Pour le philosophe français Pascal Bruckner, «l’Algérie est un État terroriste»

Pascal Bruckner était l'invité de l'émission "Points de vue", diffusée le 1er juillet sur la plateforme électronique du journal Le Figaro.

Pascal Bruckner était l'invité de l'émission Points de vue, diffusée le 1er juillet sur la plateforme électronique du journal Le Figaro.

Le philosophe, romancier, essayiste français et membre du comité de soutien à Boualem Sansal, Pascal Bruckner, a vivement réagi à la condamnation en appel à 5 ans de prison ferme à l’encontre de l’écrivain et essayiste franco-algérien. Qualifiant l’Algérie de «dictature» et d’«État terroriste», Pascal Bruckner a livré un diagnostic au scalpel du régime d’Alger.

Le 02/07/2025 à 09h52

La colère de Pascal Bruckner est vive et à la hauteur de l’émotion et de l’indignation suscitées à l’échelle mondiale par l’annonce, ce 1er juillet, de la sentence prononcée en appel à l’encontre de Boualem Sansal: 5 ans de prison ferme.

L’indignation de Pascal Bruckner, invité de l’émission Points de vue diffusée sur la plateforme électronique du journal Le Figaro, est d’autant plus grande qu’en plus de Boualem Sansal, Christophe Gleizes, journaliste sportif, a lui aussi été condamné le 30 juin à 7 ans de prison ferme. Pour le philosophe, «c’est un deuxième otage que les Algériens ont pris».

Du sentiment d’impuissance à une nécessaire action de la France

«C’est scandaleux, c’est un régime dont il ne faut rien attendre» a-t-il lancé d’emblée, exaspéré du fait que «les seules armes dont nous disposions en France soient la supplication, l’espérance, l’agenouillement, comme si nous étions des spectateurs impuissants alors qu’en réalité, le pouvoir aurait beaucoup de moyens de pression sur les Algériens».

Pascal Bruckner va encore plus loin en extrapolant le cas de figure où les Français seraient Russes, «nous kidnapperions deux diplomates algériens si possible proches du pouvoir de monsieur Tebboune» afin de mettre en pratique le même chantage. Mais la France est une «démocratie libérale de gens bien élevés et donc nous ne mettons en action aucun levier qui puisse endommager la décision de justice en première instance ou en appel», se désole-t-il, face à une impuissance qui «(le) rend fou» car à ses yeux, «il n’y a aucune raison de se plier au caprice de cette dictature islamo-soviétique».

Se désolant de l’action vaine de Jean-Noël Barrot, ministre des Affaires étrangères français, revenu bredouille de son voyage à Alger en avril dernier alors qu’il était persuadé de ramener Boualem Sansal avec lui, Pascal Bruckner qualifie les relations franco-algériennes de «jeu du chat et de la souris». En effet, déclare-t-il pour éclaircir son point de vue, «ils savent qu’ils ont une sorte de prééminence morale sur nous, c’est-à-dire la mauvaise conscience du colonialisme. Le pouvoir algérien compte sur cette mauvaise conscience», s’insurge-t-il, rappelant que l’Algérie a obtenu son indépendance en 1962.

Un appel ferme à la rupture avec un État terroriste

«Il faut en finir avec ces liens et rompre avec l’Algérie. Nous n’avons pas besoin de l’Algérie, ce sont les Algériens qui ont besoin de nous, pour alimenter leur machine à ressentiment et de haine», tranche l’écrivain en proposant de fermer l’ambassade de France en Algérie.

Pour Pascal Bruckner, l’attitude de l’Algérie s’explique par le fait qu’elle veut «mener une guerre contre la France pour poursuivre sa guerre d’indépendance. Et nous sommes malheureusement les complices de ce noir dessein. Il n’y a pas de relation possible hormis la rupture».

Et de dénoncer l’odieux chantage mené par «les dictateurs d’Alger», au cœur duquel se retrouve piégé Boualem Sansal: «Voyez, je tiens le condamné au bout de sa corde. Soit je coupe la corde, mais alors il va falloir être très gentil avec moi et me baiser les babouches, m’accorder un certain nombre de faveurs, soit on le garde». Or, pour Pascal Bruckner, «l’espérance n’a jamais suffi à libérer un prisonnier». La réponse de l’État français doit donc être ferme, mais surtout «très violente contre cet État terroriste car c’est ça l’Algérie, c’est un État terroriste et il est temps qu’on s’en rende compte aujourd’hui et qu’on agisse en conséquence».

