L’inflation a continué à augmenter de façon sévère en 2023, enregistrant une moyenne de 6,1%, contre 6,6% en 2022, selon les estimations du HCP. Elle a atteint son point culminant au mois de février, à 10,1% en glissement annuel, avant de décélérer progressivement pour atteindre 3,4% en décembre.
Selon les estimations de Bank Al-Maghrib, la composante sous-jacente de l’inflation, qui dégage sa tendance endogène (excluant les prix volatils) a atteint en 2023 une moyenne de 5,6%, contre 6,6% en 2022. Cela montre que l’inflation est de moins en moins tirée par des composantes volatiles, constate le Conseil de la concurrence (CC) dans son rapport annuel, ajoutant que le risque d’une inflation «galopante», qui a plané sur certains pays, s’est relativement réduit dans le cas du Maroc.
Les produits alimentaires, première cause de l’inflation
Par ailleurs, l’évolution de l’inflation en 2023 montre qu’elle demeure toujours tirée par les produits alimentaires, dont les prix sont volatils. «La progression de l’inflation totale a été la conséquence de la hausse moyenne de l’indice des produits alimentaires de 12,7% et de celui des produits non alimentaires de 1,7%, d’après les calculs du HCP», est-il précisé.
Le Conseil a aussi constaté qu’en dépit de la désinflation totale et sous-jacente, l’inflation des produits alimentaires a dépassé son niveau de 2022, année où elle s’est établie à 10,9%. «Cela s’explique par le fait que l’inflation de ces produits est restée à des niveaux dépassant le pic de l’inflation totale entre juin 2022 et août 2023, soit plus de 12 mois. Le point culminant de cette inflation a même atteint le double du pic de l’inflation totale en février 2023», note le document. L’inflation a ainsi atteint des taux à deux chiffres concernant les légumes (28,6%), les fruits (27,1%), les produits laitiers et œufs (13,3%) et les viandes (11,5%).
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L’effet de l’inflation dans la catégorie des produits alimentaires, dont les prix sont généralement volatils, n’a pas été aussi brutal sur l’inflation totale, étant donné qu’il a été amorti par le repli des prix des carburants et lubrifiants (-4,1%), outre la stabilité de l’inflation des produits réglementés, à 0,8% selon les données de Bank Al-Maghrib.
Le CC s’interroge sur les fondements du ralentissement de l’inflation, notamment s’ils renvoient à une restauration des mécanismes l’ayant établi il y a deux ans, à savoir la désorganisation des chaines de production internationales et la crise énergétique. «L’hypothèse de l’inflation importée reste d’autant plus pertinente qu’elle coïncide avec un contexte international du moins instable, à l’image du secteur de l’énergie où les pays de l’OPEP+ ont continué à maintenir leur orientation vers une baisse de la production», note le document.
Le phénomène de «cupidflation»
Contrairement à l’année 2022 où l’inflation était fondée sur des chocs externes de l’offre, via le canal des prix à l’importation qui avaient gonflé les coûts de production et de vente aux consommateurs finaux, l’inflation de l’année 2023 s’est entretenue dans un contexte de détente des tensions inflationnistes externes. «Les effets des chocs climatiques sur l’offre interne de produits alimentaires ont été déterminants dans la volatilité momentanée des prix de certains produits, à leur tête les légumes et les fruits», souligne le rapport.
En plus de ces chocs de l’offre à vocation macroéconomique, le CC appelle à tenir compte d’autres types de chocs de nature microéconomique. «Ceux-ci proviennent de la capacité des entreprises ayant un pouvoir de marché à augmenter leurs prix pour tirer profit de l’inflation, et ce, en augmentant la marge bénéficiaire de façon injustifiée. Ce phénomène est appelé dans la littérature économique “cupidflation”», a-t-il expliqué.
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Du point de vue de la demande, la légère reprise de la consommation finale des ménages en 2023 a constitué un risque majeur pour la maîtrise de l’inflation, estime le CC, quoique son niveau est resté inférieur au seuil permettant d’augurer un excès de la demande.
Cette hausse modérée de la consommation finale des ménages a nourri la tendance désinflationniste observée dès février 2023, aidée par l’accroissement du chômage et l’affaiblissement continu du pouvoir d’achat. À cet effet, la relation inversée entre l’inflation et le chômage montre que la boucle salaire-prix est restée inactive et que la spirale inflationniste était faiblement probable, poursuit le rapport du CC.
Une tendance désinflationniste
Sur le plan des conditions monétaires, la même source constate que la tendance désinflationniste s’est instaurée malgré la hausse de la circulation fiduciaire. En effet, les besoins de liquidité des banques se sont accentués en 2023 en passant à 111,4 MMDH en moyenne hebdomadaire, contre 86,7 MMDH à fin 2022 selon les données de Bank Al-Maghrib, une situation qui a poussé cette dernière à augmenter davantage ses injections.
Néanmoins, le CC n’exclut pas le fait que la décélération des crédits accordés aux ménages qui a été favorisée par le resserrement de la politique monétaire ait contribué à la désinflation observée. En outre, le rapport rappelle que l’intensité concurrentielle est importante pour stabiliser l’inflation à long terme, car elle permet de la fixer à un niveau optimal pour le fonctionnement des marchés.