Industrie automobile: pourquoi le Maroc séduit les opérateurs nippons

Une usine de montage automobile. (Unsplash-Photo d'illustration)

Les géants japonais de l’automobile lorgnent le Maroc. Fort de ses zones industrielles, de ses incitations fiscales et de sa main-d’œuvre qualifiée, le Royaume attire les équipementiers et constructeurs du pays du Soleil-Levant, désireux de s’appuyer sur un hub compétitif pour renforcer leur présence en Afrique et en Europe. Décryptage.

Le 05/02/2025 à 08h39

C’est un fait: les constructeurs et équipementiers japonais misent de plus en plus sur le Maroc pour diversifier leurs sites de production. «Avec plus de 70 entreprises nippones déjà implantées et une dynamique d’investissement soutenue, les relations économiques entre les deux pays ne cessent de se renforcer. Et l’industrie automobile semble gagner en importance, à mesure que le Royaume consolide son rôle de hub industriel pour le continent africain et les marchés européens», résume d’emblée le directeur général de l’Organisation japonaise du commerce extérieur à Rabat (JETRO Rabat), Masahide Honda.

Et la récente mission de prospection dans le secteur automobile menée par des représentants d’entreprises nippones, du 3 au 5 février, en est la preuve: pas moins de 22 entreprises et associations japonaises, regroupant un total de 29 participants, ont pris part à cette initiative. «Cette visite permettra, sans aucun doute, à ces opérateurs d’examiner en détail les conditions d’implantation offertes par le Royaume, d’évaluer les avantages fiscaux et réglementaires mis en place pour encourager l’investissement étranger et de tisser des liens avec les acteurs clés du secteur automobile afin d’identifier les meilleures opportunités de partenariat et de développement», a-t-il ajouté.

Selon le DG de JETRO, un programme structuré a été élaboré pour cette mission, qui a conduit les participants à Rabat, Kénitra et Tanger, trois pôles industriels majeurs de l’écosystème automobile marocain. Ce déplacement s’est articulé autour de réunions de travail, de visites d’usines et d’échanges avec les représentants des institutions publiques et des entreprises locales. «La délégation était composée d’acteurs clés de l’industrie automobile et des pièces détachées japonaises, opérant en Europe, au Moyen-Orient et au Japon. À travers les discussions engagées, les investisseurs ont pu mesurer la capacité du Maroc à répondre aux exigences des constructeurs automobiles en termes de coûts, de qualité et de logistique, tout en profitant de son positionnement stratégique pour renforcer leur présence sur les marchés africain et européen», fait-il savoir.

Un environnement propice aux investissements japonais

Pour les opérateurs nippons, plusieurs facteurs rendent le Maroc attractif. «Le Maroc bénéficie d’une stabilité économique et politique qui rassure les investisseurs étrangers», souligne Masahide Honda. Les infrastructures jouent également un rôle clé dans cette attractivité. «Le port de Tanger Med, l’un des plus performants au monde, est un atout majeur pour les entreprises japonaises qui cherchent à exporter rapidement leurs produits vers l’Europe et l’Afrique. De même, le développement des zones industrielles et la modernisation du réseau de transport facilitent la mise en place de chaînes logistiques efficaces», précise le représentant de JETRO au Maroc.

Un autre élément déterminant pour les investisseurs nippons est la main-d’œuvre qualifiée disponible au Maroc: «Le pays dispose d’une population jeune et bien formée, avec un fort potentiel en ingénierie et en techniques de production. Pour les entreprises japonaises, qui accordent une importance capitale à la précision et à la qualité, cet aspect est un critère clé. Les accords de libre-échange conclus par le Maroc, notamment avec l’Union européenne et les États-Unis, constituent, par ailleurs, un levier stratégique pour les industriels japonais, qui y voient une opportunité d’accéder à un marché élargi.»

