Images contrastées

Famille Ben Jelloun

ChroniqueTel est le Maroc. Complexe, ouvert, stable et qui ne manque pas de projets dans plusieurs domaines. Ce qui fait de lui un bon partenaire avec lequel il faut compter et aller de l’avant.

Le 09/01/2023 à 11h00

Un ami m’a posé une question: «Tu viens de passer plusieurs semaines dans le pays, tu as voyagé du nord au sud, tu as rencontré des gens dont certains font partie des autorités locales, peux-tu me dire comment tu vois le Maroc?»

Le Maroc, mon cher pays, je le vois toujours avec deux sortes de lunettes. Les premières me montrent ce qui ne va pas, ce qui nous énerve tous, les autres me donnent l’impression que je suis dans un autre monde, ailleurs, dans un de ces paradis où tout est possible. Ce fut le cas au moment du Mondial. Ce Maroc-là est magnifique, il est inoubliable. Une telle ferveur, une telle euphorie touchant tous les citoyens sans exception est exceptionnelle.

Peut-être que la vérité se trouve entre les deux visions. Mais ce qui intéresse un écrivain, c’est avant tout les failles, les faiblesses, les dysfonctionnements, les erreurs, les violences de l’homme contre son semblable.

J’ai noté d’abord un fait récurrent: de plus en plus de députés n’assistent pas aux réunions du Parlement. Un journal nous apprend qu’à la séance du 2 janvier, il y avait 145 parlementaires présents sur les 395 élus en 2021.

L’absentéisme est un phénomène qui en dit long sur l’état de la culture politique de ceux et celles que le peuple a désignés pour le représenter. Il s’agit en particulier des élus qui siègent rarement et s’occupent davantage de leurs affaires que du bien public.

A cela, je propose une solution: toute absence non justifiée coûtera à l’élu une somme d’argent assez conséquente pour qu’il réfléchisse à deux fois avant de déserter le Parlement.

C’est une proposition d’un citoyen qui aime son pays et ne tolère pas cette déliquescence qui affaiblit le pouvoir d’une telle assemblée.

La corruption continue de se pratiquer au grand jour. Tant que l’argent liquide n’a pas été réglementé, voire interdit, il y aura toujours des corrupteurs et des corrompus. La morale n’y peut rien. La lutte menée par l’Instance contre ce fléau s’avère difficile. A moins de pratiquer des contrôles systématiques et d’exiger l’origine des fonds trouvés chez les personnes concernées.

Cela nous entraînera à poser aux personnes très fortunées la fameuse question que le leader du parti de l’Istiqlal Allal El Fassi voulait généraliser à son époque: Min aïna laka hada? (d’où vient ce que tu possèdes?). Là, seuls les démunis seraient d’accord. Les autres hurleront à l’atteinte à la vie privée et à la liberté d’entreprendre.

N'empêche, poser de temps en temps à certains cette question amènerait un peu de moralité dans la vie publique.

Il m’est arrivé de voir, surtout l’été, des jeunes gens au volant de Ferrari toutes neuves, sachant que ce genre de voiture coûte la bagatelle de 200.000 à 300.000 euros (entre 2 et 3 millions de dirhams). A moins d’avoir gagné au Loto, on se demande d’où vient tout cet argent.

Le Maroc est en train de devenir un pays émergent. Cela gêne certains Etats, habitués à le voir empêtré dans des difficultés. Le Maroc est, pour l’Union européenne, le premier partenaire commercial en Afrique avec 45 milliards d’euros d’échanges. Cette coopération sera accélérée. Reste la question du Sahara. Là, l’UE dit, par la voix de son haut représentant pour les affaires étrangères, Josep Borrell, s’en tenir «aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies». On aimerait dire aux Européens: «Encore un effort, et il n'y aura plus de différend!»

Tel est le Maroc. Complexe, ouvert, stable et qui ne manque pas de projets dans plusieurs domaines. Ce qui fait de lui un bon partenaire avec lequel il faut compter et aller de l’avant.

Par Tahar Ben Jelloun
Le 09/01/2023 à 11h00