Pascal Bruckner espère ainsi qu’Emmanuel Macron «sortira de ses gonds car ce que nous subissons est insupportable». Il rappelle que la France est une puissance bien plus grande que l’Algérie, qui peut se passer de son gaz, lequel ne représente que 12% des importations françaises. «Il peut s’acheter ailleurs.» Quant aux échanges économiques, Pascal Bruckner les qualifie de «cacahuètes».

Après tout, pourquoi la France ne franchirait-elle pas ce cap? Car, rappelle-t-il à juste titre, «l’Algérie se fâche avec tout le monde», notamment avec le Maroc précise-t-il, ou encore avec le Mali. Et qu’attendre d’un régime dont le principal allié est l’Iran? Questionne-t-il en citant l’ouvrage nouvellement paru d’Emmanuel Razavi et Jean-Marie Montali, La Pieuvre de Téhéran, dans lequel il est expliqué «que les services secrets iraniens et algériens travaillent ensemble», résume-t-il.

Autre levier de pression: demander aux partenaires européens de la France de ne plus commercer avec l’Algérie tant que Boualem Sansal ne sera pas libéré. L’objectif, selon Pascal Bruckner, est de «commencer petit à petit à étrangler ce pouvoir arrogant et totalitaire» aux mains d’un Abdelmajid Tebboune «dont le pouvoir lui-même est très vacillant car à l’intérieur du pouvoir algérien, des factions voudraient le renverser et mettre quelqu’un d’autre à la place».

Mourir en prison ou jeté en pâture à la foule, le triste sort de Boualem Sansal

Quant à l’espoir de voir Boualem Sansal sortir de prison, Pascal Bruckner ne se fait pas de fausses illusions. «Dans 5 ans, il sera mort», déclare-t-il gravement, rappelant que l’écrivain et essayiste franco-algérien rappelant, âgé de 80 ans, souffre d’un cancer.

Quid de l’espoir qu’Abdelmadjid Tebboune gracie Boualem Sansal à l’occasion de la fête nationale de l’indépendance de l’Algérie, le 5 juillet? La France doit peser de tout son poids pour obtenir cette grâce et «user de tous les moyens, sans rien concéder. La faute est du côté de l’Algérie car Boualam Sansal n’a rien fait. Il a le droit d’exprimer des opinions, il a le droit de penser ce qu’il veut». Or, rappelle Pascal Brucker, «Boualem Sansal est puni parce qu’il a expliqué qu’autrefois la partie ouest de l’Algérie était marocaine».

Mais ce que redoute aussi Pascal Bruckner en cas de libération de Boualem Sansal, c’est que celle-ci soit assortie d’une interdiction de quitter le territoire algérien.

«Il sera livré dans les rues d’Alger à la haine des foules parce que la propagande officielle ne cesse de monter les esprits contre lui. Cela veut dire qu’en fait, il sera liquidé par un citoyen quelconque dans la rue ou par plusieurs citoyens. Le gouvernement algérien pourra dire que ce n’est pas de sa faute mais que c’est le peuple qui a exprimé sa juste colère», entrevoit-il déjà comme un scénario bien connu «dans les dictatures». D’autant que l’Algérie «a rejoint le cercle des États voyous», comme la Corée du Nord ou encore l’Iran où sévissent «les mêmes mafias».

Une chose est sûre s’agissant de l’Algérie, «c’en est fini de son aura de pays tiers qui était autrefois le parangon de vertu du Tierisme. Son aura a considérablement pâli. L’Algérie est un régime raciste et je rappelle le sort qui est fait aux Subsahariens qui sont chassés dans le désert comme des sous-hommes. C’est évidemment un régime antisémite puisque l’ancien avocat de Boualem Sansal n’a jamais pu aller à Alger parce qu’il était juif», conclut Pascal Bruckner dans un dernier trait à ce triste tableau.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 02/07/2025 à 09h52