Avec pour toile de fond un mur de zellige nuancé de teintes bleues, Georges-Louis Bouchez, président du parti libéral belge le Mouvement réformateur (MR), a pris la parole dans une vidéo filmée à Tétouan, où il était invité ce week-end par des entrepreneurs belges dans le cadre d’une conférence. Dans cette vidéo, le chef de MR, qui fait partie de la coalition au pouvoir en Belgique, affirme ainsi qu’«il est aujourd’hui évident que la souveraineté et l’administration du Sahara sont effectivement et légitimement entre les mains du Maroc».
Une étape décisive dans des relations belgo-marocaines au beau fixe
Si le soutien du MR à la souveraineté du Maroc sur le Sahara n’a rien de nouveau, l’annonce faite par son président représente toutefois une étape inédite franchie par celui-ci. Ainsi, avant d’amener sa proposition, Georges-Louis Bouchez entreprend en première partie de cette vidéo de rappeler l’importance des relations belgo-marocaines, en détaillant les différents volets qui la composent et en entrevoyant les perspectives d’avenir communes aux deux pays. «J’achève aujourd’hui trois jours au Maroc durant lesquels j’ai pu rencontrer des chefs d’entreprise, des officiels et également des homologues de partis, et c’était vraiment l’occasion de pouvoir renforcer nos relations, mais aussi établir des perspectives», annonce Georges-Louis Bouchez.
En effet, poursuit-il, «nous sommes deux pays amis et nous sommes deux pays confrontés à la fois aux mêmes défis et aux mêmes opportunités. Que ce soit sur la question sécuritaire ou l’échange d’informations, la coopération judiciaire entre le Maroc et la Belgique nous permettra de lutter plus efficacement dans la lutte contre l’islamisme radical, contre le terrorisme et également contre le trafic de drogue».
À cet effet, le président du MR a profité de cette visite de trois jours pour rencontrer Abdellatif Ouahbi, ministre de la Justice. Une rencontre, documentée sur son compte Instagram, qui a permis «d’évoquer notre coopération judiciaire et nos collaborations pour renforcer notre sécurité mutuelle», commente-t-il. «En tant que pays amis confrontés à des défis communs, il est indispensable de renforcer nos échanges directs dans la lutte contre le trafic de drogue, le terrorisme et, de façon globale, dans le suivi, la condamnation et l’exécution des peines des délinquants», a-t-il aussi souligné.
Georges-Louis Bouchez n’en perd pas pour autant de vue non plus l’importance des enjeux en termes de développement économique. Pour lui, «le Maroc est un pays qui est véritablement en plein déploiement» avec, d’un côté, «énormément d’investissements», de l’autre, «les perspectives de la Coupe du monde de football» et enfin, en troisième lieu, «l’enjeu énergétique, puisque le Maroc aujourd’hui a des ambitions extrêmement importantes en termes de renouvelables». Et de prendre pour exemple l’ambition du Maroc d’être «une terre de production d’hydrogène grâce à ce soleil, extrêmement généreux, et d’utiliser également le vent». Autant de paramètres «qui nous aideront dans le défi énergétique», entrevoit l’homme politique belge.
La reconnaissance de la marocanité du Sahara: une suite logique
Autant d’arguments qui plaident en faveur d’une décision qui se doit d’être prise: reconnaître la marocanité du Sahara atlantique. Ainsi, annonce Georges-Louis Bouchez, «c’est pour cette raison, mais aussi compte tenu de l’évolution politique de ces dernières décennies, que je déposerai au Parlement fédéral un texte qui visera à reconnaître la souveraineté marocaine sur le Sahara, ainsi que le plan d’autonomie développé par le Maroc. Il est aujourd’hui évident que la souveraineté et l’administration du territoire du Sahara sont effectivement et légitimement entre les mains du Maroc».
Cette décision, le président du MR la justifie d’autant plus qu’il connaît bien le Maroc où il s’est rendu à plusieurs reprises. «J‘ai eu l’occasion de me rendre à Laâyoune, il y a trois ans, ainsi quʼà Dakhla, et jʼai eu l’occasion de me rendre compte sur place que cʼest une terre de développement, de paix et de stabilité politique», explique-t-il.
