Vice-présidence de l’Union africaine: pourquoi le Maroc a toutes les chances de l’emporter

Latifa Akharbach, candidate du Maroc pour la vice-présidence de la Commission de l'UA en charge des finances.

Latifa Akharbach, candidate du Maroc pour la vice-présidence de la Commission de l'UA en charge des finances.

Représenté par Latifa Akharbach, poids lourd de la diplomatie et du monde de la communication, le Maroc est candidat à la vice-présidence de la Commission de l’Union africaine en charge des finances, l’un des postes les plus convoités. Face au Royaume, l’Algérie présente Selma Malika Haddadi, dont le CV diplomatique approximatif ne compense pas le manque manifeste d’expérience managériale.

Le 11/02/2025 à 16h56

Le temps est au renouvellement des instances de l’Union africaine (UA). Les 15 et 16 février, l’organisation continentale tient la 38ème session de son Assemblée, destinée aux chefs d’État et organisée à Addis-Abeba, en Éthiopie. Au centre de ce grand événement figurent les élections de la présidence et la vice-présidence de la Commission de l’UA.

Pour la présidence, trois personnalités africaines sont en lice: le Djiboutien Mahamoud Ali Youssouf, le Kényan Raila Odinga et le Malgache Richard Randriamandrato. Pour la vice-présidence, en charge des finances et des ressources humaines, l’un des postes les plus stratégiques, quatre candidates, toutes issues d’Afrique du Nord, sont en compétition. Il s’agit de la Libyenne Najat M. Elhajjaji, proche du défunt Mouammar Kadhafi, de l’Égyptienne Hanan Morsy, ancien numéro deux de la Commission économique pour l’Afrique de l’ONU et économiste ayant travaillé à la Banque africaine de développement (BAD), ainsi que de l’Algérienne Selma Malika Haddadi et surtout de la Marocaine Latifa Akharbach. Au terme des votes, l’une d’entre elles succédera à la Rwandaise Monique Nsanzabaganwa.

Latifa Akharbach, candidate chevronnée

La candidature du Maroc se veut un moyen de promouvoir la compétence et la maîtrise des dossiers, deux critères incarnés par Latifa Akharbach. Son CV et son expérience parlent pour elle. Figure importante de la diplomatie marocaine, cette ancienne journaliste a notamment occupé le poste de ministre déléguée aux Affaires étrangères et celui de présidente de la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA). Son parcours, jalonné de missions diplomatiques, notamment en tant qu’ambassadrice du Maroc en Tunisie et en Bulgarie, ainsi que ses nombreuses responsabilités, font d’elle une candidate de premier plan. Pragmatique et fine négociatrice, elle sait rassembler, notamment autour de dossiers complexes. Son mandat à la tête de la HACA (depuis 2018) est un succès reconnu, faisant d’elle un profil idéal pour une organisation en quête de gestionnaires expérimentés.

L’Algérie, de son côté, tente d’imposer sa candidate, une personnalité relativement méconnue. En poste depuis août 2024 comme ambassadrice de l’Algérie en Éthiopie, Selma Malika Haddadi a auparavant occupé des rôles diplomatiques de second plan, et ponctuellement au Soudan, au Kenya et aux Nations unies, ainsi qu’au sein de l’Union africaine et de la Commission économique pour l’Afrique (CEA). Cependant, elle ne possède aucune expérience managériale et n’a jamais dirigé de structures administratives, même d’importance mineure. Son manque de qualifications pour un poste qui exige une gestion rigoureuse de dossiers d’envergure pose un sérieux problème. Sa proximité déclarée avec le président algérien Abdelmadjid Tebboune et le ministre des Affaires étrangères Ahmed Attaf ne semble pas suffire à convaincre.

Même le régime algérien paraît hésitant dans son propre choix: après avoir déposé la candidature de Selma Malika Haddadi le 31 juillet 2024, Alger a brièvement présenté un second profil, Salah Francis El Hamdi… avant de retirer sa candidature, un cafouillage qui illustre une nouvelle fois l’improvisation et l’amateurisme dont fait preuve la diplomatie algérienne.

Une intense campagne diplomatique

Malgré ces faiblesses, le régime d’Alger mène une intense campagne pour soutenir sa candidate. Abdelmadjid Tebboune prévoit de se rendre à l’Assemblée de l’Union africaine, tandis que son ministre des Affaires étrangères a fait le déplacement dans plusieurs capitales africaines en quête de soutiens.

L’agence de presse officielle algérienne APS a documenté les pérégrinations du chef de la diplomatie algérienne depuis la première semaine de janvier: le 5 janvier, il a atterri à Bangui, en République centrafricaine, où il a été reçu par le président Faustin-Archange Touadéra. Il s’est ensuite déplacé au Cameroun, où il s’est entretenu avec le secrétaire général de la présidence, Ferdinand Ngoh Ngoh. Puis c’est le président congolais, Denis Sassou-Nguesso, qui a reçu le ministre algérien, le 7 janvier. Ce dernier s’est rendu ensuite Cotonou, le 9 janvier, pour demander le soutien du Bénin à son homologue Olushegun Bakari.

Ahmed Attaf n’est pas le seul ministre à avoir été mis à contribution pour plaider la candidature algérienne. Nombre d’autres ministres, notamment ceux de l’Enseignement et de la Santé, ont temporairement mis de côté leurs responsabilités nationales pour participer à cette campagne africaine. Le dernier émissaire du régime à s’être rendu dans une capitale africaine est Mohamed Meziane, ministre de la Communication, qui a remis à Accra, le 7 février, une lettre d’Abdelmadjid Tebboune au président ghanéen John Dramani Mahama. Aux bruits des réacteurs d’avion et au tapage des médias du régime d’Alger, le Maroc a opposé sa discrétion habituelle, souvent couronnée de succès.

Le CPS, un enjeu stratégique

Par ailleurs, l’Algérie livre une autre bataille contre le Maroc: celle de la représentation au Conseil de paix et sécurité (CPS), instance décisionnaire de l’UA où la présence est un enjeu stratégique. Dans ce conseil constitué de 15 États membres bénéficiant de droits de vote égaux, le Maroc vise sa propre réélection pour un nouveau mandat de trois ans, alors qu’Alger ambitionne de reprendre pied dans cette instance qu’il avait longtemps dominée, entre 2003 et 2021.

Le verdict est attendu demain, mercredi 12 février, lors de la tenue du Conseil exécutif de l’UA, composé des ministres des Affaires étrangères. Et selon une source bien informée, les chances du Maroc restent intactes, tandis que l’Algérie espère redorer un blason bien terni.

Par Tarik Qattab
Le 11/02/2025 à 16h56