Trois faits fondamentaux pour une compréhension rigoureuse de la question du Sahara marocain

Abderrahman Boukhaffa.

Le chercheur et auteur marocain Abderrahman Boukhaffa.

TribuneAlors que l’Algérie présente des arguments surannés sur la décolonisation et l’autodétermination, une analyse plus approfondie révèle la complexité historique et juridique de la question. Cette tribune de Abderrahman Boukhaffa, chercheur et auteur marocain résidant à Ottawa, au Canada, propose une mise en perspective des faits, afin de mieux comprendre les véritables contours du dossier sahraoui.

Le 29/04/2025 à 19h06

La question du Sahara marocain s’inscrit dans un différend régional complexe, opposant principalement le Maroc et l’Algérie. Cette dernière persiste à promouvoir des récits tronqués dans les forums internationaux, reposant sur trois arguments récurrents:

- La question du Sahara serait purement un cas de décolonisation, inscrit à l’ONU.

- La Cour internationale de justice (CIJ) aurait nié tout lien de souveraineté entre le Maroc et le Sahara.

- Le Maroc refuserait un référendum d’autodétermination pour empêcher le peuple sahraoui de s’exprimer.

Ces affirmations, souvent reprises sans examen critique, appellent une réponse documentée, afin d’éclairer l’opinion publique sur la réalité historique, juridique et politique du dossier.

1. Le Maroc, acteur précoce de la décolonisation du Sahara

Contrairement à une idée répandue, le Maroc n’a pas attendu l’émergence du Front Polisario en 1973 pour revendiquer ses droits sur le Sahara. Dès son indépendance en 1956, le Royaume affirmait que la récupération du Sahara, ainsi que celle de Ceuta, Melilla et des îles Jaâfarines, constituaient un objectif national majeur.

C’est d’ailleurs à l’initiative du Maroc que l’Espagne accepte, en 1963, d’inscrire le Sahara sur la liste des territoires à décoloniser auprès de la Quatrième Commission de l’ONU. Cette initiative, antérieure de dix ans à la création du Polisario, réfute toute lecture prétendant que le Maroc n’aurait agi qu’en réaction à l’émergence d’une contestation séparatiste.

2. L’avis de la Cour internationale de justice: une reconnaissance des liens historiques

Saisie par le Maroc en 1975, la CIJ constate l’existence de liens juridiques et d’allégeance entre le Sultan du Maroc et les tribus du Sahara. Si la Cour estime que ces liens n’équivalent pas à une «souveraineté» au sens du droit moderne européen, elle reconnaît explicitement qu’ils existaient et avaient un fondement juridique.

Cependant, l’analyse de la CIJ repose sur une conception étatique héritée du modèle ouest-européen, caractérisé par la centralisation institutionnelle. Appliquer ce modèle à une région historiquement organisée autour de réseaux d’allégeances tribales revient à méconnaître la réalité politique de l’Afrique du Nord au 19ème siècle.

En ce sens, le refus de la CIJ d’établir une souveraineté pleine et entière doit être compris comme le produit d’une grille de lecture inadaptée, et non comme une négation de l’autorité historique du Maroc sur le Sahara.

3. L’impasse du référendum: une difficulté structurelle, et non pas une mauvaise volonté

Dans les années 1990, le Maroc accepte le principe d’un référendum d’autodétermination dans le cadre du Plan de règlement de l’ONU. Toutefois, très rapidement, des obstacles insurmontables surgissent, principalement liés à l’identification du corps électoral.

La question de la qualité de Sahraoui s’est avérée extrêmement litigieuse: devait-on inclure les descendants de tribus sahraouies établis depuis plusieurs générations dans d’autres régions du Maroc? Comment authentifier les chiffres fournis par le Polisario et l’Algérie concernant les populations des camps de Tindouf, chiffres régulièrement contestés pour leur opacité et leur instrumentalisation politique?

Face à ces incertitudes, l’ONU elle-même a reconnu l’impossibilité pratique d’organiser un référendum crédible. Malgré cela, l’Algérie persiste à présenter cet échec comme un refus marocain d’honorer le droit à l’autodétermination, alors que les bases mêmes de ce processus étaient gravement compromises.

En conclusion, la position du Maroc dans le différend autour du Sahara repose sur des réalités historiques avérées, des traditions juridiques locales reconnues et une démarche politique continue depuis l’indépendance. En face, les arguments de l’Algérie et du Polisario se fondent sur des lectures partielles du droit international, ignorant le contexte historique et les dynamiques régionales.

Il est crucial, pour tout observateur soucieux d’objectivité, de dépasser les slogans simplificateurs et de replacer la question du Sahara marocain dans toute sa profondeur historique, juridique et politique.

Par Abderrahman Boukhaffa
Le 29/04/2025 à 19h06