Un partenariat qui s’inscrit dans une dynamique globale

L’intérêt des industriels nippons pour le Maroc ne date pas d’hier. Le pays s’affirme de plus en plus comme un acteur clé dans les échanges économiques entre le Japon et l’Afrique, et l’industrie automobile en est l’un des moteurs principaux. Hiroshi Nishimoto, de la Trade Promotion Division du ministère japonais de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie (METI), rencontré en marge d’une session de networking organisée lundi par JETRO, rappelle que cette relation s’est intensifiée ces dernières années, notamment à travers des missions économiques régulières: «À la fin de l’année dernière, une délégation du gouvernement japonais et de la Keidanren, la fédération japonaise du business, s’est rendue au Maroc. Cette fois, l’accent a été mis sur le marché automobile, avec la participation de décideurs de plusieurs sièges sociaux d’entreprises japonaises.»

«Comme vous le savez, la demande en produits décarbonés ne cesse de croître, notamment de la part des entreprises européennes qui reçoivent les produits finis. Le Maroc possède un fort potentiel en énergies éolienne et solaire, un atout considérable pour l’industrie automobile», fait-il observer.

Principales entreprises japonaises opérant au Maroc (Source: Trade Promotion Division)

Entreprises japonaises opérant au Maroc
Automobile
Mitsubishi Fuso (OEM camions)
JTEKT (direction assistée)
Mitsuba (moteurs)
Sumitomo Wiring Systems (câblage automobile)
Yazaki (câblage automobile)
Denso (climatisation automobile)
Kasai Kogyo (pièces d'intérieur)
Mitsui Mining & Smelting (serrures de porte)
Autres Secteurs
Mitsui & Co (élevage de volaille)
Aida (machines de pressage)
Disco (machines de précision)
Sumitomo Corporation (manufacture)
Amano (systèmes de gestion du temps)
Nipro (dispositifs médicaux)
Artience (encres d'impression)
Takasago International (extrait de vanille)
Fast Retailing (vêtements)
YKK (produits de fixation)
Nippon Express (logistique)
Ocean Network Express (logistique)
Mitsui & Co (éolien terrestre)
Sojitz (solaire)


L’attractivité du Maroc pour les investisseurs japonais ne repose pas uniquement sur sa compétitivité industrielle. Le cadre institutionnel et réglementaire mis en place ces dernières années a largement contribué à renforcer cette dynamique, note, pour sa part, Hicham Chaoudri, directeur de l’investissement au ministère de l’Investissement, de la Convergence et de l’Évaluation des politiques publiques, qui insiste sur l’importance des relations bilatérales et des initiatives pour les consolider: «Il est essentiel de renforcer cette relation, non seulement entre entreprises, mais aussi entre gouvernements. Nous avons organisé une mission à Tokyo, il y a deux mois, avec l’Agence marocaine de développement des investissements et des exportations (AMDIE) et le ministère, qui a été un véritable succès. Cela a permis de rencontrer plusieurs entreprises japonaises, notamment du secteur automobile, mais aussi d’autres industries.»

Les échanges entre le Maroc et le Japon ont également été structurés par des accords stratégiques visant à faciliter les investissements. Un mémorandum de coopération signé avec le METI japonais vient renforcer cet engagement. «Ce partenariat, couplé aux missions économiques organisées par les deux pays, nous permet de mieux mettre en avant les opportunités qu’offre le Maroc en tant que destination d’investissement dans l’automobile», poursuit le responsable.

Un environnement industriel qui séduit les groupes japonais

Rappelant que le Maroc a misé ces dernières années sur des infrastructures de classe mondiale, Hicham Chaoudri souligne, de son côté, que ces avancées ont été déterminantes pour l’implantation d’investisseurs internationaux: «Nous avons bâti un environnement industriel structuré qui permet aux entreprises de s’installer et d’opérer dans des conditions optimales. Tanger Med, avec une capacité annuelle de près de 10 millions de conteneurs, est aujourd’hui un modèle en matière de connectivité logistique. De nouvelles infrastructures, comme le port Nador West, viendront renforcer cette dynamique.»

