La situation humanitaire à Gaza est dramatique. Elle est la conséquence des attaques perpétrées par le Hamas le 7 octobre dernier, à l’encontre de civils israéliens; conjuguée à la riposte armée de Tsahal à Gaza. Elle plonge la région dans une crise humanitaire sans précédent. Le bilan des victimes s’alourdit de jour en jour: 18.800 morts palestiniens, dont près de la moitié sont des enfants, selon le Hamas; une centaine de militaires israéliens; plus d’un million de Palestiniens otages au sud de la bande de Gaza; les décombres des villes et des infrastructures dans ce petit territoire refermé comme un piège mortifère sur la population palestinienne.
La paix? Quelle paix si ne cesse pas ce bain de sang? Une situation qui est de la responsabilité historique de la communauté internationale. Voici une dizaine de jours, Antonio Guterres, secrétaire général des Nations unies, a saisi le Conseil de sécurité de la situation, le 6 décembre, faisant un usage rarissime de la Charte des Nations unies. Des évènements aussi tragiques surviennent cinquante-six ans après la résolution du Conseil de sécurité, en date du 22 novembre 1967 (R.242). Celle-ci a demandé la cessation de tous les actes de belligérance et le retrait d’Israël des territoires occupés pour parvenir à une paix juste et durable permettant à chaque État de la région de vivre en sécurité. En cette fin d’année 2023, les opérations militaires actuelles de toutes les parties vont-elles prendre fin? La sécurité de l’État d’Israël est-elle garantie? Le droit du peuple palestinien de vivre lui aussi en sécurité l’est-il?
Les spécialistes débattent et débattront encore à l’avenir sans doute de ce que le droit international public permettait au parties de faire ou pas après les attaques du 7 octobre. En tout cas s’impose ce premier principe: le droit international public n’autorise pas la poursuite de la violence au Proche-Orient qui menace la survie d’une population entière de Palestiniens. Qu’une partie ait violé le droit international humanitaire n’excuse en rien les manquements de l’autre à ses propres obligations. Les États tiers ont l’obligation, en recourant à des moyens pacifiques, d’agir: faire cesser les violations graves en cours du droit international humanitaire et les atteintes au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes; prévenir tout risque de génocide; poursuivre les auteurs de crimes internationaux (crimes de guerre, crimes contre l’humanité, génocide) et d’actes de terrorisme; et tout entreprendre pour assurer la protection des civils contre des atrocités de masse, quels qu’en soient les auteurs, ou contre la privation de droits les plus élémentaires. Dans la pratique diplomatique, les États tiers disposent de «l’arsenal pacifique» des négociations, des protestations et des mises en garde. Mais en l’espèce, cela ne suffit manifestement pas. La réprobation exprimée par des États occidentaux a gagné en intensité. Mais elle n’exonère pas ces puissances de leurs responsabilités. Pas davantage, elle ne préserve pour autant leur crédit face aux accusations de pratiquer un «double standard» et ainsi de ne pas défendre avec constance les droits de toutes les populations civiles et de tous les peuples…
D’autres initiatives sont à prendre. Elles sont urgentes et doivent être rendues publiques. Celle de donner toutes ses chances au Conseil de sécurité des Nations unies d’adopter une résolution contraignante (cessez-le-feu, libération des otages, entrée de l’aide humanitaire de manière fluide et continue). La réunion de cette haute instance onusienne, ce lundi 18 décembre, aura-t-elle quelque avancée à cet égard? Les États-Unis ont opposé leur veto à la résolution demandant un cessez-le- feu immédiat le 8 décembre, mais face à ce blocage, l’Assemblée générale peut de nouveau prendre le relais sous forme de recommandation en application de la résolution 377 du 3 novembre 1950, «L’union pour le maintien de la paix», dite aussi «Résolution Dean Acheson», du nom du secrétaire d’État américain. Née du conflit nord-coréen, cette résolution a été appliquée avec prudence lors d’une dizaine d’occasions: lors de la crise du canal de Suez (1956), en Hongrie (1956), au Liban (1958), au Congo (1960), au Pakistan oriental (1971), lors de l’invasion soviétique de l’Afghanistan (1980), en Palestine, en Namibie (1981), en Palestine encore (1982) et lors de l’invasion de l’Ukraine par la Russie (2022).
Une autre initiative regarde l’offre de garanties de sécurité à effet immédiat à Israël et à la Palestine. Elle serait accompagnée par un soutien actif des mécanismes internationaux d’enquête sur toutes les violations du droit international humanitaire commises à Gaza et en Cisjordanie. Elle se prolongerait également en dotant la Cour pénale internationale (CPI) des moyens d’identifier et de juger les auteurs de crimes internationaux. Enfin, last but not least, il ne faudra pas moins de détermination pour reprendre le processus de paix interrompu depuis une vingtaine d’années: un règlement de paix juste et durable pour les deux États, la fin de l’occupation par Israël du territoire palestinien et l’arrêt de la politique des colonies de peuplement en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.