Dans une région longtemps associée à l’activité minière, Jerada connaît aujourd’hui un tournant économique axé sur l’agriculture. Portée par l’extension des plantations fruitières et une volonté manifeste d’exploiter les potentialités naturelles du territoire, cette dynamique agricole soulève de réels espoirs. Mais ces ambitions se heurtent à des obstacles majeurs, notamment en matière de valorisation post-récolte et de débouchés commerciaux.
Les investissements agricoles dans la province s’orientent désormais vers la diversification des filières et l’élargissement de la superficie agricole utile. Quelque 6.400 hectares sont aujourd’hui dédiés aux arbres fruitiers, incluant amandiers, caroubiers, pruniers, pommiers, figuiers, grenadiers et abricotiers. L’élevage local reste également un pilier, notamment à travers la production de viande rouge issue des races «Beni Guil» et «Al Bayda».
«Ce basculement stratégique reflète une exploitation judicieuse des sols fertiles et des ressources en eau encore disponibles», déclare Abderrahmane Anfalouss, directeur régional de l’agriculture à Jerada. «L’actuelle campagne agricole est prometteuse, les précipitations ont atteint 123 mm, soit plus du double de l’an dernier», ajoute-t-il, saluant l’effet bénéfique de ces pluies sur les cultures après plusieurs saisons marquées par la sécheresse.
Pour accompagner cette croissance, la direction régionale de l’agriculture met en place plusieurs chantiers: création d’unités de transformation, séchage et conditionnement, soutien aux coopératives modernes et facilitation de l’accès aux marchés par des labels de qualité.
«L’objectif est clair: améliorer le revenu des agriculteurs et créer des emplois durables afin d’ancrer l’agriculture comme moteur du développement local», souligne Anfalouss.
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Cette dynamique se traduit concrètement dans certaines exploitations pilotes. À Oued El Heïmer et Aïn-Beni-Mathar, deux domaines agricoles donnent un aperçu du potentiel régional. L’un d’eux, situé sur une superficie de 105 hectares, est doté d’infrastructures hydrauliques modernes: un réservoir de 32.000 m³ et deux puits à haut rendement. Les cultures y sont dominées par la pomme et la prune, chacune occupant 25% des surfaces.
Gérant de cette exploitation, Saïh El Aïd insiste sur l’importance des récentes pluies. «Elles ont stimulé la floraison et redonné espoir après des années difficiles mais le véritable problème de fond est la valorisation», affirme-t-il.
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Malgré les aides publiques pour l’acquisition de matériel agricole, les agriculteurs font face à un marché instable et peu équitable. «Nous vendons parfois nos produits à 5 dirhams le kilo, alors qu’ils atteignent 20 dirhams chez le consommateur», déplore Saïh. «Il n’y a pas de circuit de distribution structuré. Plus grave encore, l’absence de chambres froides nous oblige à vendre rapidement après la récolte, souvent à perte», conclut-il dépité.
À Jerada, la transition agricole est bien entamée. Mais sans structures de stockage et sans filières de commercialisation efficaces, cette révolution verte risque de plafonner. Les enjeux sont désormais clairs: transformer cette dynamique en modèle durable, capable de garantir à la fois revenus décents pour les producteurs et sécurité alimentaire pour les consommateurs.