«On table sur une hausse de 10% du budget du Conseil communal au titre de l’année 2023. On prévoit de récolter 4,2 milliards de dirhams ce qui sera une première pour le Conseil», avait annoncé Nabila Rmili, maire de Casablanca, lors de la session du 5 octobre 2022 du Conseil.
La maire de la métropole a joint sa déclaration, empreinte d’optimisme, à plusieurs autres actions, notamment l’amendement de l’arrêté fiscal n° 01-2018 qui fixe les droits, les taxes et les redevances dus au budget de la Commune de Casablanca. Ce point figure d’ailleurs à l’ordre du jour de la deuxième partie de la session d’octobre du Conseil, qui aura lieu mercredi 19 octobre 2022.
Le projet d’amendements, consulté par Le360, a pour objectif «d’améliorer la rentabilité de certaines clauses fiscales, et d’augmenter les recettes de la commune tout en préservant les droits et protégeant les intérêts des contribuables», est-il indiqué dans ce document.
Une décision prise conformément à l’article 92 de la loi organique 113.14 relative aux communes, qui confère aux Conseils communaux le pouvoir de fixer le taux des taxes, des redevances et des droits divers perçus au profit de la commune, explique aussi ce document.
Les cafés et restaurants, première cibleCe projet prévoit, entre autres mesures, une augmentation, à 10% pour les établissements sis à la zone A et 8% des zones B et C, de la taxe sur les débits de boissons, ainsi qu’une révision à la hausse de la taxe sur l’exploitation du domaine public. Cette dernière est ainsi fixée:
- Cafés et restaurants de la catégorie A, dont la superficie exploitée ne dépasse pas 10 mètres carrès, 150 dirhams le mètre carré (au lieu de 50 dirhams), plus 200 dirhams au lieu de 70 pour chaque mètre carré en plus;
- Cafés et restaurants de la catégorie B, dont la superficie exploitée ne dépasse pas 10 mètres carrés, 100 dirhams le mètre carré (au lieu de 40 dirhams), plus 125 dirhams au lieu de 60 pour chaque mètre carré en plus;
- Cafés et restaurants de la catégorie C, dont la superficie exploitée ne dépasse pas 10 mètres carrés, 50 dirhams le mètre carré (au lieu de 30 dirhams), plus 70 dirhams au lieu de 50 pour chaque mètre carré en plus.
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Les professionnels «sous pression» fiscale La décision du Conseil communal de relever les taxes locales sur les débits de boissons et l’exploitation du domaine public «intervient dans un contexte de crise sanitaire à fort impact économique, en plus de la crise ukrainienne et de l’inflation qui flambe les prix des matières premières», regrette Mohamed Abdel Fadl, secrétaire général de la Fédération marocaine des cafés et restaurants.
Pour lui, «il aurait été plus judicieux d’accompagner le tissu économique local pour le mettre sur la voie de la relance au lieu de le surtaxer et d’asphyxier plus davantage les professionnels du secteur formel». Ces derniers risquent à n’importe quel moment de mettre la clef sous la porte, s'alarme cet interlocuteur.
Un «cocktail» de taxesLe secteur des cafés et restaurants est soumis à plusieurs taxes, fait savoir Abdel Fadl. Il s’agit dans le détail de la taxe sur les débits de boissons fixée par la loi 47-06 relative à la fiscalité des collectivités locales, de 2% à 10% des recettes, hors taxe sur la valeur ajoutée, réalisée par l'établissement.
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«Contrairement aux banques, assurances et autres secteurs économiques, les propriétaires de cafés et restaurants sont les seuls qui versent une partie de leurs chiffres d’affaires bruts à la commune», martèle le secrétaire général de la Fédération marocaine des cafés et restaurants.
La taxe professionnelle fait aussi partie des charges supplémentaires que doivent assumer les propriétaires des cafés et restaurants. Celle-ci est fixée à 30% de la valeur locative annuelle brute, normale et actuelle de ces mêmes établissements.
«Au lieu d’être appliquée sur la valeur locative, la taxe professionnelle devra prendre en considération le chiffre d’affaires de l’établissement», précise ce même interlocuteur. Il tient à rappeler que les cafés et restaurants avaient cessé toute activité au cours de la période du confinement et «pourtant ils étaient obligés de s’acquitter de cette taxe», soutient-il.
