Energie: le Maroc trace sa route vers la fin du charbon

Du charbon thermique.

Revue de presseLe pays s’engage à sortir complètement du charbon d’ici 2040 et à tripler ses capacités renouvelables, dans un effort inédit pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Mais entre contrats existants, cadre juridique rigide et financements colossaux, la transition énergétique marocaine devra composer avec de nombreuses contraintes, tout en s’appuyant sur le gaz naturel comme passerelle vers un mix plus propre. Cet article est une revue de presse tirée du quotidien Les Inspirations Éco.

Le 29/10/2025 à 19h17

Le Maroc se prépare à amorcer une transformation majeure de son paysage énergétique. «Le pays n’a pas d’autre choix que d’investir massivement dans l’éolien et le solaire», déclarait récemment la ministre de la Transition énergétique. «L’annonce d’une sortie complète du charbon à l’horizon 2040 constitue un tournant historique dans la politique énergétique nationale», relève le quotidien Les Inspirations Éco dans son édition du 30 octobre.

Cette décision traduit la volonté de Rabat de renforcer sa souveraineté énergétique tout en consolidant sa place parmi les économies responsables sur le plan climatique. Le gouvernement s’est engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 53% d’ici 2035 et à tripler ses capacités renouvelables pour atteindre plus de 15 gigawatts d’ici 2030. Malgré ces ambitions, le charbon continue de dominer la production nationale d’électricité, représentant encore 59,3% du mix électrique en 2024, contre 70% deux ans plus tôt. «Ce recul progressif illustre un effort réel, mais souligne aussi la lenteur d’une transition qui implique de profondes transformations structurelles», indique Les Inspirations Éco.

Pour que la sortie du charbon devienne une réalité, des experts cités par le quotidien insistent sur la nécessité d’un processus encadré et progressif. Mostafa Labrak, directeur général d’Energysium Consulting, souligne que le Maroc possède les moyens techniques pour y parvenir, mais que la réalité des contrats actuels constitue un frein. Près de 40% de la production électrique dépend encore de contrats privés, fixés jusqu’en 2040, rendant impossible une bascule immédiate. «Il faut que ce soit une sortie progressive, installant plus agressivement les énergies renouvelables et, bien sûr, intégrant le gaz», explique-t-il.

Amine Bennouna, expert en énergie également cité par Les Inspirations Éco, rejoint cette analyse, en rappelant que le principal obstacle est juridique. Deux centrales au charbon, qui produisent plus de 60% de l’électricité du pays, restent sous contrats garantis jusqu’en 2044 et 2045. Les deux spécialistes s’accordent sur un constat commun: la technologie existe, mais le cadre légal et le financement demeurent des défis majeurs.

«Dans ce contexte, le gaz naturel apparaît comme un relais incontournable vers la décarbonation», souligne Les Inspirations Éco. Pour Labrak, cette ressource constitue la passerelle la plus réaliste vers un mix plus propre. Il insiste sur l’importance de sécuriser l’approvisionnement, en inversant notamment le flux du gaz importé d’Espagne, et souligne le rôle stratégique de la future centrale de regazéification de Nador West Med, attendue entre 2026 et 2027.

Le gazoduc Nigéria-Maroc et la première dorsale atlantique reliant la Mauritanie et le Sénégal pourraient également concrétiser cette transition. Amine Bennouna partage cette vision et précise que le fonctionnement inverse du gazoduc Maghreb-Europe pourrait multiplier par huit ou neuf la quantité actuelle de gaz naturel disponible. Cette énergie permettrait non seulement de remplacer le charbon dans les centrales thermiques, mais aussi dans des secteurs industriels consommateurs comme les cimenteries ou les sucreries. Pour Bennouna, cette transition n’est pas uniquement écologique, elle est aussi économique. Le mécanisme CBAM de l’Union européenne incitera les industries marocaines exportatrices à réduire leur empreinte carbone, transformant ainsi la décarbonation en levier de compétitivité.

Le coût de cette mutation énergétique reste colossal. La contribution nationale déterminée, dans sa version 3.0, prévoit environ 90 projets de réduction des émissions pour un investissement estimé à 40 milliards de dollars d’ici 2035, et plus du double à l’horizon 2050. Mostafa Labrak plaide pour un engagement plus marqué du secteur privé et pour l’accélération des réformes en attente, notamment en matière d’autoproduction, afin de permettre aux PME d’investir et d’alléger la charge financière de l’État. Il insiste également sur la nécessité de publier les décrets d’application des lois 40-19 et 82-21 relatives à la production d’énergie. Amine Bennouna, plus réservé sur le rythme de la transition, observe que, «pour l’instant, on ne voit pas de grandes manœuvres visant à transformer toute l’électricité du pays en énergie renouvelable».

Par La Rédaction
Le 29/10/2025 à 19h17