Quoi de neuf? Les déchets de la mode

Florence Kuntz.

ChroniqueDans le cadre d’une révision de la «Directive Déchets», le Parlement européen tente d’accélérer et de durcir une proposition de la Commission, imposant aux États membres de nouvelles obligations de collecte et de recyclage des textiles, et aux opérateurs économiques européens de financer cette filière par une taxe, un «tsunami réglementaire» jusqu’aux côtes marocaines.

Le 17/02/2024 à 10h04

Les pays européens produisent, par personne et par an, 12 kilos de déchets textiles dont seuls 22% sont collectés séparément en vue de leur réemploi ou recyclage. D’ici le 1er janvier 2025, les 27 devront assurer la collecte séparée des textiles destinés au réemploi, et la préparation en vue du réemploi et le recyclage. Ces obligations seront financées via une éco-contribution, due par l’ensemble des acteurs économiques fabriquant, distribuant ou important, sur le marché européen, une liste à la Prévert –vêtements et accessoires, couvertures, linge de lit, rideaux, chapeaux, chaussures, matelas et tapis, y compris les produits contenant des matières textiles telles que le cuir, le cuir reconstitué, le caoutchouc ou le plastique. Cette taxe dont le montant variera selon le poids et la quantité de produits, y compris les invendus, pourra être pondérée selon des critères environnementaux liés à l’éco-conception des produits, fixés par les fonctionnaires de la Commission après l’entrée en vigueur du texte!

Pollueur-payeur! C’est d’abord un message adressé aux géants de la fast fashion, et l’opprobre facile eu égard aux coûts environnementaux et sociaux d’un denim de Dacca ou du Myanmar. Mais dans un contexte européen toujours marqué par l’inflation, la baisse des dépenses d’habillement et la crise des marques de moyenne gamme, quels seront les impacts de ce «paquet» de contraintes nouvelles sur l’ensemble de la filière, et la réaction des donneurs d’ordre européens vers les textiliens du Maghreb et d’Asie?

Les pays européens produisent, par personne et par an, 12 kilos de déchets textiles, mais sur les 22% échappant aux décharges et aux incinérateurs, à peine la moitié sont recyclés, dont seulement 32% dans l’UE, et 20% en dehors.

Si l’on considère les objectifs de collecte à venir, les enjeux économiques se portent tout autant en aval, sur les étapes du tri et du recyclage – et d’abord au sein de l’Union européenne. Les financements de R&D sur les processus de tri automatisés, détectant par infrarouge la composition des tissus, et de recyclage selon la hiérarchie des déchets de la réglementation européenne, notamment d’intensifier le recyclage fibre par fibre, vont donner lieu à une compétition entre États membres pour proposer des centres de tri mécanisés, là où les opérations de manutention avaient concentré l’activité dans les mains de quelques États membres à bas salaire, Pologne en tête, et des centres de recyclage à haute performance et rentabilité. EURATEX annonce vouloir établir 5 centres de recyclage en Europe, à proximité des zones de textile et d’habillement, et ainsi fabriquer des matières premières en collectant, en triant, en traitant et en recyclant les déchets de la mode, de post-production et de post-consommation.

Proximité! maître mot d’une réforme où l’on affiche d’abord des objectifs environnementaux. Dans ce circuit-court du textile, le Maroc a toute sa place. Si le potentiel du Royaume en fait de recyclage textile a bien été reconnu par l’ONUDI dès 2021 et que des opérateurs d’Europe du Sud actent déjà des projets d’envergure qui vont booster cette industrie du recyclage naissante, et créer de l’emploi à Tanger ou à Salé, le Maroc doit, via le sourcing comme par le recycling, être au cœur du modèle de mode circulaire qu’est en train de dessiner l’Europe.

Par Florence Kuntz
Le 17/02/2024 à 10h04