Vers une annulation des législatives de 2026?

Rachid Achachi.

ChroniqueDans le contexte actuel, il serait intéressant d’étudier la possibilité d’annuler les prochaines élections législatives. Et d’opter pour un gouvernement de transition nommé par le Roi, où les ministres ne seront pas désignés sur la base de leurs affiliations partisanes, mais sur la base de leurs compétences, leurs expertises et leur patriotisme.

Le 15/05/2025 à 11h00

L’annulation décidée par le Roi en février dernier du rite sacrificiel de Aïd Al-Adha, a été perçue comme salutaire par tous les citoyens doués de bon sens et animés par l’intérêt national.

En effet, après six années consécutives de sécheresse et une gabegie sans nom du gouvernement d’Akhannouch dans la gestion des subventions accordées aux importateurs de bovins et d’ovins, le Roi s’est érigé en rempart contre la prédation sans foi ni loi de ceux qu’on appelle depuis les «Fraqchiya» et de leurs protecteurs politiques, à savoir le «clan Akhannouch».

Désormais, c’est d’une autre urgence qu’il s’agit. D’une sécheresse d’un autre type. D’une sécheresse politique et économique qui dure depuis presque cinq ans. Cinq années de trop. Et son origine n’est nullement climatique, mais népotique et au clanique.

Hausse majeure des prix, du chômage, de la pauvreté, de la dette et surtout de la colère d’une partie importante du peuple qui n’arrive plus à joindre les deux bouts.

Au même moment, des appels d’offres ont été raflés de manière fortement douteuse, des fortunes ont gonflé de manière exponentielle et des subventions ont été dilapidées à coups de milliards de dirhams, et ce, toujours au profit du même clan qui, aujourd’hui, ose lancer une campagne électorale qui ne dit pas son nom en nous parlant de «réalisations majeures» et de «bilan positif».

Dans ce contexte, seuls les chantiers royaux et les initiatives privées de citoyennes et citoyens honnêtes continuent de jouer leur rôle de locomotive de l’économie marocaine, malgré le marasme économique actuel. Mais jusqu’à quand?

Car le Maroc, malgré le défaitisme de certains, regorge de potentiel et de talents que les puissances étrangères s’arrachent volontiers, et que le népotisme de certains clans pousse à un exil subi ou une dépression profonde. Doit-on systématiquement quitter notre pays pour briller ou réussir?

Avant d’y répondre, en commençant par trouver un début de solution, deux constats amers doivent impérativement être faits.

«Il arrive parfois dans l’Histoire que, pour pouvoir mieux servir une cause, il faille passer par des phases de correction drastique. »

Premièrement, les défis auxquels le Maroc sera confronté dans les années à venir ne laissent aucune marge d’erreur à notre pays. Car il en va de son développement économique, de sa crédibilité à l’international et, plus important que cela, de sa stabilité.

Deuxièmement, il nous faut admettre que la classe politique marocaine n’a malheureusement pas été à la hauteur de la transition démocratique enclenchée dès le début du règne du roi Mohammed VI et accélérée depuis 2011. Au lieu d’y voir une possibilité historique de faire preuve de responsabilité et de profiter de prérogatives plus larges pour mieux servir le pays et son peuple, une partie non négligeable de cette classe a préféré y voir la possibilité de renforcer ses clans, sa fortune et ses intérêts étroits, au détriment du potentiel de pays, de notre peuple et de notre jeunesse. Quant au débat politique et idéologique, celui des idées, il a été graduellement ramené au niveau des polémiques, des attaques ad hominem et des règlements de comptes inter-claniques.

Faut-il pour autant faire le deuil de cette dynamique de démocratisation? Évidemment que non. Car elle est avant tout l’expression d’une volonté ferme, autant du peuple que du Roi.

Mais il arrive parfois dans l’Histoire que, pour pouvoir mieux servir une cause, il faille passer par des phases de correction drastique. Et comme disent les juristes, à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles.

Dans ce contexte, il ne me paraît pas inintéressant d’entrevoir la possibilité d’annuler, ou du moins reporter de 5 ans, les élections législatives à venir. À la place, il s’agira de nommer, directement par le Roi, un gouvernement de transition où les ministres ne seront pas désignés sur la base de leurs affiliations politiques ou partisanes, mais sur la base de leurs compétences, leurs expertises et leur patriotisme. Car l’urgence aujourd’hui n’est pas de s’inscrire dans le formalisme démocratique en s’attachant à la lettre de la Constitution, tout en en trahissant l’esprit, mais de semer les germes et établir une base politique et institutionnelle saine et solide. L’objectif ultime et de pouvoir poursuivre notre élan sans sacrifier notre potentiel de développement sur l’autel d’un formalisme démocratique et partisan, dont les méfaits, vu l’état actuel de notre classe politique, n’est plus à démontrer.

Cela ne revient pas non plus à trahir la Constitution de 2011. Bien au contraire, il s’agit de mieux la servir. Cela peut passer par le vote d’une loi exceptionnelle portant sur une situation d’urgence économique -à l’instar la loi d’urgence votée durant la pandémie de 2020-, autorisant le Roi à suspendre les élections et à nommer directement les ministres durant une période limitée dans le temps. Ou encore par la voie d’un référendum, afin d’impliquer le peuple qui est, rappelons-le, le premier à subir les méfaits de cette politique politicienne et partisane.

Quoi qu’il en soit, cela demeure une simple proposition qui, faute de mieux, se doit d’être entrevue, discutée et débattue, dans l’intérêt de notre pays et de notre peuple.

Par Rachid Achachi
Le 15/05/2025 à 11h00