Chantiers du Mondial: l’importation de la main-d’œuvre étrangère n’est pas une solution à envisager

Le chantier du nouveau stade Moulay Abdellah vu du ciel. (Y. Mannan / Le360)

La forte dynamique créée par les grands projets d’infrastructure, lancés notamment en préparation du Mondial 2030, a donné lieu à une importante pénurie de main-d’œuvre. Cette situation a fait germer l’idée de recourir à l’importation des compétences professionnelles de l’étranger. Une option rejetée catégoriquement par Mohammed Mahboub, président de la FNBTP et Karim Cheikh, président de la commission Capital humain de la CGEM. Explications.

Le 16/05/2025 à 08h34

Le Maroc est actuellement engagé dans une dynamique sans précédent de développement des infrastructures. Cette conjoncture favorable s’inscrit dans un contexte particulier lié à l’organisation par le Maroc, conjointement avec l’Espagne et le Portugal, du Mondial 2030 qui a nécessité le lancement de grands projets d’infrastructure s’ajoutant à ceux programmés précédemment ou en cours de réalisation: réseaux de transport, projets logistiques, équipements urbains, ouvrages hydrauliques stratégiques…

Cette situation a entrainé une forte demande sur la main-d’œuvre, sollicitant l’ensemble des corps de métiers du BTP: des ouvriers spécialisés aux ingénieurs, en passant par les techniciens et les artisans qualifiés, se traduisant par une pénurie dans plusieurs spécialités, selon la Fédération nationale du bâtiment et travaux publics (FNBTP).

Elle a été accentuée par l’amélioration de la situation agricole suite aux dernières pluies qui ont retenu une bonne partie de la main-d’œuvre rurale qui alimentait autrement les chantiers de la construction.

Dans certains cas, l’écart entre le besoin en main-d’œuvre et le nombre de travailleurs disponibles est tellement grand qu’il risque de perturber l’avancement des chantiers, ceux-ci étant assortis de délais d’achèvement et de livraison stricts.

Ce qui a fait germer l’idée de recourir à l’importation de la main-d’œuvre étrangère, comme l’a fait le Qatar pour les besoins de réalisation des infrastructures de la Coupe du monde de football dont il fut le pays hôte en 2022. Cette solution est-elle adéquate pour le cas marocain?

Pour le président de la FNBTP, Mohammed Mahboub, interrogé par Le360, l’hypothèse d’importer de la main-d’œuvre n’est pas envisageable. Il rappelle que de nombreux travailleurs étrangers, notamment de nationalités subsahariennes, constituent déjà un maillon fort de la main-d’œuvre mobilisée actuellement sur de nombreux chantiers du BTP à travers le pays.

Le problème des chantiers est ailleurs

Selon le président de la FNBTP, le problème est ailleurs. Le vrai besoin des chantiers en cours au Maroc relève d’une main-d’œuvre qualifiée. «Il s’agit surtout d’une question de qualification. Vu que les nombreuses entreprises qui décrochent des marchés d’infrastructures s’arrachent la main-d’œuvre qualifiée, ces opérateurs sont obligés de recruter des travailleurs sans aucune qualification. Ils sont donc tenus de les former sur le tas et rapidement, vu que les projets en question doivent être livrés à temps», souligne-t-il, faisant remarquer que cette situation est moins facile à gérer pour les petites entreprises.

Par ailleurs, la formation constitue un défi à la fois conjoncturel et structurel, qui exige une réponse avec une vision à long terme. «Au-delà des échéances de 2030, il est essentiel de bâtir dès aujourd’hui un écosystème de formation capable d’accompagner durablement l’évolution du secteur et d’anticiper ses besoins futurs», avance Mohammed Mahboub, insistant également sur l’importance de la formation continue.

«Il faut faire profiter nos compatriotes de ces chantiers»

Interrogé à cet effet, Karim Cheikh, président de la commission Capital humain de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) abonde dans le même sens, rejetant catégoriquement cette idée.

«C’est insensé de faire appel à des étrangers, alors que le Maroc dispose d’une large base de main-d’œuvre qui a juste besoin de formation. Il faut faire profiter nos compatriotes de ces chantiers qui constituent une aubaine pour le marché du travail, vu l’important volume d’emplois qu’ils créeront, au moment où le chômage a atteint un niveau élevé au Maroc», martèle-t-il, se proposant comme fervent défenseur des travailleurs marocains.

Cette forte demande sur la main-d’œuvre a également mis la pression sur le coût des chantiers, selon les opérateurs. Ce qui se traduira par un manque à gagner pour les entreprises qui n’ont pas prévu cette montée des salaires, selon Mohammed Mahboub. Celles-ci tenteront de ne pas dépasser, voire de gagner quelques mois sur la date de délai de livraison pour minimiser l’impact de la hausse des salaires.

«Si, par exemple, une entreprise gagne deux mois en termes de délai, cela lui permettra de réaliser d’importantes économies sur les frais généraux», illustre-t-il, soulignant qu’«en tout cas cela va coûter moins cher que de payer des pénalités de retard».

Par Lahcen Oudoud
Le 16/05/2025 à 08h34