C’était attendu, et la réaction, comme la manière, était prévisible. Face aux vérités publiées hier par l’hebdomadaire Le Journal du Dimanche, et lors d’une énième convocation d’un représentant de la diplomatie française en Algérie, faute d’ambassadeur rappelé par Paris, les autorités algériennes ont demandé au chargé d’affaires de l’ambassade que des agents français, «objet d’une affectation dans des conditions irrégulières», fassent l’objet d’un rapatriement immédiat vers leur pays d’origine. Entendez: leur expulsion pure et simple.
Ce que reproche officiellement l’Algérie à la France cette fois? «L’affectation de pas moins de quinze agents français devant assumer des fonctions diplomatiques ou consulaires sans que ces affectations n’aient fait, au préalable, l’objet, ni de notifications officielles, ni de demandes d’accréditation appropriées comme l’exigent les procédures en vigueur», écrit l’agence APS en lieu et place d’un communiqué en bonne et due forme de la diplomatie algérienne.
Ces agents, titulaires auparavant de passeports de service, se sont vu accorder des passeports diplomatiques pour faciliter leur entrée en Algérie, argue le régime d’Alger. En outre, «cette liste incluait deux agents relevant du ministère français de l’Intérieur et devant manifestement suppléer partiellement à ceux qui ont été récemment déclarés persona non grata», ajoute-t-on.
Les arguments passent mal et semblent confectionnés à la hâte. La mesure, dont le caractère expéditif est désormais la marque de fabrique du «Système», intervient le jour même de la publication de ladite enquête du JDD. Difficile de ne pas voir le lien de cause à effet. D’autant que l’hebdomadaire a su faire très mal. Sa conclusion: l’implication directe du président algérien, Abdelmadjid Tebboune, dans les barbouzeries algériennes, à forte dose d’amateurisme, commises en France, en Espagne et dans son propre pays.
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Preuves et sources à l’appui, l’hebdomadaire démontre avec brio comment le régime d’Alger, à sa tête le chef de l’État, a cherché à nuire, voire à neutraliser, des opposants tels que Amir DZ, enlevé et séquestré en avril dernier en France, lors d’une opération qui a capoté et qui a abouti au placement en garde à vue par les autorités françaises d’un agent diplomatique algérien impliqué.
En août 2023, énumère le JDD, c’est le journaliste Abdou Semmar, condamné à mort par contumace dans son pays, qui va faire l’objet d’une agression en région parisienne, perpétrée par un homme qui s’envole, étrange coïncidence, quatre jours plus tard pour Alger, avant d’être interpellé en France à son retour en décembre 2023.
Le 17 octobre 2024, c’est au tour de Hichem Aboud, journaliste et ancien militaire, d’être kidnappé à Barcelone par des hommes armés qui s’apprêtaient à le faire embarquer sur un yacht, avant qu’il ne soit sauvé in extremis par une intervention de la Guardia Civil. Après avoir arrêté deux des ravisseurs, «les enquêteurs français et espagnols attribuent, là aussi, cette opération aux Algériens», explique l’article.
Point commun entre les trois manœuvres: leur piteux échec et l’infinité de traces laissées par les agents algériens, véritables pieds nickelés, qui ont permis de remonter aisément jusqu’à la Mouradia. Quand ceux-ci ne prennent même pas la peine de retirer le traqueur collé au véhicule d’Amir DZ pour suivre ses mouvements avant d’incendier son véhicule, et que les génies de la filature, dont des proches de Tebboune, laissent borner leurs smartphones à même les scènes des crimes, nous sommes devant un niveau très élevé d’incompétence.
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Au-delà des pratiques mafieuses de 3emmi Tebboune, l’enquête révèle également sa part sombre. On découvre ainsi, façon de parler, son alcoolisme, un véritable secret de polichinelle contre lequel il lutte en subissant un sevrage qui accentue son humeur exécrable. Tout comme on se rassure en rappelant qu’il est à la base d’un homme «très impulsif», tel que décrit par un ancien ministre de son gouvernement, au tempérament volcanique et qui «se laisse aller à des colères qui font trembler les murs d’El Mouradia». Croyant le défendre, une autre source souligne que «son problème est que c’est un affectif. Il aime ou il déteste. Et quand il vous déteste, vous devenez son ennemi personnel et il cherche à vous nuire». Nous parlons bien d’un chef d’État et non d’un caïd de quartier. À croire qu’en Algérie, c’est kif-kif. Et nul doute que cette dernière expulsion a obéi aux mêmes pulsions rancunières du président.
Cette fois encore, la France n’a pas tardé à réagir. Ce lundi 12 mai, son ministre des Affaires étrangères a promis une réponse «immédiate», «ferme» et «proportionnée» à la décision «incompréhensible» et «brutale» de l’Algérie. «Le départ d’agents en mission temporaire est injustifié et injustifiable. Et comme je l’ai fait le mois dernier, nous y répondrons de manière immédiate, ferme et proportionnelle à l’atteinte qui est portée à nos intérêts», a ainsi déclaré le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot.
Mi-avril, les autorités algériennes avaient déjà déclaré persona non grata douze fonctionnaires français travaillant pour le ministère de l’Intérieur. La France avait immédiatement riposté en prenant une mesure similaire et en rappelant son ambassadeur Stéphane Romatet pour consultations. Ce dernier n’a toujours pas regagné son poste à Alger près d’un mois après son rappel. Une situation inhabituelle qui exprime que cette fois-ci Paris assume le rapport de force avec le régime hystérique d’Alger. Par mesure de réciprocité, il faut s’attendre à l’expulsion imminente d’une quinzaine d’agents algériens en France, soigneusement choisis pour faire mal.