Ces petites histoires qui vous touchent au cœur

Karim Boukhari.

ChroniqueVous imaginez? C’est le genre de détail, ou de rien du tout, qui peut vous faire aimer un homme que ses détracteurs s’amusent à faire passer pour un psychorigide.

Le 28/06/2025 à 18h03

Rares sont les hommes politiques marocains qui se sont essayés à l’autobiographie. Ils devraient, pourtant. Ça les humaniserait et les rendrait attachants.

La règle de base dans une autobiographie, c’est de se raconter, de se confier. Ce n’est pas un essai où l’on s’efforce d’expliquer et de livrer une sorte de jus de crâne, généralement imbuvable. Pas question, non plus, de se justifier pour gagner en légitimité: les meetings et les discours politiques qui suintent l’ennui sont faits pour cela.

Alors non, de grâce. Avec l’autobiographie, il s’agit de se faire petit, humble, de raconter une histoire, en jouant sur l’émotion et sur l’humain, le personnel.

En 2024, Brahim Ouchelh, ancien de l’UNFP-USFP, nous a livré une belle et précieuse confession: Maroc, l’engagement d’une génération, publié aux 3 Colonnes. Derrière cet intitulé peut-être pompeux, il nous livre un témoignage de première main sur la genèse de graves événements qui ont secoué le Maroc, surtout au début des années 1970. Il dit: oui, nous avons comploté contre le régime, voici comment et pourquoi.

Mais il nous raconte aussi comment sa maman lui préparait quelques poulets farcis dans une recette qui mixe les savoirs culinaires de Tafraout et Salé. Ou comment il partageait sa petite chambre de bonne avec le premier banquiste du royaume: Mohamed dit le fqih Basri, un personnage assez incroyable. Au final, c’est peut-être l’anecdote et la petite histoire, sans prétention et a priori sans incidence notable, qui rendent le livre si attachant…

Aujourd’hui, c’est Fathallah Oualalou, issu lui aussi de l’UNFP-USFP (il faudrait d’ailleurs qu’on nous explique pourquoi les anciens de l’UNFP-USFP sont les seuls, ou presque, à se livrer à l’exercice de l’autobiographie) qui y va de sa confession. Ça s’appelle «Zamane maghribi» (littéralement «le temps marocain»), et ça vaut le détour.

Au-delà de la réflexion politique et de l’analyse économique, c’est surtout par la petite histoire que ce livre en deux tomes vous attrape pour ne plus vous lâcher. L’ancien maire de Rabat et ministre des Finances, le parlementaire qui rugissait littéralement par ses diatribes anti-gouvernementales dans les années 1980, se lâche complètement quand il nous raconte ses années de jeunesse et sa passion pour le football, qu’il a pratiqué dans les rues de Diour Jamaâ à Rabat.

Vous imaginez? C’est le genre de détail, ou de rien du tout, qui peut vous faire aimer un homme que ses détracteurs s’amusent à faire passer pour un psychorigide.

Si nos hommes politiques, les vrais, se lâchaient à leur tour, il est clair que leur capital sympathie, voire leur côte d’amour, ne fera que remonter. Lisez au moins les confessions d’Ouchelh et Oualalou (qui développent pour le reste des théories politiques assez divergentes, ce qui rend la lecture plus intéressante encore) et vous comprendrez.

Par Karim Boukhari
Le 28/06/2025 à 18h03