Ici, c’est Hakimi!

Karim Boukhari.

ChroniqueIls aiment Paris d’un amour étrange, qu’on n’affiche pas. Un amour qu’on n’aime pas!

Le 07/06/2025 à 09h05

Mes amis intelligents et chics aiment se rendre à Paris dès que l’occasion se présente. C’est leur deuxième maison ou presque. Ils y vont parce que c’est les soldes, pour une virée romantique avec leurs épouses ou pour rendre visite à leurs enfants à Bariz et région. Il leur arrive aussi d’y aller pour un prétexte plus anecdotique ou sans raison précise.

Et quand on y va sans savoir pourquoi, c’est qu’on aime. Et ça, mes amis ne le disent pas. Ils aiment Paris d’un amour étrange, qu’on n’affiche pas. Un amour qu’on n’aime pas!

Samedi dernier, pour la finale de la Ligue des champions, opposant Paris à l’Inter de Milan, mes amis étaient très partagés avant le match. Ils ne savaient à quel saint se vouer. D’un côté, il y avait ceux qui étaient contre Paris parce qu’ils supportent Marseille. Paris et Marseille, c’est un peu le chat et la souris, à jamais inconciliables.

De l’autre côté, il y avait ceux qui étaient derrière Paris «parce que Hakimi», «parce que Luis Enrique (ancien entraineur du Barça qu’au moins un Marocain sur deux aime comme sa mère)», «parce qu’ils veulent se venger de l’Inter (qui a écarté le Barça au tour précédent)», etc.

«Il faut relativiser, mes amis ne sont pas dupes. D’abord cette équipe de Paris n’est rien sans l’argent du Qatar. Ensuite Paris n’aurait jamais gagné s’il avait affronté le Barça, ou même le Real, en finale. Et puis, l’Inter c’est tellement faible que même le Raja, le Wydad ou n’importe quelle équipe de la Botola aurait pu les battre.»

—  Karim Boukhari

Personne n’aime Paris pour Paris. Ils l’aiment par des voies détournées, parce que «c’est l’ennemi de mon ennemi», c’est un amour transitoire, comme une «houdna» (trêve) entre deux armées vouées à se livrer une guerre sans fin.

Après, il y a eu le match. 5-0. Des buts magnifiques, une équipe en démonstration et, surtout, Hakimi buteur. Donc, explosion de joie. On s’embrasse, on se jette les uns sur les autres, on trinque.

L’un de mes amis a trouvé la parade pour contourner le cri de guerre «Ici c’est Paris!». Il n’arrêtait pas de répéter: «Ici c’est Hakimi !». Quand Hakimi s’est emparé du drapeau marocain, mon ami pleurait de joie, de fierté: «Vive le Maroc, dima Maghrib!».

Après l’euphorie du match, venait le temps des analyses. Tout le monde est d’accord pour dire que la victoire de Paris est méritée. Mais il y a plusieurs «mais». Il faut relativiser, mes amis ne sont pas dupes. D’abord cette équipe de Paris n’est rien sans l’argent du Qatar. Ensuite Paris n’aurait jamais gagné s’il avait affronté le Barça, ou même le Real, en finale. Et puis, l’Inter c’est tellement faible que même le Raja, le Wydad ou n’importe quelle équipe de la Botola aurait pu les battre.

Voilà qui met un frein à cet élan d’amour inattendu, inavouable, voire indésirable.

Et moi dans tout ça? Marseillais de cœur, j’ai parié sur la défaite de Paris. Je n’ai pas arrêté de le répéter à mes amis, malgré Hakimi et malgré tout le reste. Pourtant, j’espérais secrètement la victoire de ce club, de cette ville. Il ne fait aucun doute que je les aime, mais de là à l’afficher…

Bref, ici c’est Hakimi et n’en parlons plus!

Par Karim Boukhari
Le 07/06/2025 à 09h05