De quoi le Polisario est-il le nom?

Florence Kuntz.

Florence Kuntz.

ChroniqueEn énonçant dans un avis du 21 mars 2024, sur les affaires jointes Commission et Conseil/Front Polisario, que le peuple du Sahara occidental ne compte aucun représentant susceptible d’exprimer un consentement en son nom, l’avocat général auprès de la CJUE s’inscrit dans la lignée des positions des institutions européennes, rappelant en creux ce que, aux yeux de l’UE, le Polisario n’est pas.

Le 30/03/2024 à 11h00

«Je propose de considérer que le peuple du Sahara occidental ne peut pas manifester son consentement, dans la mesure où ce “peuple” n’a pas encore exercé son droit à l’autodétermination, ce qui signifie également que le peuple du Sahara occidental ne dispose pas de représentant susceptible d’exprimer un consentement en son nom. J’en conclus que, dans le cas des territoires non autonomes, le consentement est donné par la puissance administrante de ce territoire. En l’espèce, j’estime que rien ne fait obstacle, en droit international, à l’interprétation proposée par les institutions de l’Union, selon laquelle le Royaume du Maroc doit être considéré, en droit de l’Union, comme la puissance administrante (“de facto”) du territoire du Sahara occidental.»

Les conclusions de l’avocat général Ćapeta sont, sur ces points, doublement conformes aux points de vue des institutions européennes. D’une part, le Polisario n’est pas le représentant officiel du peuple du Sahara occidental. Même si le Front Polisario participe aux négociations politiques sur la résolution de la question du Sahara occidental, «ce rôle n’est pas le même que celui d’un représentant élu ou reconnu du peuple sahraoui exprimant les aspirations collectives de celui-ci». C’est assurément la position du Conseil et de la Commission, et une décision tant de l’Union européenne (UE) que de ses États membres, que de ne pas reconnaître de statut au Polisario. D’autre part, s’agissant d’un territoire non autonome, le consentement doit être donné par la «puissance administrante»– ce qui revient ici à considérer que le cocontractant de l’UE sur les accords commerciaux doit bien être le Royaume du Maroc et seulement le Royaume du Maroc.

Vu d’Europe, une fois considéré ce que n’est pas le Polisario, comment qualifier ce qu’il est? Assurément un escroc, ayant initié un vaste système de fraude au budget de l’UE au grand dam de sa victime, la Commission européenne, qui mit longtemps à se l’avouer… Une saga de décennies de détournement des aides humanitaires destinées aux réfugiés des camps de Tindouf, ponctuée d’une enquête de l’OLAF (agence anti-fraude de l’UE) démarrée en 2003 et mettant à jour le détail des malversations: surestimation du nombre de réfugiés, et donc des aides reçues, tri de ces aides dès leur arrivée au port d’Oran pour séparer «ce qui doit être distribué de ce qui peut être détourné», aliments soustraits aux réfugiés, remplacés par des équivalents de moindre qualité, pour être vendus sur des marchés parallèles… Ces conclusions édifiantes, connues de l’exécutif bruxellois dès 2007, mais étouffées pendant plus de sept années, durant lesquelles la Commission n’a pas jugé nécessaire de revoir ses aides, mais à peine, et avec peine («ni l’Algérie ni le Front Polisario n’ont accepté qu’un recensement des populations des camps soit organisé», selon l’OLAF) elle a obtenu une révision à la baisse du nombre d’allocataires (de presque 50%!), pour un rapport finalement rendu public au forceps de l’Ombudsman bruxellois. Avec quelles sanctions?

Il a fallu encore attendre 2016 pour obtenir de l’Algérie que les achats faits sur le territoire algérien et destinés à être distribués sous forme de dons aux réfugiés sahraouis soient enfin exonérés de la TVA locale. Entre 2010 et 2014, la Commission a évalué cette TVA à 1 million d’euros, soit une moyenne de 200.000 euros par an, équivalent à 2% du montant annuel de l’aide fournie par l’UE. Et depuis? Les initiatives de quelques eurodéputés durant la mandature qui s’achève (2019-2024) furent autant de bouteilles jetées en Méditerranée: proposition de rapport enterrée, question orale à un commissaire venu défendre les budgets «ECHO» restée sans écho, une paire de questions écrites venues du groupe central du PE, via des députés bulgares ou belges, l’inventaire d’un hémicycle hélas hémiplégique, la gauche européenne préférant sans doute évoquer le sujet dans le huis clos de «son intergroupe Sahara occidental».

Et pourtant! La question qui demeure, «où va l’argent?», ne représente plus seulement l’enjeu du financement des villas de caciques du Polisario par le contribuable européen, mais rien de moins que la sécurité de l’Europe, tant la situation au Sahara et au Sahel s’est fortement dégradée au fil des dernières années que les experts en géopolitique n’hésitent plus à projeter en Afrique le «prochain Califat» et qu’on peut s’interroger sur les liens entre le Front Polisario et les groupes terroristes qui progressent dans la région. Ces connections ne sont pas nouvelles: les fondateurs de l’État islamique dans le Grand Sahara étaient d’abord des combattants du Polisario. Elles sont aujourd’hui rappelées à la Commission par un eurodéputé inquiet, ancien ministre français de l’Intérieur, mentionnant «certaines informations qui indiquent une possible connivence entre les zones de non-droit sous contrôle du Polisario et les groupes terroristes, dans la mesure où le Polisario fournit des armes et un soutien logistique, y compris du carburant, aux groupes terroristes». Un Polisario dont les attaques contre les civils à l’automne 2023 dans la ville de Smara pourraient être qualifiées de terroristes? Dommage, le haut représentant Borrell quittera Bruxelles sans avoir pris le temps de répondre à cette autre question, d’un autre élu européen, posée au lendemain des tirs revendiqués par le Polisario…

Alors que l’UE est confrontée à un contexte géopolitique de guerres et de menaces terroristes exacerbées, que ses membres réclament de vouloir mieux maîtriser l’aide humanitaire et de renforcer les mécanismes de contrôle des fonds qu’ils allouent, il est temps qu’on s’assure que ces garanties supplémentaires couvriront tout le bassin méditerranéen.

