Le Danemark préside l’UE et veut durcir les règles migratoires sur le vieux continent

La première ministre danoise, Mette Frederiksen, au centre, entourée de membres de son gouvernement. (Photo: AFP)

Le Danemark, héraut d’une stricte politique migratoire ayant essaimé en Europe, entend utiliser sa présidence de l’Union européenne à compter du 1er juillet pour pousser ses pions et durcir encore le traitement des demandeurs d’asile et les recours en justice.

Le 26/06/2025 à 07h29

La politique migratoire «est liée à la sécurité (...) nous devons avoir une Europe plus sûre, stable et robuste, et cela n’est pas vraiment le cas si nous ne contrôlons pas les flux vers l’Europe», a dit la ministre danoise des Affaires européennes Marie Bjerre, lors de la présentation des priorités de la future présidence.

La première ministre, Mette Frederiksen, a annoncé la couleur lors d’un récent déplacement à Berlin et entend s’activer sur deux fronts: l’externalisation des demandes d’asile et la restriction de la portée des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

«Nous avons besoin de nouvelles solutions pour réduire l’afflux en Europe et pour renvoyer efficacement ceux qui n’ont pas le droit de rester dans nos pays», a-t-elle dit face au chancelier Friedrich Merz qui vantait le «modèle» danois.

Le Danemark, où la part de personnes d’origine étrangère est passée de 3,3% à 16,3% entre 1985 et 2025, justifie sa volonté de limiter l’accueil des migrants par le maintien d’un État providence généreux.

En parallèle, son besoin de main-d’œuvre étrangère a bondi, le nombre de permis de travail accordés doublant en moins de dix ans, mais ceux-ci peuvent être rapidement révoqués.

«Situation schizophrénique»

Au Danemark, les réfugiés obtiennent un permis de séjour d’un an renouvelable et sont encouragés à prendre le chemin du retour dès que les autorités estiment que le besoin de protection a disparu.

«Les réfugiés sont censés s’intégrer tout en étant prêts à partir à tout moment (...) une situation d’un genre plutôt contradictoire ou schizophrène», relève auprès de l’AFP la chercheuse Marie Sandberg, directrice du Centre sur les Recherches migratoires (AMIS) de l’Université de Copenhague.

«La recherche a récemment montré que l’accent accru mis sur les politiques de retour et la protection temporaire, ainsi que les exigences élevées pour obtenir un permis de séjour permanent, créent un paysage d’intégration très, très difficile pour les nouveaux arrivants dans la société danoise», poursuit-elle.

À l’été 2020, 200 Syriens s’étaient vus priver de leur permis de séjour au motif que «la situation actuelle à Damas n’est plus de nature à justifier un permis de séjour ou son extension».

Depuis son élection à la tête de la sociale-démocratie danoise il y a dix ans, Mette Frederiksen a changé le cours de son parti en la matière, dans la lignée des gouvernements précédents de droite, soutenus par l’extrême droite.

Elle a qualifié à plusieurs reprises l’immigration non occidentale de «plus grand défi» pour le Danemark.

En 2024, elle avait soutenu un député, Frederik Vad, qui avait affirmé que certains immigrés bien intégrés «sapaient» parfois la société danoise de l’intérieur.

«Culturellement, on est un pays sociable et détendu et pour une raison quelconque, les musulmans ont été, et sont toujours, perçus comme une sorte de menace à cette culture libérale», regrette Michala Bendixen, présidente de l’organisation «Refugees Welcome».

Rwanda

Chantre de l’accueil de «zéro» réfugié, le Danemark a accepté 860 demandes en 2024, soit près de 13 fois moins qu’en 2015, et Mme Frederiksen défend l’externalisation des demandes d’asile et de leurs demandeurs.

Il y a deux ans, son gouvernement avait suspendu son projet de transférer ses demandeurs d’asile hors d’Europe, possiblement au Rwanda, pour essayer de trouver une solution commune avec l’Union européenne pour organiser ce transfert.

Bien que les essais d’externalisation par des États européens ont tous échoué, «il va y avoir une tentative européenne de faire quelque chose sur le sujet» pendant la présidence danoise, souligne Mme Bendixen.

Sur un autre front, le Danemark s’est associé à l’Italie et sept autres pays pour demander une réinterprétation de la Convention européenne des droits de l’Homme sur les migrations, arguant qu’elle protégeait parfois «les mauvaises personnes».

«Nous étions fiers d’être parmi les premiers pays à signer la Convention des Nations unies sur les réfugiés de 1951, et nous avons également fait partie du programme de réinstallation du HCR depuis la fin des années 1980. Cependant (...), le Danemark semble prêt à tester les limites des conventions», insiste Mme Sandberg.

Pour Michala Bendixen, ce positionnement «fragilise toute la mentalité de l’Europe».

Par Le360 (avec AFP)
Le 26/06/2025 à 07h29