Cette montée en puissance ne se limite pas au transport maritime. Le réseau ferroviaire et autoroutier, en constante expansion, ainsi que la connexion aérienne facilitent le transit des marchandises et des équipes industrielles. Dans cette perspective, Maria Ouazzani Chahdi, cheffe du département automobile à l’AMDIE, insiste sur le rôle central des zones d’accélération industrielle: «Ces zones offrent aux entreprises des avantages fiscaux significatifs, un guichet unique pour simplifier les démarches administratives et un accès direct aux plateformes logistiques et aux infrastructures nécessaires pour optimiser la production et l’exportation.»

Outre l’aspect logistique, l’intégration du Maroc dans les chaînes de valeur mondiales attire les industriels nippons, soucieux de rationaliser leurs coûts de production et d’accéder à des marchés diversifiés. «Le Maroc est aujourd’hui le premier exportateur de véhicules vers l’Union européenne hors continent européen. Avec plus de 260 équipementiers et fournisseurs implantés, nous disposons d’un écosystème solide, capable de répondre aux exigences des grands groupes automobiles japonais», ajoute Maria Ouazzani Chahdi.

L’attractivité du Maroc pour les entreprises nippones se renforce à mesure que le pays développe ses infrastructures et améliore son climat des affaires. Kazuhiro Nagareta, General Manager de Sumitomo Corporation à Casablanca, met en avant les nombreux atouts du Royaume, en particulier dans le nord du pays, où se concentre une grande partie de l’activité industrielle automobile: «L’environnement de développement est très favorable, en particulier dans la région de Tanger. Il s’agit d’un vaste port, adossé à des zones industrielles modernes et bien équipées. Ces infrastructures facilitent non seulement la logistique, mais aussi l’optimisation des coûts de production. Aujourd’hui, pour une entreprise japonaise qui souhaite s’implanter en Afrique et renforcer sa présence sur le marché européen, le Maroc constitue une plateforme idéale.»

Des opportunités réelles, une communication à renforcer

Si les industriels japonais reconnaissent les nombreux atouts du Maroc, certains expriment le besoin d’une meilleure accessibilité aux informations sur le cadre réglementaire et les démarches administratives. Omura Mari, chief officer de la division de promotion commerciale du METI, considère que «l’accès aux investissements au Maroc est intéressant et présente de nombreuses opportunités. Le pays a su mettre en place un cadre attractif pour les entreprises étrangères, en simplifiant les procédures administratives et en développant des incitations fiscales compétitives. Cependant, il est toujours essentiel d’améliorer la communication autour de ces dispositifs».

«Les entreprises japonaises ont besoin de données claires et précises sur la réglementation, les incitations fiscales et les interlocuteurs à contacter au sein du gouvernement. Un accès plus structuré à ces informations permettrait d’accélérer le processus d’investissement et d’encourager davantage d’acteurs à franchir le pas. Nous avons déjà observé des efforts dans ce sens, et nous espérons que les initiatives futures continueront à faciliter les démarches pour les entreprises japonaises désireuses de s’implanter au Maroc», poursuit-elle.

Un constat partagé par Takashi Kobayashi, consultant en gestion enregistré auprès du METI, qui met en avant la nécessité d’une communication encore plus fluide avec les autorités marocaines afin de maximiser l’impact des investissements nippons. «J’aimerais mieux comprendre le cadre des investissements au Maroc, car il présente un fort potentiel pour les entreprises japonaises. Il est essentiel que nous disposions d’informations précises sur les opportunités d’investissement, les zones industrielles disponibles et les procédures administratives à suivre. Le Maroc est un marché très prometteur, et nous voyons un intérêt croissant de la part des investisseurs japonais, notamment dans les secteurs stratégiques comme l’automobile et les énergies renouvelables. Nous avons déjà une base solide de coopération, et nous devons capitaliser sur cet élan pour créer encore plus d’opportunités», explique-t-il.

Face à ces attentes, le Maroc redouble d’efforts pour structurer un cadre d’investissement plus accessible. «Le partenariat entre les deux pays devrait continuer à se renforcer dans les années à venir, notamment avec l’essor de l’électromobilité, l’accélération de la transition énergétique et le développement de nouveaux projets d’infrastructures», affirme le directeur général de l’Organisation japonaise du commerce extérieur à Rabat.

Par Hajar Kharroubi
Le 05/02/2025 à 08h39