Encore un drame où une jeune femme vient de mourir après un avortement clandestin. Des femmes qui décèdent dans ces conditions sont nombreuses, mais on n’en parle pas. C’est un drame muet et silencieux. De temps en temps, quelqu’un ose parler et dénoncer ce qui se passe.
Qu’attendent nos députés pour discuter et surtout voter une loi autorisant l’avortement dans certaines conditions? Un projet de loi dort dans un tiroir. Apparemment cela n’intéresse pas nos élus. Pourtant, ils sont là par la volonté du peuple, et le peuple n’en peut plus de ces morts quotidiennes qu’on tait ou qu’on ignore.
La question se pose dans nombre d’États. La religion intervient et bloque le débat. Or, dans notre pays, il s’agit de personnes risquant leur vie en s’adressant à des charlatans ou à des gens sans compétence malgré leur blouse blanche.
Non-assistance à personnes en danger! tel est le chef d’accusation qu’on pourrait adresser à ceux et celles qui font les lois.
Il y a donc la religion, à laquelle il faut ajouter le sentiment de culpabilité, de honte, de faute sévèrement jugée par une société sans pitié. Il y a la morale et puis ce qu’on dit dans les cercles familiaux. Il y a le regard et le jugement.
De quel droit allons-nous porter un jugement moral sur une femme abusée, violée et qui, enceinte, refuse de garder le fruit de son malheur?
Qui sommes-nous pour lui faire des reproches, lui interdire d’avoir une vie normale, acceptée par tous?
C’est là que la justice, la loi, le droit, la liberté doivent intervenir. En ce moment, la Constitution française est en train d’inscrire dans ses textes «la liberté de l’interruption volontaire de la grossesse (IVG)». La liberté et non le droit. Qu’importe, cette loi ne sera plus jamais contestée comme cela se passe dans certains États d’Amérique.
Chez nous, personne, en dehors de quelques militantes de la société civile, ne hausse le ton pour qu’une loi soit votée par notre parlement. Manque de courage et l’islam a bon dos. L’islam que je connais, celui que mes parents m’ont appris est pour la justice, pour la liberté, pour que celui ou celle frappé par un malheur soit secouru.
Le Maroc ne peut pas prétendre accéder à la modernité alors que des femmes meurent quotidiennement à cause d’avortements mal faits. Il vaut mieux regarder les choses en face: réglementer le droit ou continuer de fermer les yeux pendant que des nouveau-nés sont jetés dans des poubelles ou déposés au seuil des hôpitaux.
Nous sommes tous responsables de cette situation dramatique. Quand la famille est riche, cela se passe dans des cliniques privées ou même à l’étranger. Quand on est pauvre, cela se passe dans des trous à rats où la mort attend pour s’emparer de la pauvre femme arrivée en détresse ultime.
C’est honteux. Pourtant, il suffit d’observer la société et d’y déceler les failles qui font que des jeunes femmes perdent la vie de manière stupide parce que le recours à l’interruption d’une mauvaise grossesse ou d’une grossesse non désirée pourrait être réglé simplement, en plein jour, à l’hôpital public.
C’est souvent le résultat d’un viol, lequel est un crime. Or, qui écoute ces femmes qui, bloquées par la honte, se taisent et acceptent de recourir à des moyens dangereux pour se débarrasser d’un fœtus dont elles ne sont pas responsables? Car le violeur n’est pas inquiété. Il a satisfait son abject besoin puis il s’en est allé, sachant que jamais sa victime ne parlera.
Telle est la situation. Aux politiques de décider d’y mettre fin et qu’on arrête de vivre dans le déni et dans l’hypocrisie.