. A travers ce geste, il a ainsi jeté toute la responsabilité des tractations avec la France sur le dos de son ministre, et non moins fidèle collaborateur et soutien, qui fut aussi son conseiller diplomatique avant de devenir ministre. Les porte-voix de la junte algérienne répètent à l’unisson que Othman Jerandi a manœuvré seul sans aviser Kaïs Saïed.
Jerandi a lui-même annoncé sa mise à l’écart dans un tweet où il laisse entendre qu’il a été sacrifié sous des pressions extérieures, car, écrit-il, sa «seule boussole durant les trois années passées à la tête de la diplomatie tunisienne était de servir les seuls intérêts supérieurs de la Tunisie, qui saura distinguer qui sont ses vrais serviteurs». Il a pourtant largement contribué à la vassalisation de son pays par le régime d’Alger.