La tendance est positive. Entre janvier et août 2025, le Maroc a accueilli environ 318.000 touristes américains contre plus de 274.000 sur la même période un an plus tôt. Selon l’Office national marocain du tourisme (ONMT), la progression atteint 16%.
Zoubir Bouhoute, consultant en tourisme, observe la même dynamique à l’échelle des grandes villes. À Marrakech, les arrivées venues des États-Unis ont bondi de 47%, passant de 62.307 à 91.416 visiteurs. Casablanca enregistre, elle, une hausse de 22%, avec 50.284 arrivées contre 41.121 un an plus tôt.
Le Maroc gagne en visibilité sur le marché américain et consolide sa place parmi les destinations premium de la région. La progression s’explique à la fois par l’amélioration des connexions aériennes, les campagnes de promotion menées et la reprise générale du tourisme américain à l’étranger, explique notre interlocuteur.
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L’expert rappelle que l’économie américaine pèse 22,68 billions de dollars avec un PIB par habitant de 85.894 dollars. Le pays compte 170 millions de passeports actifs pour une population de 340 millions d’habitants. Rien qu’en 2024, les Américains ont réalisé 136,7 millions de voyages internationaux, en hausse de 9,7% sur un an, pour une dépense totale de 524 milliards de dollars, selon l’ONMT. «La croissance de ces flux confirme une tendance de fond: le voyage fait partie intégrante du mode de vie américain», commente Zoubir Bouhoute.
La dépense de la clientèle nord-américaine constitue l’un des segments les plus rentables du tourisme mondial. Sa dépense moyenne par séjour reste largement supérieure à celle des marchés européens. Elle privilégie la qualité des services, la sécurité, le confort et la diversité des expériences. Pour le Maroc, attirer ce public signifie non seulement gagner en visibilité, mais aussi renforcer la valeur économique de chaque visiteur.
Des profils variés, une curiosité nouvelle
Le marché américain se caractérise par une segmentation précise. Les Boomers, âgés de plus de 55 ans, représentent une clientèle fidèle, disposant d’un budget élevé et recherchant des séjours culturels et paisibles. La génération X voyage souvent en famille, s’oriente vers les circuits nature et le patrimoine. Les Millennials privilégient les expériences personnalisées, les séjours immersifs et le contact direct avec la population locale. Quant à la génération Z, elle s’appuie sur les réseaux sociaux pour choisir ses destinations, guidée par les images et la notoriété numérique, analyse l’expert en flux touristique.
Le Maroc répond à ces attentes par la diversité de son offre. Les médinas, les musées, les festivals et la gastronomie séduisent les voyageurs culturels. Les montagnes de l’Atlas, les plages d’Essaouira ou le désert d’Agafay attirent les amateurs d’aventure et de nature. Les établissements haut de gamme et les riads de charme répondent, eux, à la demande d’un tourisme exclusif mais authentique.
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Le tourisme représente plus de 7% du produit intérieur brut marocain. C’est l’un des secteurs clés de l’économie nationale, créateur d’emplois et générateur de devises. La diversification des marchés émetteurs permet de renforcer cette base. L’arrivée croissante des touristes américains contribuera à stabiliser les revenus du secteur et à réduire la dépendance vis-à-vis de l’Europe, principal bassin historique du tourisme marocain, fait remarquer Zoubir Bouhoute.
Un positionnement économique à long terme
Le Maroc consolide une stratégie de diversification touristique entamée depuis plusieurs années. L’objectif est d’équilibrer les flux entre les marchés traditionnels européens et les marchés émergents d’Amérique, d’Asie et du Moyen-Orient. Le marché américain s’impose aujourd’hui comme un pilier de cette politique. Il associe volume croissant et rentabilité élevée, deux leviers essentiels pour soutenir la compétitivité du secteur, détaille-t-il.
L’enjeu réside désormais dans la fidélisation. Les professionnels s’accordent à dire que la première visite ouvre la voie à un retour, à condition de maintenir la qualité du service, la sécurité et l’authenticité.
La connectivité aérienne en est décisive, puisqu’elle conditionne directement la croissance des marchés émetteurs. L’ONMT s’est fixé pour objectif d’atteindre 1 million de touristes américains par an à moyen terme. Dans ce sillage, l’ouverture de la ligne directe Atlanta–Marrakech, le 26 octobre dernier vient compléter un dispositif aérien déjà en expansion.
Outre les vols de Royal Air Maroc depuis Casablanca vers New York, Washington et Miami, le Maroc dispose désormais de liaisons nord-américaines directes vers Marrakech, notamment depuis Montréal avec Air Transat et New York avec United Airlines, renforçant ainsi l’accessibilité de la destination pour le voyageur américain.
Un marché organisé, des relais puissants
La structure du marché touristique américain repose sur un réseau dense d’acteurs. On recense environ 5.000 tour-opérateurs, 15 à 20 grands consortiums d’agences et plus de 10.000 points de vente physiques. À cela s’ajoute un vaste réseau de conseillers indépendants.
Pour le Maroc, la présence dans les catalogues de grands réseaux comme Virtuoso, Signature Travel Network ou Travel Leaders est déterminante. Ces structures orientent la demande de millions de clients fortunés vers des destinations validées par leurs standards de qualité.
Les agences en ligne jouent également un rôle central. Les plateformes comme Expedia, TripAdvisor ou Booking diffusent les offres marocaines à grande échelle. C’est pourquoi l’ONMT investit dans la formation des agents, la visibilité numérique et la participation à des salons professionnels. La stratégie consiste ainsi à consolider les relations avec les prescripteurs de voyages. L’objectif est de positionner le Maroc comme destination complète, moderne et sûre.
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Le tourisme d’affaires offre une autre perspective de développement. En 2024, le Maroc a reçu 351 demandes de propositions pour des événements professionnels, représentant 4,9 millions de dollars de revenus confirmés, dont 55% en provenance des États-Unis. Casablanca, Marrakech et Tanger concentrent la majorité de cette activité. Leurs infrastructures hôtelières, leurs salles de congrès et leurs connexions aériennes les placent parmi les destinations attractives pour le marché MICE.
Les organisateurs américains utilisent principalement des plateformes spécialisées comme Cvent, qui centralise les appels d’offres et la gestion des événements. La présence du Maroc sur ces outils numériques va accroître sa visibilité auprès des décideurs, estime Zoubir Bouhoute.
Des atouts solides, des défis persistants
La stabilité politique, la sécurité et l’hospitalité renforcent la position du Maroc. Le pays bénéficie d’une image positive et d’une offre culturelle unique, capable d’attirer un public exigeant. Toutefois, plusieurs défis demeurent. La notoriété reste insuffisante auprès du grand public américain. Les produits touristiques sont encore concentrés sur quelques circuits emblématiques, souvent limités à Marrakech, Fès et le désert.
L’amélioration des infrastructures, la digitalisation des services et la maîtrise linguistique sont des priorités. Les visiteurs américains attendent des standards internationaux en matière de rapidité, de confort et d’efficacité. C’est pourquoi les professionnels du secteur soulignent la nécessité d’un accompagnement constant dans la montée en gamme et la formation.
Malgré ces limites, le moment est propice. Le marché américain connaît un renouveau porté par une génération avide d’expériences réelles et de destinations authentiques. Le télétravail, la mobilité accrue et la tendance des séjours prolongés ouvrent la voie à de nouvelles formes de voyage. Le Maroc se trouve idéalement placé pour capter cette dynamique, conclut Zoubir Bouhoute.