Mais cette démarche n’a pas pour but d’être un acte isolé. «Jʼespère rassembler une majorité des autres formations politiques pour pouvoir avancer, positivement, sans oublier certaines revendications des pays voisins, et permettre au Maroc d’être pleinement reconnu sur cette partie du territoire», annonce Georges-Louis Bouchez.
Entrevoyant l’avenir commun aux deux pays qui reste à écrire ensemble, le président du MR a rappelé que le principal ciment qui lie les deux pays réside en la communauté nationale qu’ils partageant, à savoir les Belgo-marocains, et qu’à ce titre, «nos liens doivent être plus que jamais renforcés», martèle-t-il.
«Cette reconnaissance est très symbolique au vu des liens qui existent entre la Belgique et le Maroc par le biais des deux communautés nationales. Nous sommes entrés dans une nouvelle ère diplomatique où les grandes puissances reconnaissent l’intégrité territoriale marocaine. Il se trouve que la Belgique va aussi dans ce sens et permet de rentrer dans une nouvelle relation à égalité avec la puissance continentale qu’est en train de devenir le Maroc, en respectant un combat de souveraineté qui est cher au peuple marocain et qui permettrait de continuer à solidifier les liens de pays amis qui ont une histoire commune», affirme quant à lui Yassine Rafik, porte-parole du président du MR, dans une déclaration pour Le360.
Entretien avec Georges-Louis Bouchez, président du Mouvement réformateur (MR)
Le360: Pourquoi avoir décidé de communiquer sur cette décision aujourd’hui, sachant que vous avez visité le Maroc, et notamment les provinces du Sud, à plusieurs reprises par le passé?
Georges-Louis Bouchez: Parce qu’en fait, ces voyages m’ont permis d’enrichir le positionnement, mais ma décision était déjà prise depuis plusieurs mois. En effet, j’avais pris position en faveur du Sahara marocain pendant la campagne électorale en 2024, il y a un peu plus d’un an. Il fallait d’abord négocier la mise en place du gouvernement et nous avons terminé les déclarations politiques générales pour le gouvernement fédéral au mois de février dernier.
Puis le temps est venu de programmer une visite, parce que je trouvais que c’était plus adéquat de pouvoir annoncer cette nouvelle ici au Maroc. Voilà comment ce timing s’est imposé, sachant qu’encore une fois, mon positionnement sur le Sahara marocain, que j’avais déjà visité en 2022, n’est pas nouveau. Cette position s’inscrit dans le respect d’un engagement électoral.
Qu’est-ce qui vous a le plus marqué pendant vos précédentes visites dans le Sud marocain?
Une chose très simple: à la lumière de la manière dont la question est évoquée du côté de notre pays -où on nous dit «attention», «souveraineté contestée», etc.–, on s’attend peut-être à trouver une zone qui est sous contrôle militaire, une zone où il y aurait de l’instabilité, des heurts… alors que pas du tout. C’est une zone extrêmement paisible, stable.
Cela m’a aussi beaucoup frappé de voir le développement touristique, qui est peut-être plus fort pour les Français que pour les Belges. J’ai vu beaucoup de gens qui venaient pour faire du surf à Dakhla, par exemple. Ce deuxième aspect concerne le dynamisme économique.
J’ai pu voir que, finalement, la position actuelle ne correspond plus, et aujourd’hui, la souveraineté dans les faits correspond au texte que je dépose au Parlement. C’est-à-dire que la souveraineté en tant que telle n’est pas contestée par les populations sur place qui participent activement aux élections, et elle n’est pas contestée non plus grâce à l’équilibre, la stabilité politique et le développement économique de ces provinces. Il y a donc de vrais enjeux à pouvoir bien avancer à la fois sur la reconnaissance et sur la question du plan d’autonomie.
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Le Maroc a proposé quelque chose qui apparaît comme très raisonnable, et il n’est pas impossible, bien évidemment, dans le plan d’autonomie, qu’on prenne en compte certaines aspirations des voisins, sans continuer à contester une souveraineté qui, aujourd’hui, de toute façon, ne pourrait pas être assurée par quelqu’un d’autre. La réalité est tout de même là, car dans les faits, si le Maroc devait annoncer demain qu’il se retire de ce territoire, c’est une zone qui n’aurait pas du tout le développement qu’elle a aujourd’hui.
