Moncef Marzouki, qui a présidé aux destinées de la Tunisie de décembre 2011 à décembre 2014 et avait tenté, durant son magistère, de rapprocher les États et les peuples maghrébins, accuse ouvertement le régime algérien d’être le principal obstacle à toute intégration entre les cinq États de la région (Maroc, Mauritanie, Tunisie, Libye et Algérie).
Dans son édition du mercredi 5 février, le quotidien Al Ahdath Al Maghribia rapporte le témoignage précieux de Moncef Marzouki. Car c’est à partir des hautes responsabilités qu’il a assumées à la tête de son pays «qu’il assène une vérité que d’aucuns partagent déjà, à savoir que c’est le régime des caporaux qui non seulement empêche tout rapprochement au sein de l’ensemble maghrébin, mais s’évertue à créer la zizanie dans la région en vue de maintenir un statu quo propice à son agenda politique» de survie.
Ces déclarations de l’ancien président tunisien mettent à nu l’obsession marocaine du régime algérien, avec lequel il refuse tout rapprochement. À contrario, ce régime, qui se dit prêt à coopérer avec tous les pays du monde, exclut le Maroc et, comble de la contradiction, il vient, par la voix même du président Abdelmadjid Tebboune, d’annoncer son désir de rejoindre les rangs des pays arabes ayant normalisé avec Israël alors que, parmi les principaux reproches qu’il brandissait à l’égard du Maroc, figurait l’accusation d’avoir normalisé avec «l’entité sioniste» et d’avoir amené Israël aux frontières de l’Algérie pour la menacer.
Rappelant les nombreuses occasions où le roi Mohammed VI a tendu la main au rapprochement entre les peuples marocain et algérien, Moncef Marzouki, qui s’exprimait sur la chaîne Almagharibiya, précise qu’il est clair que c’est le régime algérien qui a entravé, et entrave toujours, toute construction ou intégration maghrébine. Marzouki a ainsi dévoilé qu’il avait lui-même, durant son mandat présidentiel (2011-2014), proposé une initiative de rapprochement entre les peuples et pays maghrébins. Cette initiative a été, selon lui, acceptée et bien accueillie par le Maroc, la Mauritanie et la Libye, mais catégoriquement refusée par l’Algérie.
Il a ajouté que son initiative proposait de mettre de côté le dossier du Sahara, en attendant de lui trouver une solution. Mais l’Algérie a exigé que le dossier du Sahara soit d’abord résolu, selon ses desiderata, avant toute discussion sur un éventuel rapprochement entre les peuples de la région. Cet entêtement a été derrière l’échec de l’initiative de Marzouki, qui proposait, entre autres, la libre circulation au profit des citoyens des cinq pays maghrébins, ainsi que le droit de propriété, de travail, de vote et d’établissement dans le pays maghrébin de leur choix…
Ces révélations de l’ancien président tunisien ont le mérite d’identifier clairement le principal responsable de la situation de blocage qui s’éternise dans la région maghrébine, que Marzouki a qualifiée de seule zone au monde où l’intégration se fait toujours attendre à cause d’un seul régime, soit le régime algérien. Marzouki a même accusé Alger de semer la zizanie entre pays maghrébins, citant l’exemple du froid qui existe entre Rabat et Tunis à cause de la poignée de dollars que les généraux algériens ont consentis à l’actuel président tunisien, Kais Saied, et qui l’ont poussé à sortir la Tunisie de sa neutralité dans le conflit factice créé par l’Algérie au Sahara marocain.
Marzouki estime que Kais Saied a commis une grave erreur en recevant officiellement, le 20 août 2022, le chef des séparatistes du Polisario à Tunis lors du Ticad 8. «Jamais Habib Bourguiba ni Zine El Abidine Ben Ali n’ont osé commettre une telle aberration», a dit Marzouki, qui regrette que Kais Saied se soit mis sous les aisselles des généraux algériens en transformant la Tunisie en wilaya algérienne, à cause «de son incompétence et de sa mauvaise gestion».