En Libye, la guerre civile s’est rallumée en 2022 après le report des élections initialement prévues au mois de décembre 2021. La Chambre des députés siégeant à Tobrouk a alors décidé d’installer un nouveau Premier ministre à Tripoli dans la personne de Fathe Bachaga. Or, soutenu par la Turquie, le Premier ministre du Gouvernement d’Union nationale Abdelhamid Dbeibah s’y est opposé.
Résultat, à la fin de l’année 2022, plus que jamais, la réalité était celle d’une partition de fait. Replié en Cyrénaïque après avoir échoué à s’emparer de Tripoli, le général Haftar, soutenu par l’Egypte et les Emirats arabes, contrôlait les terminaux pétroliers du golfe de Syrte, cependant qu’à Tripoli, le Gouvernement d’union nationale constitué le 19 janvier 2016 sous les pressions de l’ONU n’avait survécu que grâce à l’intervention militaire turque.
Depuis 2011, refusant de prendre en compte les réalités humaines, la «communauté internationale» (lire l’Occident) prétend reconstruire la Libye autour d’un préalable électoral. Or, ce dernier est difficilement compatible avec le système politico-tribal, la constante historique étant ici la faiblesse du pouvoir par rapport aux tribus. Groupées en çoff (alliances ou confédérations), les tribus ont leurs propres règles internes de fonctionnement qui ne coïncident pas avec la démocratie occidentale individualiste fondée sur le «One man, one vote».
Dans ces conditions, adoubés par les Occidentaux, les politiciens rentrant d’exil ne représentent qu’eux-mêmes et non les vraies forces du pays. Contrairement à ce que postule la doxa, la priorité libyenne n’est donc pas aux élections, mais à la reconstruction de l’Etat en partant du réel tribal et régional.
Les Occidentaux ont tout au contraire postulé que des élections allaient permettre de dégager un consensus «national» entre les factions libyennes. En 2012 et en 2014, ils en organisèrent ainsi trois, mais au lieu de créer un consensus national, ces dernières ont tout au contraire accentué les divisions locales, élargi le fossé entre Tripolitaine et Cyrénaïque, provoqué une guerre civile à l’intérieur de la guerre civile et permis l’immixtion de la Russie et de la Turquie.
Aujourd’hui, la Libye étant coupée en deux, l’on voit mal comment autrement qu’à travers un système confédéral, il serait possible de ramener la Cyrénaïque et les Tripolitaines à s’inventer un destin commun.
En Algérie, où le «Système» fut sauvé par le Covid-19 qui mit un terme aux immenses manifestations du Hirak, la situation sociale est catastrophique. Quant à l’abyssal chômage, il ancre la jeunesse dans une culture de survie avec pour seul horizon l’émigration vers l’Europe.
En 2022, l’«Algérie nouvelle» annoncée par le président Tebboune est donc de plus en plus apparue pour ce qu’elle est, à savoir le prolongement gérontocratique de l’Algérie de Bouteflika. Âgés respectivement de 77, 78, 86 et 91 ans, le président Tebboune, le général Chengriha, chef d’Etat-major, le général Benali Benali, chef de la puissante garde républicaine, et Salah Goujil -président du Sénat, l’homme qui devrait assumer la période transitoire en cas de disparition du président-, tous quatre approchent inexorablement du terme de leur horloge biologique… et politique.
Durant l’année 2022, la crise s’est encore exacerbée entre l’Algérie et le Maroc. Après avoir unilatéralement rompu ses relations diplomatiques avec ce dernier, puis après avoir interdit son espace aérien à ses avions civils et mis un terme au projet de gazoduc à destination de l’Espagne transitant par le Maroc, l’Algérie n’a cessé de tenir un dangereux discours guerrier.
Le cœur du problème est la question du Sahara occidental. Pour les Marocains, il s’agit de leur «Alsace-Lorraine», alors que les Algériens voudraient la création d’un «Etat saharaoui» qui leur soit inféodé, ce qui interdirait au Maroc de disposer d’un littoral de plusieurs milliers kilomètres de Tanger au nord à la frontière mauritanienne au sud.
Les dirigeants algériens refusent également d’admettre qu’au moment des indépendances, il fut demandé au Maroc d’entériner des amputations coloniales en acceptant le rattachement à l’Algérie de territoires historiquement marocains comme le Touat, la Saoura, le Tidikelt, le Gourara ainsi que la région de Tindouf.
En 2023, le risque est que, à force de durcir le ton et de tenir des discours guerriers, un point de non-retour finisse par être atteint, avec des conséquences qui seraient alors catastrophiques pour les deux pays et pour toute la sous-région.