Alors que le Maroc traverse une nouvelle vague de chaleur intense, les experts s’inquiètent de ses répercussions directes sur les réserves hydriques du pays. Les barrages, qui avaient réussi à reconstituer une partie de leurs niveaux grâce aux importantes précipitations qu’a connues le pays cette année, se retrouvent de nouveau sous pression.
«Cette vague de chaleur entraînera inévitablement l’évaporation d’une partie significative des réserves disponibles, notamment dans les grands barrages», alerte Charafat Afilal, ancienne ministre déléguée chargée de l’Eau, dans une déclaration pour Le360.
Le phénomène est bien connu mais ses effets sont amplifiés par les températures extrêmes. Selon l’ancienne responsable, l’ampleur de l’évaporation dépend de plusieurs facteurs: le degré de chaleur, la configuration des bassins de retenue, ainsi que la nature des sols.
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Un avis partagé par Said Chakri, expert en environnement et changement climatique. Pour lui, «l’évaporation constitue un problème majeur, car elle entraîne la perte de volumes d’eau très importants, au moment même où le stress hydrique s’accentue dans plusieurs régions».
Des pertes colossales confirmées par les données officielles
Les chiffres du ministère de l’Équipement et de l’Eau confirment l’ampleur du phénomène. En moyenne, 1,5 million de mètres cubes d’eau s’évaporent chaque jour des barrages marocains, soit 547 millions de mètres cube par an. Une quantité équivalente à la consommation annuelle de plusieurs grandes villes.
Dans certaines situations extrêmes, les pertes peuvent représenter jusqu’à 25% des volumes stockés, selon des estimations d’experts. Ce volume est d’autant plus préoccupant qu’il affecte en priorité les grands barrages, censés sécuriser l’approvisionnement en eau potable, l’irrigation agricole et la production d’électricité.
Une solution innovante: couvrir les barrages de panneaux solaires
Face à cette problématique, une solution innovante émerge: l’installation de centrales solaires flottantes à la surface des retenues d’eau. Cette technologie, déjà utilisée dans plusieurs pays comme la Chine, l’Inde, le Portugal ou le Japon, permettrait à la fois de réduire l’évaporation et de produire de l’électricité verte.
«C’est une solution très en vogue. Une expérience pilote est déjà en cours dans le nord du pays», indique Charafat Afilal. Il s’agit de la construction d’une centrale solaire flottante d’une puissance de 13 mégawatts sur le barrage de Oued Rmel, destinée à alimenter en électricité propre le complexe portuaire de Tanger Med. La mise en service est prévue pour le second semestre de 2025.
Des avantages réels, mais un coût non négligeable
Si cette technologie présente de nombreux atouts -réduction de l’évaporation, production d’énergie renouvelable, meilleure efficacité des panneaux grâce à la fraîcheur de l’eau-, elle nécessite des investissements importants.
Selon les estimations, le coût initial d’une centrale flottante est 20 à 30% plus élevé que celui d’une centrale terrestre classique. À cela s’ajoutent des exigences techniques spécifiques: structures flottantes résistantes aux vents, adaptation aux variations du niveau d’eau, entretien régulier pour lutter contre la corrosion ou les algues.
Un enjeu stratégique pour la sécurité hydrique du Maroc
Alors que les épisodes de sécheresse se multiplient et que le climat devient plus extrême, la préservation des ressources en eau devient un enjeu stratégique. Si la solution des panneaux solaires flottants semble prometteuse, elle devra s’inscrire dans une vision intégrée de gestion de l’eau, mêlant efficacité énergétique, adaptation climatique et préservation des écosystèmes.