A cela, s’ajoute la taxe de services communaux. Celle-ci est établie annuellement et concerne les établissements soumis à la taxe professionnelle sur la valeur locative servant de base au calcul desdites taxes. Son taux est fixé à 10,5% de ladite valeur locative pour les biens situés dans les périmètres des communes urbaines.
«Cette taxe est payée pour bénéficier d’un certain nombre de services, notamment la collecte de déchets. Pourtant, le Conseil communal se dirige vers la taxation des grands producteurs de déchets», fait remarquer le représentant des propriétaires de cafés. Et de s’interroger: «le contrat qui nous lie à la commune se limite à la collecte des déchets étant donné qu’on paye pour l’occupation du domaine public. Pourquoi doit-on donc payer une taxe supplémentaire?».
Un service, plusieurs taxes«La Commune récupère entre 40 et 50% du chiffre d’affaires des cafés et restaurants», tonne cet interlocuteur, qui précise que ces établissements «s’acquittent des taxes relatives à un même service, sous trois ou quatre formes différentes».
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Pour lui, pour qu’on puisse parler de «justice fiscale», l’ensemble des activités lucratives, notamment les cafés qui opèrent dans le secteur informel, «doivent être taxées de la même manière».
Confronté à ce qui est un paquet de taxes exigées, Mohamed Abdel Fadl propose, lui, l’application des recommandations issues des Assises de la fiscalité de 2019, également reprises dans le Nouveau Modèle de Développement. Il s’agit de la mise en place d’un impôt unique qui englobe d’une part les impôts et taxes à caractère professionnel, notamment l’impôt sur le revenu, la taxe professionnelle et la taxe des services communaux.
80% des cafés payent zéro taxe«80% des cafés sis dans les différentes communes de Casablanca ne payent aucune taxe». L’information a été divulguée par la maire de la métropole lors de la session du mercredi 5 octobre 2022 du Conseil communal, et puis confirmée par Mohamed Abdel Fadl, qui émet ce commentaire: «la maire de Casablanca a eu le courage de divulguer cette information. En revanche, pourquoi doit-on surtaxer les 20% qui s’acquittent déjà de leurs taxes ?».
Ces propriétaires de cafés qui échappent aux radars du fisc, sont soit «des personnes qui déclaraient leurs revenus, mais qui ne sont pas parvenus à s’acquitter de leurs dus après l’entrée en vigueur du dernier arrêté fiscale en 2018», soit «des personnes qui opèrent dans l’informel et qui ne disposent pas d’un identifiant fiscal», explique Abdel Fadl.
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Pour obtenir un identifiant fiscal, ces acteurs de l’informel doivent déjà avoir une autorisation d’aménagement de la commune urbaine dont dépend le bail. C’est précisément là où un problème se pose. Ces personnes font face à une procédure bureaucratique complexe qui rend cette tâche lourde. «Il convient de simplifier ces procédures pour récupérer une partie de ces 80%», suggère le représentant des propriétaires de cafés et restaurants.
Une autre suggestion formulée par notre interlocuteur et qui permettra de renflouer les caisses des communes tout en préservant les intérêts des propriétaires de cafés: l’élargissement de l’assiette fiscale. À travers cette opération, il sera possible de réintégrer dans le giron du secteur formel ceux qui ont arrêté de payer leurs taxes. Par conséquent, «une révision à la baisse des taxes s’imposera».
Une «approche participative» pour prévenir la criseContrairement au bras de fer engagé entre les propriétaires de cafés et restaurants à Rabat et Asmaa Rhlalou, présidente du Conseil communal de la capitale, ceux de Casablanca ont opté pour «une approche participative», précise Mohamed Abdel Fadl.
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«Une fois la décision d’amender l’arrêté fiscal annoncée, nous avons engagé le dialogue avec les différentes parties prenantes, notamment la vice-présidente chargée de la fiscalité et la présidente du Conseil communal», confie-t-il, précisant que «nous avons expliqué les différents volets relatifs à cette décision, ainsi que les difficultés de sa mise en œuvre. Nous nous attendons à la prorogation de ce point à une session ultérieure ou à l’abrogation de ces amendements».
Selon un interlocuteur contacté au sein du Conseil communal, joint par Le360 à l’issue de la réunion de la commission des finances du Conseil, tenue dans la matinée de ce jeudi 13 octobre 2022, «les membres de la commission ont été persuadés de la pertinence des arguments avancés par les représentants des propriétaires de cafés et restaurants, et se dirigent vers la prorogation de ce point à la session de février 2023».