Voici exactement six mois, le 16 octobre 2024, Staffan de Mistura avait présenté à cette même haute instance onusienne un rapport d’une dizaine de pages sur la situation dans les provinces méridionales du Royaume. Il avait fait alors référence à l’impasse dans laquelle se trouvaient ses efforts de paix, à la problématique de la stabilité dans l’ensemble de la région, et aussi aux rapports entre le Maroc et l’Algérie. Et d’insister sur la nécessité de faire avancer de manière décisive le processus politique et ce «de manière constructive et de toute urgence».
Il a également soutenu qu’il avait «discrètement revisité et développé avec tous les intéressés le concept d’une partition du territoire» déjà évoqué par l’ancien président algérien Abdelaziz Bouteflika, en novembre 2001, à Houston, devant James Baker, son prédécesseur comme Envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU, Kofi A. Annan. Le Maroc avait rejeté fermement cette proposition: elle n’était qu’un faux-nez d’une initiative algérienne datant d’une vingtaine d’années. Il avait aussi mentionné le plan marocain d’autonomie traduisant les «efforts sérieux et crédibles» du Maroc et qui a été depuis continûment validé par le Conseil de sécurité. Les dernières résolutions 2703 (2023) et 27-56 (2024) témoignent de cette position.
Staffan de Mistura s’était par ailleurs fixé un délai de six mois pour faire le point sur l’avancement du processus de règlement. Dans son rapport, il avait ainsi conclu en ces termes: «S’il ne m’est pas possible de vous rendre compte de progrès significatifs et d’éclaircissements en avril 2025, je crains que cela ne soulève à juste titre des questions quant aux modalités futures de la facilitation par l’ONU du processus politique sur le Sahara occidental.» Et d’ajouter que cela lui donnerait «l’occasion de suggérer au Secrétaire général de réévaluer si nous avons la possibilité et la volonté de continuer à être utiles dans de telles circonstances. Par conséquent, les six prochains mois sont une épreuve et pour tout le monde». Tel est bien le cas: le Conseil de sécurité, ce 14 avril, en a bien tiré toutes les conclusions.
Lesquelles? D’abord que cet Envoyé personnel de l’ONU n’a pas réussi dans sa mission. Nommé en octobre 2021, son échec regarde la conjonction de plusieurs facteurs: sa partialité, son incapacité à relancer le processus sur la base des paramètres de négociation définis par le Conseil de sécurité, sa crédibilité même du côté de l’Algérie qui refusait de le recevoir... La haute instance onusienne a alors décidé de reprendre le dossier. Comment? À l’initiative des États-Unis, traditionnellement pen holder des projets de résolution. Washington a ainsi décidé de prolonger son mandat jusqu’à la fin 2026, d’œuvrer à une désescalade régionale et d’arrêter une feuille de route redynamisée vers la résolution de ce conflit. De Mistura en a été informé quelques jours avant cette réunion du Conseil de sécurité et il n’a pas manqué d’en prendre acte -il n’a cité dans son rapport ni partition ni référendum. Il s’en est tenu à un périmètre strictement balisé: la reprise des discussions et le plan d’autonomie marocain.
«L’administration Trump est donc désormais à la barre. Les prochains mois vont-ils permettre de donner suite à cet engagement américain?»
De quoi relever au passage le poids et l’omniprésence de la position américaine telle qu’elle avait été formulée et réitérée par le département d’État. Le 8 avril, Marco Rubio, secrétaire d’État, a eu une rencontre à Washington avec son homologue marocain Nasser Bourita. Le responsable américain a réaffirmé à cette occasion le soutien de son pays à la proposition marocaine, qualifiée de «sérieuse, crédible et réaliste», comme «seule base d’une solution juste et durable». Il a aussi précisé que «le Président Trump exhorte les parties à s’engager dans des discussions sans délai sur la base de la proposition marocaine comme seul cadre en vue de négocier une solution mutuellement acceptable» et que «les États-Unis faciliteraient le progrès vers cet objectif».
Deux jours plus tard, le 10 avril, c’est Lisa Kenna, sous-secrétaire d’État américaine chargée des affaires politiques, qui a reçu Staffan de Mistura pour lui notifier la nouvelle feuille de toute. Elle lui réitère la position claire des États-Unis: une «véritable autonomie sous souveraineté marocaine est la seule solution envisageable» et l’invitation «des parties à s’asseoir à la table des négociations pour parvenir à un résultat mutuellement acceptable».
L’administration Trump est donc désormais à la barre. Les prochains mois vont-ils permettre de donner suite à cet engagement américain? Ce qui est à l’ordre du jour concerne plusieurs points: le retour d’Alger, principale partie, au cadre de négociation des tables rondes, ou sous d’autres formes; le respect par le mouvement séparatiste du cessez-le-feu qu’il a dénoncé le 20 novembre 2020; le seul plan marocain d’autonomie comme base des négociations. Des pré-requis incontournables que les États-Unis vont être soucieux de valider dans les mois à venir. Le processus des Nations unies en la matière et la légalité internationale qu’invoque volontiers et abusivement l’Algérie sont précisément dans ce champ-là. Pas dans la propagande d’Alger, qui ne trompe plus personne au regard du large consensus international autour de la marocanité du Sahara.