Algérie: Saïd Chengriha veut la tête de Abdelmajid Tebboune, le régime vacille

Le tandem Abdelmadjid Tebboune et Said Chengriha.

Le tandem Abdelmadjid Tebboune et Said Chengriha.

Revue de presseLe régime d’El Mouradia est cisaillé par une guerre de clans. La bataille semble d’une rare violence. Il s’agit d’une lutte d’influence dont l’objectif est de faire main basse sur les attributs de la souveraineté afin de profiter de la rente et des privilèges qu’offre le pouvoir. Les dessous d’une chute qui ne saurait tarder. Une revue de presse tirée du magazine Rupture.

Le 15/06/2025 à 19h36

Ceux qui suivent de près les turpitudes du régime algérien et les manigances de ses composantes, civiles et militaires, l’auront certainement noté.

Depuis quelques mois, youtubeurs, journalistes en ligne et autres influenceurs algériens installés à l’étranger multiplient les attaques ouvertes et de plus en plus virulentes contre le président Tebboune et, accessoirement, contre son entourage immédiat.

Faits troublants: «ces campagnes s’appuient souvent sur des informations précises, provenant de cercles proches du cœur du pouvoir», rapporte le média en ligne Rupture, publié à Paris et initié par le journaliste algérien en exil Karim Maloum.

Au centre de cette manœuvre, indique le webmagazine, se trouvent deux figures de la DGDSE, la Direction générale de la documentation et de la sécurité extérieure: le colonel Abdelhamid Hocine, dit Hocine Boulahya, et le colonel Souahi Zerguine, dit «Mouad».

«Ces deux officiers qui se sont succédé à la tête de la sous-direction de la lutte anti-subversive ambitionnent de faire tomber l’actuel patron de la DGDSE, le général Fethi Rochdi Moussaoui, alias Sadek», précise le webmagazine dans un article mis en ligne ce dimanche 15 juin.

Derrière cette manœuvre, l’ancien tout-puissant patron de la DGDSE, le général-major Djebbar M’henna. Jusqu’ici, rien de surprenant.

Seulement, l’intrigue devient plus captivante quand on sait que deux autres hauts cadres de l’armée sont pleinement impliqués dans cette affaire, soutiennent les quatre officiers en course pour la contrôle de la DGDSE et, ce faisant, s’en prennent directement au président.

Il s’agit, d’un côté, du commandant Chafik Chengriha, en poste à Paris. «Le fils de l’actuel chef d’état-major, le général de corps d’armée Saïd Chengriha, tente de peser sur les nominations en influençant son père», souligne le magazine. De l’autre côté, le général Saïd Djouadi, directeur de cabinet de Saïd Chengriha et homme de confiance de ce dernier.

«Ces hommes contrôlent la DCSA, la Direction centrale de la sécurité de l’armée, et comptent l’utiliser contre quiconque se mettrait sur leur chemin», poursuit Rupture. Et, manifestement, c’est le cas du président Tebboune.

Ce qui pousse le magazine à émettre deux hypothèses. «Soit Saïd Chengriha ignore les agissements de son entourage immédiat, ce qui paraît improbable compte tenu de sa maîtrise de l’appareil militaire». Ou alors, ce qui selon l’auteur de l’article paraît plus vraisemblable, «ces agissements s’inscrivent dans une stratégie implicite visant à affaiblir Tebboune, dont le mandat présidentiel entre dans une phase politiquement fragile».

Si cette dernière hypothèse se confirmait, observe le journal, «les rumeurs persistantes sur la précarité du président et sur un éventuel remaniement ou départ orchestré par l’armée prendraient un tout autre relief».

Et, d’après l’auteur de cet article, ce ne serait pas une première.

En effet, «depuis l’indépendance, l’histoire du pouvoir algérien est une succession de coups d’État feutrés, de rééquilibrages d’appareils et de règlements de comptes internes».

Ce qui se passe aujourd’hui ne fait pas exception. En réalité, explique le webmagazine, la confrontation, indirecte, mais de plus en plus virulente, entre le président et le chef de l’armée, n’est que la partie apparente d’un conflit plus vaste qui ronge l’appareil de l’État.

D’ailleurs, «les arrestations qui se multiplient, le plus souvent sous des motifs fallacieux, entrent dans ces guerres claniques que se livrent en coulisses les différents cercles d’influence», précise Rupture.

Pour faire court, selon le webmagazine, jusqu’ici, trois pôles émergent, représentant autant de clans antagonistes qui se livrent une guerre sans merci au sommet de l’État.

Le premier pôle est composé des anciens fidèles de Bouteflika, aujourd’hui marginalisés depuis la chute de ce dernier en 2019.

Ceux d’entre eux qui n’ont pas été emprisonnés par Tebboune «essaient de se faire oublier en rasant les murs face à un régime où l’arbitraire reste un mode de gouvernement».

Un second pôle regroupe d’anciens barons du système qui, «après avoir été associés au premier mandat de Tebboune, cherchent à revenir aux affaires pour continuer à capter une partie de la rente».

On retrouve dans cette mouvance certains ex-ministres, d’anciens officiers des services, ainsi que des opérateurs économiques, explique le webmagazine.

Enfin, le troisième pôle est le plus puissant actuellement. Mais jusqu’à quand? Il s’agit du clan présidentiel, composé des proches d’Abdelmajid Tebboune.

Or, en mettant de côté les résultats fort discutables des élections de 2019 et de 2024, le véritable ancrage politique du président repose sur une partie de l’armée et sur les réseaux de l’administration présidentielle.

Aujourd’hui, tout porte à croire que l’un de ces deux piliers, sinon les deux, commence à «le lâcher».

Un nouveau «coup d’État feutré» serait-il en préparation? Selon le webmagazine, tout porte à le croire.

Pour Rupture, «63 ans après l’indépendance, pas un seul président algérien n’a terminé son mandat. Tebboune sera-t-il une exception? Peu probable».

Par Amyne Asmlal
Le 15/06/2025 à 19h36