Par Florence Kuntz
Le 30/03/2024 à 11h00

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(Cont’d) By working alongside partners who prioritize peace and the social and economic development of local populations, the EU can effectively prevent terrorism, drug trafficking and the influx of illegal immigrants into its own territories. This approach aligns perfectly with logical reasoning and common sense. However, considering the handling of the Ukraine conflict, it is understandable that optimism may be tempered. It appears that common sense is not as widespread as we would hope it to be.

I couldn't agree with you more. It is of utmost importance to acknowledge the undeniable truth that the Sahel region is confronted with a multitude of security challenges, including terrorism, transnational criminal networks, and regional instability. In such intricate environments, armed groups, particularly terrorist organizations, exploit local dynamics, porous borders, and illicit networks to carry out their activities. To effectively address these challenges, it is in the EU's best interest to engage in collaboration with partners who are reliable, dependable, and committed. It is crucial to look beyond short-term plans and strategies. (TBC)

Merci pour cette analyse bien documentée. Tous les états qui sous couvert d'aides humanitaires financent le Polisario le font moins par souci humanitaire que pour continuer à maintenir ce conflit pour faire pression et tirer avantage du Maroc. Tout le monde sait que le Polisario torture et détourne de l'aide. Tout le monde sait qu'il gonfle le nombre des "refugiés". Tout le monde sait qu'il maintient une chape de plomb sur son cheptel de refugiés que l'ONU demande à recenser en vain via les résolutions du conseil de sécurité qui ont pourtant force de loi en droit international. Et pourtant, on continue à faire semblant de discuter avec une Algérie et son Proxy Polisario qui n'ont aucune intention de clore ce conflit absurde débuté il y a.... 47 ans .

S'il y'a une république elle est sur l'intégrité territoriale de la république démocratique de kabylie libre et indépendante c'est ca la réalité historique qiecle régime Harki vaurien essaie de masquer pour brouiller la cause kabylie c'est la raison pour laquelle il a inventé le problème du Sahara marocain mais les sous hommes femmes jalouses du continent africain ils ont sous estimé la puissance du maroc l'équation très élevé pour les Charlots ramassés caporaux du régime Harki cocaïne

Perso,et ça n'engage que ma personne...,je pense réellement que cette invention du polizbel a pour but,non seulement d'avoir accès à cet océan atlantique tant fantasmé à la mouroudia manquant de loubia pour le peuple algérien.., mais surtout, aussi ,pour que le Royaume Chérifien millénaire ne réclame pas Son Sahara Oriental Lui revenant de plein droit en fait.. Donc,ce subterfuge périmé ne résistera certainement pas à l'usure du temps. Vive le Royaume du Maroc et vive le Roi ! Dima 🇲🇦

Mais pourquoi vous parliez de "peuple sahraoui"?!!! Si on doit admettre qu'un peuple sahraoui existe il doit comprendre les population de tout le sahara, de l'atlantique à la mer rouge et non se limiter au citoyens marocains du sud du Maroc.

plus hypocrites que les occidentaux, on trouve personne. ils se plaisent dans cette situation de ni guerre ni paix que les incompétents d'alger leur offre sur un plateau. ce conflit permet à l'ue de profiter d'une zone, pourtant voisine et géographiquement conséquente , divisée donc faible. L'ue continue à chercher à dominer dans un monde ou un tel logiciel est désuet voir même obsolète.

Vous avez parfaitement raison. Et ce faisant, le pouvoir algérien depuis 1975 en entretenant le Polisario contre le Maroc est le meilleur agent du néo-colonialisme au Maghreb au plus grand profit des occidentaux et en particulier de l'Espagne qui a là une opportunité en or pour continuer à occuper Sebta et Mellila et les autres ilots au Nord du Maroc.. Du reste durant la crise de l'ile Leïla, Alger a carrément soutenu l'Espagne contre le Maroc via une déclaration de son MAE Belkhadem. Une honte absolue quand on sait que le Maroc soutenait l'Algérie colonisée et ce dès 1830 en aidant l'Emir Abd El Kader et durant la guerre d'Algérie ayant pris fin en 1962.

Merci,à vous, pour cet édifiant éclaircissement prenant partie de la vérité de manière tranchée et intelligible..

Merci beaucoup Madame ! Tout ce que vous dites est vrai ! Mais il y a un autre côté du problème qui est complètement ignoré pour ne pas dire contourné par les Représentants de l'UE c'est le qualificatif de "réfugiés" des populations sequestrées à Tindouf !!!? ... Quand les Parlementaires Européens et les Hauts Responsables de L'UE vont Décider D'EXIGER un Recensement Indépendant et Crédible de ces Populations pour connaître leur Nombre et leurs Origines ??? ... Une Enquête devrait également se faire sur les Enfants Soldats du Polisario ! MERCI

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