Le 6 novembre 2025, en célébrant le cinquantième anniversaire de la Marche Verte, le Maroc corrige certes une partie des amputations territoriales dont il fut la victime à l’époque coloniale, mais, plus encore, il renoue avec son Histoire inscrite à la fois dans une longue durée de douze siècles, et dans les immensités géographiques de l’espace saharo-méditerranéen. Une réalité définie en une phrase par Sa Majesté Hassan II: «Le Maroc ressemble à un arbre dont les racines nourricières plongent profondément dans la terre d’Afrique, et qui respire grâce à son feuillage bruissant aux vents de l’Europe (...)».
Historiquement, la dynastie des Almoravides qui, au 11ème siècle, créa le Grand Maroc, cet «Empire des deux rives» s’étendant du fleuve Sénégal jusqu’au centre de l’Espagne, était originaire du Sahara marocain. Abou Youssef Yakoub ibn Abdelkader al Merini (1258-1286), fondateur de la dynastie mérinide qui régna sur le Maroc jusqu’en 1369, était natif de Sijilmassa dans le nord du Sahara dit occidental.
Aux 16ème-17ème siècles, sous les Saadiens (1554-1650) qui étaient originaires de la Saquia el Hamra et du Draâ, le Maroc domina tout l’ouest saharien, boucle du Niger incluse.
Enfin, les Alaouites qui règnent sur le Maroc depuis le 17ème siècle sont originaires du Tafilalet. Moulay Ismaïl (1672-1727) dont la mère était elle-même sahraouie, fit plusieurs visites dans la région et il confirma les limites du Maroc loin vers le sud.
Sous les Alaouites, la marocanité du Sahara occidental fut constamment réaffirmée et nombreux sont les exemples qui en font foi. Ainsi:
-Moulay al Rachid qui régna de 1664 à 1672, fit militairement occuper le littoral de l’actuel Sahara dit occidental avec des garnisons installées jusqu’au Cap Blanc.
-Le sultan Moulay Ismaïl nomma des gouverneurs à Teghaza et l’émir du Trarza lui rendit hommage. À la fin du 18ème siècle, l’investiture de cet émir revenait au sultan marocain.
-Mohamed ben Abdallah (1757-1790) renforça la présence marocaine sur toute la région en y nommant des gouverneurs jusqu’au fleuve Sénégal.
-Le sultan Moulay Abderahmane (1822-1859) reçut à Marrakech la Beia des Rguibat Ahl Maaelaïnine, Oulad Delim, Oulad Tidrarine, Ouled Bou Sbaa, Ait Oussa, Izerguiyen, etc. À l’époque, le Cadi (juge) Bachir Al Berbouchi Rguibi exerçait son autorité au nom du sultan marocain.
«Une autre preuve de la marocanité du Sahara occidental est donnée par les activités liées au commerce. Avant les partages coloniaux, la souveraineté marocaine se manifestait par la circulation d’une monnaie unique depuis Tanger jusqu’à la vallée du fleuve Sénégal, par un même système de poids et de mesures.»
— Bernard Lugan
-En 1877, le sultan Moulay Hassan 1 er (1873-1894) ordonna au caïd Brahim Ben Ali Tekni de l’informer de tout mouvement éventuel espagnol sur le littoral. En 1886 le sultan écrivit à son représentant une lettre dans laquelle il qualifiait les habitants d’Oued ad Dahab de «fidèles sujets». Moulay Hassan 1er finança et arma la résistance dans le Sahara contre les Espagnols, une résistance qui se fit en son nom à travers les khotbas (prêches dans les mosquées).
-En 1901 le sultan Moulay Abdelaziz (1894-1908) chargea les caïds Ben Blal Boussaidi et Brahim Chtouki de surveiller le littoral depuis Tarfaya jusqu’au cap Bojdor afin de l’aviser en cas de tentative de prise de possession par des Européens. Il ordonna la construction de la ville de Smara.
-En 1912, quand El Hiba rassembla les combattants qui marchèrent sur Marrakech après que le sultan Moulay Hafid (1908-1912) eut signé le Traité de Fès qui faisait du Maroc un Protectorat, ce fut notamment la Saquia al Hamra qui lui fournit les volontaires, lesquels se sentaient donc sujets marocains faisant partie intégrante du Royaume.
Durant le Protectorat, alors que la région était sous colonisation espagnole, les chefs des tribus continuèrent à faire allégeance aux sultans Moulay Youssef (1912-1927) et Mohamed V (1927-1961), à travers la Beia. Depuis le nord de la Mauritanie actuelle et tout le Sahara occidental espagnol, les chefs des tribus venaient ainsi jusqu’à Marrakech pour y prêter allégeance.
En 1957, le roi Mohamed V nomma un directeur des Affaires du Sahara, et le 25 février 1958, il fit la déclaration solennelle suivante: «Nous proclamons solennellement que nous poursuivrons notre action pour le retour de notre Sahara dans le cadre du respect de nos droits historiques et conformément à la volonté de ses populations».
Une autre preuve de la marocanité du Sahara occidental est donnée par les activités liées au commerce. Avant les partages coloniaux, la souveraineté marocaine se manifestait par la circulation d’une monnaie unique depuis Tanger jusqu’à la vallée du fleuve Sénégal, par un même système de poids et de mesures.
Économiquement, le Sahara occidental était totalement tourné vers le Nord, vers le Maroc septentrional avec lequel il constituait un même monde économique jalonné par les marchés de Guelmin et de Tindouf au Nord et ceux de la vallée du fleuve Sénégal et de la région de Tombouctou au Sud. De Fès jusqu’à l’Oued ad Dahab, et au-delà, les marchandises circulaient sans entraves douanières car il s’agissait d’échanges internes pratiqués dans les limites d’un seul et même État.
Avant la période coloniale, le Maroc était donc le cœur économique et commercial de tout le Sahara occidental. Il était également le point d’écoulement des marchandises en provenance du Bilad-al-Sudan qui étaient échangées contre ses productions artisanales et agricoles. Sijilmassa qui était en relation directe avec tout le monde ouest africain était la métropole économique de tout l’Ouest saharien, et son influence était relayée par les marchés de Guelmim et de Tindouf.
Plus généralement, le Maroc était le moteur commercial de tout l’ouest saharien. Le Royaume étendait alors son rayonnement au-delà du Tagant et il contrôlait les pistes du Sahara occidental ainsi que ses principaux centres urbains et caravaniers. L’axe longitudinal qui partait d’une ligne Agadir-Sijilmassa-Touat et qui, à travers le Sahara occidental aboutissait dans les vallées des fleuves Sénégal et Niger, était sous contrôle marocain. Pour rappel, jusqu’en 1660, à Tombouctou, la prière fut dite au nom du sultan du Maroc.





