Taxe carbone: le Maroc pourrait capter 8 milliards de dollars du marché européen d’ici 2030 (FMI)

Le mécanisme d’ajustement carbone (MACF) que l'UE instaurera à ses frontières, à partir de 2026, pénalisera les produits industriels importés au bilan carbone élevé. (Photo d'illustration)

Selon le Fonds monétaire international (FMI), l’intégration du Maroc au système européen d’échange de quotas d’émission pourrait générer jusqu’à 8 milliards de dollars de recettes d’ici 2030, soit plus de 3% du PIB. En profitant de coûts de réduction du carbone plus faibles que ceux de l’Union européenne, le Royaume consoliderait ainsi sa position de partenaire climatique stratégique.

Le 04/11/2025 à 08h45

Le Maroc consolide sa position parmi les pays émergents les plus avancés en matière de transition verte. Dans son rapport publié en avril 2025, le Fonds monétaire international (FMI) estime que la Facilité pour la résilience et la durabilité (RSF) constitue un catalyseur majeur pour la décarbonation et la mise en œuvre des objectifs climatiques nationaux (CDN). À travers ce rapport, l’institution démontre un scénario dans lequel la transition énergétique ne freine pas la croissance, mais l’alimente, prenant le contre-pied des déclarations assez pessimistes sur le sujet.

Les experts du FMI ont mobilisé un modèle macroéconomique mondial (MEGC-MOD) pour simuler l’impact des réformes climatiques engagées par le Maroc. Ce modèle prend en compte 15 régions et pays dont le Maroc et 14 secteurs, incluant les énergies fossiles et renouvelables, ainsi que le comportement des ménages et des entreprises face aux prix du carbone.

Pour le FMI, les résultats restent dans la ligne directrice de l’institution, car la suppression des subventions sur le gaz butane et la hausse des taxes sur le charbon et le fioul lourd pourraient réduire les émissions de 16% et augmenter la part des énergies renouvelables de plus de six points d’ici 2030. Loin d’un choc économique, ces mesures entraîneraient une hausse du PIB de 0,8%, soutenue par une meilleure allocation des ressources et une redistribution ciblée des recettes fiscales.

L’étude du FMI montre qu’une taxe carbone modérée, combinée aux réformes en cours, constituerait un outil efficace pour atteindre la neutralité carbone. Selon les simulations, un prix de 36 à 82 dollars la tonne de CO₂ suffirait à aligner le Maroc sur sa trajectoire climatique, avec un impact quasi nul sur la croissance.

Le rapport insiste sur l’importance de la redistribution des recettes issues de cette taxe sous forme de compensations aux ménages, afin de maintenir le pouvoir d’achat et d’assurer une transition juste. Le FMI y voit une opportunité de concilier justice sociale et efficacité économique, dans un pays où la réforme de la subvention énergétique reste politiquement sensible.

Le Maroc se distingue aussi par son approche systémique: les politiques fiscales, énergétiques et financières convergent vers un même objectif de soutenabilité. Cette cohérence renforce la confiance des investisseurs et crédibilise la stratégie climatique du Royaume à l’échelle internationale.

La finance verte, nouveau pilier de la croissance

L’autre levier du RSF réside dans le rôle stratégique du secteur financier. Sous la supervision de Bank Al-Maghrib, les banques marocaines seront tenues, dès 2027, de publier leurs expositions climatiques selon les standards internationaux de durabilité (ISSB). Les régulateurs — AMMC, ACAPS et TAMWILCOM — développent, de leur côté, une stratégie nationale de finance climatique à l’horizon 2030, visant à mobiliser 50% du financement de la transition par le secteur privé, soit environ 4,5 milliards de dollars par an.

Ces efforts s’accompagnent d’une montée en puissance du marché des obligations vertes, dont les émissions restent en retrait avec un cumul de près de 4 milliards de dirhams sur la période 2012-2023, selon un rapport Amundi-IFC. Le FMI salue cette gouvernance intégrée, citant le Maroc comme modèle africain de coordination entre politique monétaire et politique climatique.

Les projections du Fonds monétaire international (FMI) ouvrent une perspective géoéconomique ambitieuse: une intégration du Maroc au marché européen du carbone (SEQE) pourrait générer jusqu’à 8 milliards de dollars de recettes d’ici 2030, soit plus de 3% du PIB. Un tel scénario renforcerait la compétitivité des exportations marocaines face au futur mécanisme d’ajustement carbone de l’Union européenne (MACF).

Pour le FMI, le Maroc démontre qu’il est possible de verdir la croissance sans la ralentir. La réussite de cette trajectoire repose sur la cohérence entre réformes budgétaires, stabilité monétaire et innovation financière. L’institution conclut que la stratégie marocaine «illustre la possibilité d’un modèle de développement où la stabilité économique devient indissociable de la soutenabilité environnementale».

Par Mouhamet Ndiongue
Le 04/11/2025 à 08h45