Cette reconnaissance de la souveraineté du Maroc intervient donc à la fois dans l’intérêt des populations locales, dans l’intérêt du développement du Maroc qui, je l’ai encore confirmé lors de cette visite, est vraiment une force motrice de l’Afrique et un pays avec un déploiement impressionnant, et dans l’intérêt de nos relations amicales.
Par ailleurs, nous avons aussi des défis et des opportunités en commun. Tous ces éléments mis ensemble font que c’est une évidence. Donc désormais, on ne doit plus traîner sur ce dossier.
Dans votre vidéo vous déclarez «ne pas oublier les revendications des pays voisins». Pouvez-vous être plus précis?
Écoutez, c’est assez simple. Je pense que le Maroc n’est pas fermé à ce genre de choses en cas de mise en place du plan d’autonomie. On connaît bien tout l’enjeu qu’il y a pour l’Algérie, dont la crainte est d’être complètement enclavée. Il est tout à fait possible d’envisager, peut-être, des accords de circulation de marchandises, des accords commerciaux. Je pense donc qu’il est très important aussi de mettre en œuvre ce processus dans le cadre duquel s’inscrit depuis toujours la position du Maroc. Je pense que pour la stabilité régionale, il n’est plus question de continuer à contester la souveraineté marocaine. Il faut essayer de trouver les meilleurs moyens pour pouvoir déployer cette solution, dans le respect des pays voisins.
S’agissant du rétroplanning auquel va être soumis ce texte à partir de son dépôt, pouvez-vous d’ores et déjà vous prononcer sur des échéances?
Il faut compter, entre la prise en considération, les débats, etc., un processus de dépôt de 2 à 3 semaines. Et puis, en fonction des débats, je pense que d’ici la fin de l’année, cela devrait être terminé. On pourrait très bien forcer les choses, mais je ne pense pas que ce soit utile de les brusquer. Mon but est d’avoir la plus grande adhésion possible pour qu’il y ait vraiment un soutien très large au sein du Parlement. Donc, si cela doit prendre quelques semaines ou plus, ce ne sera pas un problème.
Vous dites espérer que d’autres formations politiques vous emboîteront le pas dans cette démarche. Lesquelles précisément?
Je pense à l’ensemble des formations au sein du gouvernement et, pour avoir déjà eu quelques contacts, je n’ai pas trop d’inquiétude en la matière. Cela constitue véritablement le premier enjeu, sachant que j’ai déjà un accord au sein du gouvernement. J’espère également que les partis de l’opposition sauront approuver la proposition. On sait bien que chez nous, les communistes et les écologistes ont un lien historique avec le Polisario, mais si ça ne se fait pas avec eux, ce n’est pas grave, car je suis assez confiant sur le fait que nous allons réunir l’ensemble des partis de la majorité, ce qui est amplement suffisant pour faire passer cette reconnaissance.
Vous pensez que le Parti socialiste, qui réunit quand même une importante communauté belgo-marocaine, vous emboîtera aussi le pas, malgré vos différends?
Alors, écoutez, il faut leur poser la question. Mais je l‘espère en tout cas, et je pense qu’on va être au-delà de la majorité.
Certains articles dans la presse belge voient dans votre annonce une opération séduction de la communauté belgo-marocaine. Que répondez-vous à cela?
Non, je vais être très clair. La Belgique et le Maroc sont deux pays amis. Nous avons une partie de notre communauté nationale en commun. Par ailleurs, entretenir des relations privilégiées avec le Maroc relève d’un enjeu sécuritaire pour nous, mais aussi énergétique et historique. C’est la quatrième fois que je me rends au Maroc depuis que je suis président du MR, et nous avons également travaillé sur l’ouverture à la société dans sa diversité en Belgique. Ma démarche est donc construite, sans visée électorale, mais avec une vraie visée politique au sens noble du terme, c’est-à-dire l’amitié belgo-marocaine, qui est très importante pour l’ensemble des défis et des opportunités que j’évoquais.