Ils étaient pas moins de 200.000 face à la scène Nahda à Rabat, pour assister au concert du phénomène Amine Boudchart. Le maestro marocain a livré, vendredi 27 juin, une prestation saisissante, à la croisée du concert et du rituel populaire, où le public, loin d’être simple spectateur, est devenu le cœur battant de la soirée. Cette communion musicale, sublimée par le concept novateur «La chorale c’est vous», a ainsi marqué un moment historique.
Dans un monde musical dominé par les tendances éphémères et les refrains sans mémoire, Amine Boudchart trace son propre chemin. Compositeur, chef de chœur et créateur d’un projet artistique singulier, il a fait de la scène un espace de transmission vivante, où le public est invité à chanter, ressentir et incarner les grands classiques de la musique arabe et marocaine.
Jamais auparavant un artiste n’avait réuni autant de voix sur une même scène dans l’histoire de Mawazine. La soirée du 27 juin 2025 restera gravée comme un tournant: «Un moment de pure magie collective», selon les mots d’une spectatrice. Dans cette marée humaine se mêlaient jeunes et moins jeunes, habitués et curieux, tous portés par un sentiment commun: chanter ensemble un patrimoine qui leur appartient.
Alors que d’autres revisitent les chefs-d’œuvre d’Oum Kalthoum, d’Abdel Halim Hafez ou du répertoire marocain à coups de rythmes électroniques ou d’arrangements pop, Boudchart prend le contre-pied: il les restitue à la foule. Ici, pas de vedette unique. Chaque spectateur devient soliste, chaque voix ajoute une note à la mémoire collective. Et le miracle opère: les paroles se ravivent, les mélodies retrouvent leur souffle, incarnées par ceux-là mêmes qui les ont aimées, héritées ou découvertes.
Lors du concert d'Amine Boudchar, le vendredi 27 juin à Rabat pour Mawazine.
Ce chœur géant ne relève pas de l’anecdote. Il est la pierre angulaire d’une démarche artistique et culturelle profonde. En invitant le public à devenir acteur du chant, Amine Boudchart bouscule les codes du spectacle. La scène n’est plus un piédestal, mais une agora. L’émotion n’est pas donnée d’en haut, elle émerge de la foule elle-même. «Le patrimoine n’est pas un musée figé, mais une entité vivante qui doit être transmise à travers les respirations humaines», affirme le maestro.
Fidèle à sa vision inclusive, Amine Boudchart a également tenu à partager la lumière de la scène avec de jeunes artistes en devenir. Parmi eux, Anas Derroug, pianiste non-voyant à la sensibilité renversante, Walid Nadi, violoniste doué qui a fait vibrer la scène dans un registre Chaabi, ou encore Rokia Ahmed, dont la voix profonde a redonné vie aux chansons de la légendaire Hajja Hamdaouia. «Donner une chance, c’est parfois changer une destinée», explique Boudchart. Pour lui, l’avenir de la musique arabe se niche souvent dans des voix que l’industrie ignore encore, mais qui portent en elles la richesse d’un héritage enfoui.
Sur le plan musical, Amine Boudchart incarne la pluralité du Maroc. Son écriture s’inspire aussi bien du répertoire amazigh qu’andalou, arabe ou subsaharien. Avec des créations telles que Mosaïca, Bartiya Groove, Jalsa ou encore Jebli Jam, il démontre qu’il est possible de faire dialoguer les identités musicales dans une même partition. Une œuvre qui défie les frontières et revendique l’héritage comme un socle fertile d’innovation.
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Dans un festival où se croisent les plus grandes stars internationales, Amine Boudchart a prouvé que la force d’un artiste ne réside pas seulement dans la virtuosité ou le charisme, mais dans sa capacité à faire chanter ensemble un peuple. Son projet, à la fois artistique, culturel et social, redessine les contours du concert comme lieu de partage, de mémoire et de renouveau. Un avenir musical s’esquisse, à l’image de cette nuit à Rabat: vibrant, collectif, enraciné…et profondément humain.