Dès les premières heures du jour, une chape de chaleur s’abat sur la capitale spirituelle du Royaume. Le bitume luit, les volets restent clos et les ruelles de la vieille ville, d’ordinaire animées par le va-et-vient des visiteurs et le tumulte des marchands, sonnent creux. La médina, classée au patrimoine mondial de l’Unesco, semble suspendue dans un silence inhabituel.
À la mi-journée, l’air devient irrespirable dans les passages étroits dépourvus de ventilation et d’ombre. De nombreux habitants et touristes évitent désormais de sortir avant le coucher du soleil. Les visites guidées se font rares, les réservations sont en chute et l’économie locale vacille. «Cette hausse de chaleur sans précédent nous a affectés négativement. Pas seulement nous, les résidents, mais aussi les touristes», déclare Ahmed, commerçant à Fès. «Ceux qui viennent aujourd’hui ne s’arrêtent plus. Ce n’est qu’un bref passage, une simple escale. Ils fuient la chaleur, certains annulent même leurs réservations dans les maisons d’hôtes ou les hôtels», ajoute-t-il.
Dans la médina, les boutiques ferment plus tôt et les commerçants observent, impuissants, le déclin d’une saison estivale qui devait pourtant atteindre son pic. «Pour nous, il y a un calme absolu. Pas de clients, pas de mouvement, on ne sort même plus nos marchandises», confie Ahmed. «Les gens préfèrent aller sur la corniche, ou même jusqu’à l’autoroute, juste pour se rafraîchir un peu», poursuit-il.
Khalid Lebbar, lui aussi commerçant dans l’ancienne médina, adopte un regard plus nuancé. «La chaleur n’est pas un problème pour les touristes en soi. Ils viennent souvent de pays froids, où il y a de la neige. Ils cherchent le soleil et la chaleur», annonce-t-il. Mais cette année, même les plus endurcis semblent surpris par l’intensité de la vague.
Lire aussi : Canicule. À Fès, la chaleur pousse les foules vers les parcs
Dans les rues, le spectacle est frappant: passants pressés, bouteilles d’eau à la main, visages rougis par la chaleur, enfants haletants à l’ombre des rares arbres. Même les habitants de Fès, pourtant familiers des étés brûlants, avouent ne pas se souvenir d’un tel épisode caniculaire.
Face à cette situation, des voix s’élèvent pour appeler à repenser l’urbanisme et l’accueil touristique dans la ville. Des professionnels du secteur plaident pour une adaptation structurelle aux nouvelles réalités climatiques. Au programme: développement des espaces verts, création de parcours ombragés dans la médina, encouragement d’activités en soirée dans les sites historiques. Autant de mesures qui pourraient améliorer le confort thermique, à la fois pour les habitants et pour les visiteurs.
Lire aussi : Meknès: en pleine canicule, la piscine municipale ne désemplit pas
En attendant, les rares oasis de fraîcheur, comme le parc d’Amérique latine ou quelques zones vertes en périphérie, sont prises d’assaut. Ces espaces publics, bien que limités et mal équipés, deviennent des refuges pour les familles en quête de répit.
La situation est d’autant plus préoccupante que la Direction générale de la météorologie a émis une alerte sur la prolongation de la vague de chaleur dans les jours à venir. Elle appelle à la prudence, notamment pour les personnes âgées et les enfants, en recommandant d’éviter toute exposition directe au soleil pendant les heures les plus chaudes.